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Politique - Éclairage

Comment Béchara Raï est devenu le centre du jeu politique

Le patriarche a fait sa propre révolution, entraîné par une dynamique historique qui le pousse à agir.

Comment Béchara Raï est devenu le centre du jeu politique

Le siège patriarcal de Bkerké. Photo DR

Bkerké est (re)devenu ces derniers jours le centre de gravité de la scène politique libanaise. Les délégations se succèdent dans l’ancien couvent de Notre-Dame, transformé par décret en 1790 en siège permanent du patriarcat maronite. « Le siège est ouvert à tous, du roi au pêcheur », dit un dicton que l’on aime répéter dans l’enceinte ecclésiastique, où l’on insiste sur le fait que le prélat rencontre tout le monde, des jeunes et des moins jeunes, des révolutionnaires et des conservateurs. Les visiteurs que le patriarche tente d’entraîner en ce moment dans son sillon se considèrent toutefois plus comme des rois que comme des pêcheurs. C’est le tout-politique qui se rend à Bkerké pour se positionner par rapport à la proposition du patriarche d’organiser une conférence internationale pour régler les querelles de fond qui menacent la pérennité du Liban. Si bien que Béchara Raï, dont le charisme et l’audace ne sautaient jusqu’ici pas aux yeux, s’est affirmé en quelques mois comme le principal fer de lance de la bataille pour la défense de la souveraineté libanaise. Comment expliquer cette évolution ? Comment ce prélat, qui paraissait un peu frileux par rapport à son prédécesseur Nasrallah Sfeir, a-t-il pu remettre Bkerké au centre du village ?

Depuis le soulèvement populaire d’octobre 2019, Béchara Raï a fait sa propre révolution. Finies la complaisance à l’égard des politiques et les positions en demi-teinte. Ses homélies se muent en diatribes contre le pouvoir et au fil des mois, il rappelle avec insistance, à tous ceux qui pouvaient l’avoir oubliée, la position traditionnelle de Bkerké en faveur du principe de neutralité pour le Liban. « Je suis surpris d’entendre les critiques se demandant d’où le patriarche a fait sortir maintenant ce concept de neutralité. Ce principe fait partie de l’identité libanaise que le pape saint Jean-Paul II avait résumée par sa formule du “Liban-message” », dit Boulos Sayah, un évêque considéré comme proche du président de la République Michel Aoun.

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Béchara Raï, dont l’élection avait été interprétée comme une volonté pour le Vatican de se recentrer politiquement – notamment par rapport à la question syrienne –, s’est repositionné depuis le soulèvement d’octobre sur une ligne plus 14-marsiste (du point de vue des principes) qui lui permet de renouer avec le rôle historique de Bkerké à un moment où il considère que le Liban est face à un danger existentiel. « Ce rôle a été au cœur de l’action du patriarcat dans l’histoire du Liban. Il suit une ligne politique claire et inébranlable », explique l’ancien ministre proche de Bkerké et des Forces libanaises (FL) Roger Dib. « Comme chaque patriarche maronite, il sent le poids de la responsabilité nationale sur ses épaules », renchérit Mgr Sayah.

« Il n’y a aucun conflit entre le patriarche et le conseil des évêques »

Bkerké a été historiquement l’un des pôles les plus importants de la vie politique libanaise, concurrençant parfois le pouvoir central et dans la période plus contemporaine le président de la République. Cent ans après la création du Grand Liban, dans laquelle le patriarcat maronite a joué un rôle de premier plan, Béchara Raï est convaincu que son institution doit être le moteur d’une nouvelle initiative visant à préserver le pays et à construire les bases d’une nouvelle entente. Le patriarche semble, du fait même de son statut, entraîné dans une dynamique historique qui le pousse à agir à un moment jugé critique. « Il se sent responsable devant la médiocrité de la situation et devant l’irresponsabilité de la classe politique et sa régression », résume Walid Ghayad, responsable de la communication du siège.

De là à considérer que le caractère du prélat est secondaire dans toute cette histoire, il n’y a qu’un pas qu’il serait pourtant réducteur de franchir. Cette initiative, c’est avant tout la sienne, même si elle bénéficie d’un soutien assez large au sein du siège patriarcal. Quelques voix dissonantes parmi l’épiscopat, notamment des proches de la mouvance aouniste, lui reprochent toutefois de naviguer à vue et d’être sous l’influence de certains de ses proches conseillers. « Il travaille en solo, uniquement en réaction aux événements », confie un évêque qui a souhaité garder l’anonymat et qui considère que « ce n’est pas le moment de créer des remous politiques ». Une version balayée d’un revers de main par plusieurs proches du patriarche qui affirment que ce dernier consulte beaucoup et que toute décision officielle est le fruit d’un long débat entre les évêques, dans lequel chaque virgule est soupesée. « Il n’y a aucun conflit entre le patriarche et le conseil des évêques. Tout ce qui est dit sur le sujet n’est que rumeurs malsaines », affirme Mgr Sayah.

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Environ une cinquantaine d’évêques ayant des agendas parfois différents en fonction notamment de leurs proximités politiques ou de l’environnement communautaire de la région où se situe leur évêché se réunissent généralement une fois par mois pour discuter entre autres de ce genre de dossiers. Doté d’une culture d’universitaire, le patriarche s’appuie en outre beaucoup sur ses lectures, ses recherches et sur les rapports qu’on lui présente. « Ces derniers temps, il dévore tous les livres et les études qu’il trouve sur la question de la neutralité », dit Walid Ghayad.

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Le prélat multiplie aussi les rencontres avec le Centre maronite de documentation et de recherche (MCDR), créé en 2004, réunissant le clergé et des laïcs, pour étudier et approfondir des problématiques sur des questions stratégiques, sociales, politiques, juridiques, économiques. Ses positions sont ainsi le résultat d’un long processus de rencontres et de débats. Son appel à un soutien international, soutenu par le Vatican, est en quelque sorte l’aboutissement de son action, au vu des circonstances actuelles, avec l’échec de la formation du gouvernement et le revers de l’initiative française. Depuis quelques semaines, il a enchaîné les rencontres au niveau local et international pour discuter de cette initiative. « La proposition d’une conférence internationale n’est pas encore mûre sur la scène locale. Elle a besoin encore de plus d’élaboration et de contacts, précise Walid Ghayad. Le patriarche a même invité le Hezbollah pour en discuter, mais ce dernier n’a pas répondu. »

Celui dont la devise de Bkerké dit que « la gloire du Liban lui a été donnée » a désormais la lourde tâche de la refaire jaillir.

Bkerké est (re)devenu ces derniers jours le centre de gravité de la scène politique libanaise. Les délégations se succèdent dans l’ancien couvent de Notre-Dame, transformé par décret en 1790 en siège permanent du patriarcat maronite. « Le siège est ouvert à tous, du roi au pêcheur », dit un dicton que l’on aime répéter dans l’enceinte ecclésiastique, où l’on...

commentaires (4)

des prelats aounistes s'y mettent comme les civils meritant la meme épithète ? Eh bien qu'ils dansent maintenant que tout commence a degringoler sur leurs tetes a tous.

Gaby SIOUFI

12 h 01, le 27 février 2021

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Commentaires (4)

  • des prelats aounistes s'y mettent comme les civils meritant la meme épithète ? Eh bien qu'ils dansent maintenant que tout commence a degringoler sur leurs tetes a tous.

    Gaby SIOUFI

    12 h 01, le 27 février 2021

  • Des voix dissonantes continueraient à vouloir étouffer celles de ceux qui veulent récupérer la souveraineté. Ceux qui refusent l’internalisation ont peur de perdre leurs privilèges acquis par la collaboration avec l’ennemi et savent qu’une fois ce jour de libération arrivé ils feront partie des traitres qui seront jugés et perdront leurs postes, leur faux honneur affiché et leur dignité parce qu’ils ont trahi leur pays. Ces gens-là promus députés, ministres juges, colonels, directeurs de société et j’en passe , sortis de nulle part retrouveront leurs place initiale de losers et de racaille d’avant. Ils seront condamnés à immigrer ou à rester cloîtrer chez eux si ce n’est en prison de peur de subir la justice du peuple qu’ils ont humiliés et anéantis grâce à leurs positions usurpées et à leur insatiable appétit de pouvoir et d’argent aux détriments du pays et de ses citoyens.

    Sissi zayyat

    11 h 12, le 27 février 2021

  • Pour l'avoir approché au tribunal maronite de Jounieh,alors qu'il n'etait qu'un jeune prêtre je peux dire que mgr.Raï est de l'etoffe des grands et des Justes

    Marie-Hélène

    09 h 52, le 27 février 2021

  • LA CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LE LIBAN EST UNE EPEE A DEUX TRANCHANTS SURTOUT POUR LES CHRETIENS LIBANAIS SI L,APPEL NE DEFINIT PAS LES BUTS. RESPECT DE TAEF ET DE LA PARITE DE 50/50 CHRETIENS/MUSULMANS DEVRAIT ETRE DES ACQUIS NON DISCUTABLES CAR L,INTERNATIONALISATION RISQUE D,EN CHANGER L,ESSENCE. IL FAUT LUI PREFERER LES NEGOCIATIONS NATIONALES LOCALES SI LES MILICES ARMEES CHIITES LIVRENT AVANT LEURS ARSENAUX A L,ARMEE LIBANAISE ET LIQUIDENT LEURS MILICES ET ARMEES PARAMILITAIRES IRANIENNES ET LA COMMUNAUTE CHIITE REINTEGRE LES RANGS NATIONAUX. SINON TOUTES LES AUTRES COMMUNAUTES LIBANAISES DEVRAIENT JOINDRE LEUR VOIX A CELLE DU PRELAT, DU METROPOLITE AUDI, DES FL, DU FUTUR ET DE JOUMBLAT POUR UNE CONFERENCE INTERNATIONALE QUI CONFIRME TAEF ET AIDE LE PAYS A SE REDRESSER. LA PREFERENCE ETANT LA MISE DU PAYS SOUS TUTELLE ET GOUVERNANCE D,UN PAYS OCCIDENTAL POUR L,ETABLISSEMENT D,UN ETAT DE DROIT EN DEGAGEANT TOUTE LA PEGRE DES GOUVERNANTS DES DERNIERES DECENNIES, ZAIMS DE GRANDS PERES A PETITS FILS ET FILLES ET OU DES VENDUS QU,ILS SOIENT PRESIDENTS OU AUTRES A EXCLURE ET JUGER POUR LA FAILLITE TOTALE ET EN TOUT DU PAYS. DES ELECTIONS LIBRES A ORGANISER OU LE PEUPLE CHOISIRA LIBREMENT ET DEMOCRATIQUEMENT SES GOUVERNANTS. UN LIBAN DEBARRASSE DES CANCERS ET DES GANGRENES ETRANGERES ET OU VENDUS QUI LE RONGENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 59, le 27 février 2021

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