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Culture - Exposition

Faire le tour du monde des bizarreries tout en restant rue Clemenceau

L’exposition de Dar el-Nimer « Cabinet de curiosités » – appelée aussi en arabe « Sandouk al-firjeh » – s’était interrompue le temps d’un confinement. Elle reprend aujourd’hui jusqu’au mois de juin et rassemble plus de 250 pièces hétéroclites du monde entier, pour l’enchantement des yeux.

Faire le tour du monde des bizarreries tout en restant rue Clemenceau

Qu’est-ce qui relie ces objets provenant d’époques et de pays différents sinon la marche de l’humanité ? Photo DR

Les cabinets de curiosités de par le monde nous invitent à remonter le temps, l’espace et les matières. On y trouve souvent un mélange hétéroclite d’objets – médailles, armes, objets de vitrine (boîtes, tabatières, petits flacons) ou œuvres d’art –, créés au fil du temps par l’homme.

Le cabinet des curiosités de Dar el-Nimer, qui vient de rouvrir après la période de confinement dans cet espace situé à Clemenceau, ne recense probablement pas le même genre d’objets, ni même un nombre trop élevé, mais il comprend cependant plus de 240 « choses » entre objets d’art, antiques, cérémonials, œuvres, paperasses, toiles, meubles mais aussi du quotidien. Ce cabinet-là a la qualité de faire le tour du monde tout en restant sur place et de faire voyager le visiteur en quelques « curiosités » qui pourraient sembler de prime abord insignifiantes ou sans signification particulière, mais qui sont en réalité pleines d’enseignements de certaines époques révolues. La maxime de Lavoisier pourrait même s’y appliquer « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ou encore celle d’Anaxagore « Rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau ». Car si le monde high-tech du 3e millénaire croit vraiment avoir tout compris, tout inventé, l’on trouve ici la preuve que cela n’a pu être possible que grâce aux jalons posés auparavant par des hommes qui maîtrisaient toute sorte de techniques.

Un fourre-tout élégant

Un petit tour dans l’espace coloré de Dar el-Nimer plonge le visiteur non pas dans un univers nostalgique ou larmoyant, loin de là, mais dans un émerveillement maintes fois renouvelé devant ce qui a pu être et ce qui a pu exister. Des pièces (ouvertes l’une sur l’autre) sont compartimentées sous des thèmes qui rapprochent un certain nombre épars d’objets recueillis parfois du fonds de Dar el-Nimer et d’autres fois de particuliers qui ont bien voulu les prêter.

Dans la première pièce, on pourrait se demander ce qui pourrait rapprocher les deux toiles de l’échouage du bateau Champollion (Antoine Rimbaud, France, 1952) et celui de Victoria (G.W. Marley, 1893), d’une guillotine miniature, de sculptures indonésiennes ou d’un tableau en ivoire et bois représentant les femmes de la Croix-Rouge, sinon le thème de la mort ? Heureusement qu’à côté, des meubles, des bijoux et colifichets appartenant à des mariées syriennes, grecques ou ottomanes évoquent des événements plus joyeux : les noces de princesses d’Orient et autres. La joie et le festif se poursuivent sur le mur adjacent. On pourrait voir accrochées les affiches de soirées dansantes et chantantes, des concerts de Sabah ou Badiaa Massabni, ou simplement des affiches de films témoignant du nombre de salles de cinéma dans tout le Liban. Beyrouth la festive se lit dans le sourire narquois du fameux André invitant les gens à son café-bar, celui qui fut le fleuron de la rue Hamra dans les années 70, et plus loin encore dans cet écriteau indiquant la fameuse rue Moutanabbi, jouxtant une grande caméra prêtée par Nadi likol al-Nas.

L’affiche de l’exposition « Cabinet de curiosités » à Dar el-Nimer. Photo DR

Qu’est-ce qui relie tous ces objets ?

Enfin, dans la pièce centrale, toute sorte d’objets jadis utiles se marient en toute harmonie ou même dans une joyeuse disharmonie formant une sorte de farandole du temps passé. Qu’il s’agisse des bottes utilisées pour la chasse aux phoques trônant au milieu de la salle, d’une ancienne radio Grundig, d’un chapeau de soufi provenant de Turquie, des bouteilles d’eau gazeuse, des boîtes en cuivre ou d’une jeune femme mannequin italienne présentant la dernière mode. Parmi les curiosités à défricher : un stylo à encre de la Première Guerre mondiale, un canon miniature modèle français, des jouets très british, notamment un camion à sucre « Matchbox » datant de 1960, un clown en argent et ivoire fait au XIXe siècle ou une locomotive et un carrousel fabriqués en Allemagne. À Dar el-Nimer, on découvre également des armes ayant appartenu à l’ancienne police palestinienne ou à celle de l’Empire ottoman. La France, l’Angleterre, Taïwan ou la Chine sont également représentés, toutes époques confondues.

Durant cette balade, le visiteur vient à se demander : qu’est-ce qui relie ces objets provenant d’époques et de pays différents sinon la marche de l’humanité ? Une marche incessante faite de travail, d’invention, de désirs, tendant parfois vers le beau et parfois vers d’autres sentiments plus belliqueux. À travers ces objets, ce sont les fantômes d’inventeurs et de créateurs qui hantent l’espace.

La visite peut se prolonger si l’on prend le temps d’observer de près chaque objet et de comprendre son histoire racontée dans un feuillet. Qui peut imaginer que dans ce joyeux fatras, on pourrait même trouver une lettre d’une plainte contre la municipalité de Furn el-Chebback ? De bien curieux objets, obsolètes, jolis et usuels exposés dans ce petit musée de bizarreries qui grouille de vie. Imaginez cette exposition à la tombée de la nuit. Imaginez tous ces objets se réveiller, se raconter des histoires d’antan et des secrets chuchotés qui parlent de la grande marche de l’humanité.

Et ne plus s’interroger, avec l’artiste Marcel Duchamp, de savoir si les objets inanimés ont des âmes...

Dar el-Nimer « Cabinet de curiosités », rue Clemenceau. Jusqu’en juin.

Du lundi au samedi, de 11h à 18h.

Les cabinets de curiosités de par le monde nous invitent à remonter le temps, l’espace et les matières. On y trouve souvent un mélange hétéroclite d’objets – médailles, armes, objets de vitrine (boîtes, tabatières, petits flacons) ou œuvres d’art –, créés au fil du temps par l’homme. Le cabinet des curiosités de Dar el-Nimer, qui vient de rouvrir après la période de...

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