Une fourmi qui en avait assez
De se faire piétiner
Exigea pour y remédier
Que justice soit appliquée.
Prestement convoquée
Pour avoir eu le toupet
De revendiquer
Son droit à l’équité,
Elle fut sommée
De s’expliquer
Devant un carré
De sangliers.
Armée de ses convictions,
Elle s’y rendit
Pour défendre sa position.
« Vous aviez affirmé
Que la justice
Serait imposée à vos sujets
Sans exception.
Mais aucun acte concret
Ne s’est matérialisé.
Vous avez donc échoué. »
Reprenant son souffle,
Elle poursuivit :
« Vous aviez promis
Des graines et du riz
Pour nous aider
À surmonter
Un hiver rigoureux.
Rien ne se fit,
Et nos ventres sont creux. »
De marbre restèrent les sangliers,
Ce qui poussa l’accusée
À persévérer
Dans son plaidoyer.
« Vous aviez juré
D’éradiquer
L’épidémie qui nous a frappés.
Dans vos communiqués,
Faibles et âgés en premier
Seraient bien traités,
Sans privilèges à quiconque octroyé.
Crédules, nous avons marché,
Pensant que le peu de dignité
Qui vous restait
Serait congrûment utilisé.
Mais nous avons vite réalisé
Que toutes vos logorrhées
N’étaient que coups d’épée
Dans l’eau. »
Non accoutumés à tant de culot,
Les marcassins de leurs yeux la fixèrent,
Puis bruyamment couinèrent.
L’impertinence de cette fourmi
Les avait ébranlés et surpris.
S’attaquer ainsi
À l’ordre établi
Ne resterait pas impuni.
Cette minable fourmi
Qui leur faisait la leçon
Méritait une correction.
Mais avant de passer à l’action,
Le quarteron de sangliers
Décida à la majorité
De s’en référer
Aux hautes autorités.
Conscients que cette « écervelée »
Devait de suite être matée,
Car danger elle représentait
Pour leurs acquis non mérités,
La hyène, le putois et leurs affidés
Haussèrent le ton
Et tapèrent du pied :
« Il est hors de question
De lui céder, même d’un micron,
Car créer un précédent
Serait embarrassant.
Usons donc du bâton
Pour la ramener à la raison. »
« Nous t’avions avertie »,
Lui dirent ses amis,
« Qu’un dialogue sensé
Avec ces coupe-jarrets
Mort-né était voué. »
Meurtrie et écorchée
Par sa déculottée,
Elle leur répondit :
« Leur lâcher du lest
Nous sera funeste.
Quelques coups de bâton
Ne changeront pas mes convictions.
La bataille n’est pas gagnée,
Mais entre se taire ou parler,
J’ai choisi de m’exprimer,
Quitte à y laisser ma peau.
Souvenez-vous mes amis
Que cette horde de bandits
Qui sont encore impunis
N’a pour nous que du mépris.
Notre cause est sacrée,
Mais ce n’est qu’unifiés
Que nous pourrons
Les évincer.
Voilà notre défi,
Parole de fourmi. »
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