« Soutenez le projet du non-confessionnalisme ! » « Bkerké ne parle que libanais ! » « La neutralité et la conférence internationale sont aussi pour les athées. » « Bkerké, parce que Baabda est fermé ! » À quelques heures du sit-in de soutien au patriarche maronite, Béchara Raï, prévu à 15 heures ce samedi au siège du patriarcat en dépit de la pandémie, slogans et vidéos inondent les réseaux sociaux. Chose particulièrement étonnante pour la première fois depuis longtemps, une partie des contestataires du 17 octobre et une partie de la classe politique locale semblent sur la même longueur d’onde. Apparemment unis autour de la proposition du chef de l’Église maronite d’appeler à une conférence internationale sur le Liban sous l’égide de l’ONU afin de régler les contentieux de fond qui menacent la pérennité du pays et de consacrer la neutralité du Liban. Deux propositions particulièrement embarrassantes pour un Hezbollah sous pression, militairement engagé en Syrie, en Irak et, dans une moindre mesure, au Yémen, mais aussi pour son allié chrétien, le Courant patriotique libre. Alors que les derniers préparatifs vont bon train et que des partis politiques opposés à l’axe iranien déploient les grands moyens, une question se pose. Qui se cache donc derrière cet appel en faveur du patriarche maronite, sous les hashtags en langue arabe #Avec-Bkerké (Ma3 Bkerké) et #Bkerké-dit-vrai (Bkerké bte7ki Sa7) ?
À l’origine, un groupe de femmes
L’initiative remonterait à une douzaine de jours. Elle aurait été concoctée par un groupe indépendant de femmes impliquées dans la contestation populaire sous le slogan « La thaoura est femme ». Parmi elles, Élise Moukarzel, femme active et mère de famille. « Nous étions convaincues de la nécessité d’apporter notre soutien au patriarche Raï après le niet catégorique du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, contre toute internationalisation du règlement de la crise au Liban », explique-t-elle à L’OLJ. Après les concertations, elles ont abouti à la nécessité « de dire non à l’occupation du pays par des forces étrangères (en référence aux armes du Hezbollah) ». « Nous avons alors mené nos contacts auprès d’activistes de toutes les confessions et lancé le premier hashtag #Bkerké ne plaisante pas, dans un appel à nous rendre à Bkerké », précise Mme Moukarzel. Les efforts d’Élise et de ses amies ont payé. Leur initiative a fait boule de neige, souvent reprise à leur compte par les partis politiques. Qu’importe. « L’important est que chacun participe sous la bannière du drapeau national », commente-t-elle.
Aux premières lignes des participants, une masse de contestataires. Parmi eux, le collectif TMT (Tajammoh mouwakabat al-thaoura) qui compte parmi ses membres actifs l’avocat Chibli Mallat, l’ancien président du Conseil d’État Chucri Sader et l’activiste Nawal Méouchy. « La conférence internationale est la seule issue possible pour le Liban parce que le dialogue national n’existe plus », soutient Mme Méouchy à L’OLJ. Du côté des partis politiques, les Forces libanaises appuient totalement « l’initiative patriotique » du patriarche maronite et invitent leurs partisans à rallier les foules. « Le patriarche Raï propose des solutions concrètes pour un sauvetage du Liban, et nous devons nous attacher à cette planche de salut », explique le député FL Antoine Habché. Même soutien inconditionnel au patriarche Raï du côté des Kataëb. « Bkerké ne plaisante pas, et ne dévie pas de son projet premier et ultime, le Liban », écrit dans un tweet Nadim Gemayel.
Ne pas ressortir les slogans qui divisent
Il y a aussi ceux qui se tiennent aux côtés de Béchara Raï, sans pour autant se rendre aujourd’hui au siège patriarcal. Comme le Bloc national qui « soutient l’appel de Bkerké à une conférence internationale, mais ne participera pas au sit-in auprès de partis financés par l’Arabie saoudite », affirme Amine Issa, coordinateur politique du parti. Le leader druze Walid Joumblatt a dépêché son représentant, l’ancien ministre Ghazi Aridi, auprès du patriarche maronite pour lui faire part de sa solidarité. « Il est essentiel de rappeler à l’opinion internationale qu’il y a un pays qui s’appelle Liban et qui est oublié de tous », dit M. Joumblatt à L’OLJ. Mais « il ne faudrait pas en revanche que la position patriarcale soit exploitée pour ressortir les vieux slogans des divisions confessionnelles », précise-t-il. Dans la foulée, nombre de personnalités politiques se solidarisent de Bkerké, comme l’ancien chef de l’État Michel Sleiman et les anciens ministres Achraf Rifi et Michel Pharaon, notamment.
Quant au courant du Futur, il a décidé de dépêcher une délégation au siège patriarcal, dans le cadre d’une tournée de l’ensemble des dignitaires religieux qui a commencé par une visite à Dar el-Fatwa, révèle une source proche du parti. « Tout soutien à Bkerké est dans l’intérêt du pays et de l’État. Il constitue une chance de dialogue et de coexistence, et permet d’éviter les divisions », souligne-t-elle.
Le niet d’une frange de la contestation
Mais il est clair que la démarche de Berké ne fait pas l’unanimité au sein du mouvement du 17 octobre. Comme par exemple auprès du mouvement Citoyens et citoyennes dans un État. « Le patriarche est un responsable religieux et non politique, comme tous les chefs religieux », estime son secrétaire général, Charbel Nahas, qui n’en dit pas plus. Comme aussi le parti Sabaa et son fondateur, Jad Dagher, qui espère en finir bientôt avec les volontés d’internationaliser les crises libanaises. « Le Liban est déjà en proie aux interventions étrangères. C’est bien la faute des partis locaux inféodés aux pays étrangers », déplore-t-il.
Internationalisation : Kabalan répond encore à Raï
Le mufti jaafarite Ahmad Kabalan a de nouveau mis en garde hier contre toute tentative d’internationaliser la crise politique qui secoue le Liban, y voyant une « menace contre la souveraineté », dans une critique implicite au patriarche maronite, Béchara Raï. Dans son prêche du vendredi, le cheikh Kabalan a estimé que « durant cette phase critique, il faut réaffirmer (l’attachement à) l’unité nationale et préserver le pays de toute exploitation internationale ». « La solution (à la crise actuelle) commence à l’intérieur du pays, et non à l’extérieur », a-t-il ajouté, dans une réponse claire à l’appel du patriarche, reprenant ainsi les vœux exprimés aussi bien par le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, que par le Courant patriotique libre (CPL). Hassan Nasrallah avait assimilé une conférence internationale sur le Liban à une « déclaration de guerre ». Quant au CPL, dont une délégation a été reçue jeudi à Bkerké, il s’est dit en faveur d’un dialogue interlibanais sur les questions conflictuelles.
« Nous refusons l’internationalisation sous toutes ses formes », a lancé le mufti, estimant que cela reviendrait à « renoncer aux responsabilités internes, menacer la souveraineté et pousser le pays au bord du gouffre ». Et de poursuivre : « Notre position à l’égard de la conférence internationale (pour laquelle plaide le patriarche maronite, NDLR) est claire. Nous ne déclarons la guerre à personne et ne boycottons personne. Nous estimons que les questions cruciales requièrent des décisions tout aussi cruciales. Et aucun camp n’a le droit de les prendre d’une manière unilatérale. » Une claire allusion aux protagonistes, principalement chrétiens, mais aussi druzes et sunnites, favorables à l’appel de Bkerké.
Le mufti jaafarite, qui critique régulièrement les positions du patriarche sans jamais le nommer, tant au sujet des responsabilités au niveau du blocage gouvernemental qu’à celui de la neutralité du Liban, ou encore de la conférence internationale sur le Liban, avait immédiatement réagi dimanche dernier à une homélie de M. Raï sur ce dernier point. Il avait considéré qu’il s’agit d’« une rupture sévère avec la formule libanaise » et qu’une conférence internationale sur la crise libanaise « portera le coup de grâce au Liban ». Le cheikh Kabalan avait en outre estimé que le blocage est dû à « l’appétit de certains dinosaures internationaux et de leurs agents locaux ».
J'aimerais que Charbel Nahas et Jad Dagher, nous explique comment ils vont faire pour régler la situation présente ? Quelle est leur solution ? Quel est leur programme ? Si ces deux messieurs, que je respecte, pensent réellement que Nasrallah, Gebran Bassil et Nabih Berry, vont écouter la raison? Si ces Messieurs ne sont pas encore convaincues, avec ce que les 3 partis ont fait pour saper l'investigation du port, et la situation économique désastreuse et LA CERISE SUR LE SUNDAE, comment ils ont géré la pandémie, alors ils n'ont rien compris ! Si aucun mouvement post 17 octobre n'ont un programme de vraie solution... Alors l'Internationalisation est la seule Solution !
15 h 45, le 27 février 2021