La menace brandie par le Premier ministre sortant Hassane Diab de « bouder » ses fonctions a-t-elle été un coup d’épée dans l’eau ? Dans certains cercles de l’opposition, c’est ce raisonnement qu’on développe, quelques jours après le discours qu’il a tenu le 8 mars et dans lequel il avait affirmé qu’il était prêt à cesser de remplir ses fonctions, si cela pouvait aider à former le cabinet. Dans ces milieux, on a vu dans cette menace un « écran de fumée » sans effet, similaire à la tournée que M. Diab avait faite quelques jours plus tôt auprès des présidents de la République Michel Aoun, et du Parlement Nabih Berry, pour les presser de mettre en place un nouveau gouvernement.Il est vrai que cette menace du Premier ministre sortant n’a aucune base juridique ou constitutionnelle et qu’elle peut normalement lui valoir, si jamais il l’exécute, d’être déféré devant la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres, pour manquement aux devoirs de la fonction, mais c’est sous un angle politique qu’elle devrait être abordée. Son initiative semble avoir importuné au plus haut point le pouvoir et ses alliés, car le retournement de M. Diab semble avoir court-circuité le chef de l’État. En effet, la volonté de se mettre « en retrait » exprimée par M. Diab est intervenue au moment où, cherchant à faire pression sur Saad Hariri, le camp présidentiel envisageait un renflouement du gouvernement d’expédition des affaires courantes, sous prétexte de questions urgentes à régler, ce qui, de facto, équivaut à « retirer » à M. Hariri la confiance que lui avait accordée le Parlement, lors des consultations obligatoires. Sachant par ailleurs qu’une telle « annulation » n’a pas d’existence juridique, la Constitution ne l’ayant pas prévue.
Hassane Diab a donc coupé l’herbe sous le pied du camp présidentiel, en invoquant comme motif le fait qu’il ne pouvait pas expédier indéfiniment les affaires courantes. Un message qu’il a adressé aussi bien aux forces politiques locales qu’aux puissances internationales pour montrer qu’il ne peut pas assumer la responsabilité d’un effondrement total du pays, alors qu’il n’a pas la latitude d’agir pour le freiner.
Dans le même temps, en franchissant ce pas, le Premier ministre sortant s’est rapproché davantage du camp des anciens Premiers ministres et s’est éloigné de celui qui l’avait nommé en premier. Il aurait aussi honoré la dette de reconnaissance qu’il devait à M. Hariri, l’homme qui s’était tenu à ses côtés quand le magistrat instructeur Fadi Sawan, en charge alors de l’enquête sur l’explosion au port de Beyrouth (4 août 2020), l’avait convoqué en tant que suspect. Le Premier ministre désigné lui avait alors rendu visite au Sérail pour bien faire comprendre à toutes les parties que la présidence du Conseil est une ligne rouge qu’il n’est permis à personne de franchir. Il reste que le camp qui a choisi de le mettre aux commandes du gouvernement ne peut rien contre lui, même pas le déférer devant la Haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres, compte tenu des obstacles communautaires liés à une telle démarche, dans un contexte politique aussi tendu. Car pour qu’il puisse être accusé de manquement aux devoirs de la fonction et déféré devant la Haute Cour, il faut que le Parlement donne son feu vert, ce qui est pratiquement impossible avec la polarisation politique et communautaire aiguë dans le pays.
commentaires (5)
Et voilà les rapaces se tiennent les coudes... Diab est la comme parure... Même quand il était "aux Commandes" ce n'était pas lui qui prenait les décisions. Il se tient maintenant plus proche des anciens premiers ministres qui se sont remplis les poches durant leurs "Règne"... Nous connaissons l'identité du vrai président de la République et Premier ministre du Liban. Il se cache entre La Da7yé et Téhéran...
Marwan Takchi
19 h 54, le 12 mars 2021