
Dans la salle d’attente d’un centre de vaccination. Photo João Sousa
Près de 36 heures après le scandale ayant éclaté mardi à la suite de la vaccination à l’hémicycle d’une vingtaine de députés et fonctionnaires, le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, est finalement sorti hier soir de son mutisme. Dans une interview accordée à la chaîne nationale Télé Liban, il a déclaré que ce qui s’est passé au Parlement « n’est pas une violation » de la stratégie nationale de vaccination. « J’ai pris une décision souverainiste et décidé que des équipes médicales se rendraient au Parlement pour vacciner les députés », a-t-il affirmé. Puis il a ajouté que cette décision était un geste de « reconnaissance pour les efforts déployés par les élus, d’autant que la Chambre s’est réunie pendant sept jours consécutifs pour voter la loi sur les vaccins ».
Estimant que la grave polémique qui a éclaté suite aux révélations de mardi, avec notamment une menace de démission de la part du président du comité national chargé de la vaccination contre le Covid-19, Abdel Rahman Bizri, et une menace de suspension du financement de la part de la Banque mondiale (BM), a un côté « positif », M. Hassan a souligné que « désormais, tous ceux qui appelaient le ministre de la Santé et les autorités pour recevoir le vaccin ne le feront plus ».
Commentant la polémique suscitée par cette affaire, il a estimé que « ça ne valait pas la peine d’en faire autant ». « La commission ministérielle (chargée du suivi du Covid-19) a des prérogatives, a-t-il justifié. Le président du comité national chargé de la vaccination contre le Covid-19, Abdel Rahman Bizri, est membre d’un comité consultatif. C’est la commission ministérielle qui prend les décisions. » Le Dr Bizri avait exprimé, mardi, son « indignation » suite aux révélations et avait dénoncé une « violation » des règles de priorités, validées par la BM, dans le cadre de la stratégie nationale. Il avait également indiqué son intention de démissionner avant de geler sa décision jusqu’à la réunion du comité qui s’est tenue hier en fin d’après-midi. À l’heure de mettre sous presse, Abdel Rahman Bizri ne s’était pas exprimé au sujet de sa démission. Lors de cette réunion, il a écouté les explications de M. Hassan sur cette affaire. Selon des sources citées par la LBCI, le Dr Bizri est resté ferme, insistant à ce que les députés concernés reçoivent la seconde dose du vaccin dans l’un des centres de vaccination accrédités. Selon plusieurs médias, Thalia Arawi, responsable des questions éthiques au sein de ce comité, a, elle, présenté sa démission.
Lors de son entrevue télévisée, M. Hassan a en outre estimé que la stratégie nationale est « solide et cohérente et répond aux critères internationaux ». Il a toutefois jugé qu’elle « reste théorique » et peut présenter certaines « lacunes ». « Il existe un fossé entre la documentation sur le papier et le suivi sur le terrain, qui nécessite de gros moyens et des équipes de volontaires », a-t-il poursuivi, assurant que le ministère de la Santé suit cela de près. « La population doit être tranquille, a encore rassuré M. Hassan. La Banque mondiale s’assurera si les violations ont vraiment eu lieu. Pour mémoire, la Banque mondiale nous a accordés un prêt et non une donation. » « En cas de confirmation d’une violation, la Banque mondiale pourrait suspendre le financement des vaccins », avait écrit, mardi, sur Twitter, le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha.
« Où est le mal ? »
Si Hamad Hassan a tenté d’éteindre la polémique, quelques heures plus tôt, puis tout au long de la journée, le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, s’est employé à souffler avec vigueur sur les braises. Après avoir estimé que la vaccination « à domicile » des 22 députés et fonctionnaires est justifiée, il a qualifié le directeur régional pour le Moyen-Orient de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, de « menteur ».Dans une interview accordée à L’Orient-Le Jour peu après une conférence de presse tenue à l’hémicycle pour justifier ce qui s’était passé la veille, M. Ferzli a confirmé ses propos relayés plus tôt dans la journée par le correspondant de la Fondation Thomson Reuters, Timour Azhari. Oui, il a bien traité Saroj Kumar Jha de « menteur », a-t-il martelé. Poussant le bouchon un peu plus loin encore, M. Ferzli, qui fait partie des personnes vaccinées mardi à la Chambre, a indiqué avoir « envoyé un message au siège de la Banque mondiale à Washington pour demander une enquête concernant leur représentant au Liban ». « Nous n’avons rien fait de mal », a-t-il martelé, répétant des propos tenus dans sa conférence de presse. « Nous nous sommes inscrits sur la plateforme (de vaccination, NDLR) comme tout le monde et nous sommes dans la catégorie d’âge visée, a-t-il ajouté. De plus, les responsables du Parlement étaient en contact avec le ministère de la Santé via le conseiller du ministre Mohammad Barakat. Ce jour-là, il y avait également la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), ainsi que des représentants du ministère et de la BM. Tout était en règle, pourquoi toute cette polémique ? » À la question de savoir si le fait de qualifier le directeur régional de la BM de « menteur » ne risquait pas de coûter cher au pays si l’organisation retirait son financement des vaccins, M. Ferzli a assuré « ne pas être inquiet à ce propos », et que c’est au contraire lui qui réclame une enquête, qualifiant de « suspecte » la « campagne » contre les députés. « Pourquoi le représentant de l’organisation a-t-il fait sa déclaration avant même de nous contacter pour demander des détails sur l’opération ? se demande-t-il. Pourquoi n’a-t-on pas fait le même scandale quand l’AUB a déclaré que 52 % des vaccinés n’étaient même pas inscrits dans la plateforme ? Même l’Inspection centrale va publier un rapport dans lequel elle va souligner que 30 % des vaccinés n’étaient pas préalablement inscrits. » En soirée, M. Ferzli s’est de nouveau emporté à ce sujet, lors d’une intervention sur la LBC.
« La confiance »
Par ailleurs, concernant la vaccination ayant eu lieu au palais de Baabda, et dont ont bénéficié le président de la République, Michel Aoun, son épouse, Nadia, et dix membres de l’équipe proche du président, la FICR a affirmé hier ne pas en avoir été informée, a indiqué une porte-parole de la FICR citée par notre publication sœur L’Orient Today, ce qui constituerait une violation des règles de la campagne de vaccination contre le Covid-19.
La Banque mondiale et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) ont signé le 12 février un accord de partenariat, qui court jusqu’en décembre 2021, afin de superviser de manière indépendante la campagne de vaccination au Liban. Dans ce cadre, la FICR doit recevoir une liste quotidienne des lieux de vaccination de la part du ministère de la Santé pour envoyer des observateurs sur place.
« Le facteur le plus précieux sur le plan des politiques de santé publique est la confiance », a réagi de son côté le directeur de l’hôpital universitaire Rafic Hariri, Firas Abiad. « Tout comme le temps, la confiance, lorsqu’elle est perdue, est difficilement regagnée, a-t-il poursuivi sur son compte Twitter. La confiance ne peut être donnée. Elle se gagne et se construit graduellement à travers des exploits répétés, caractérisés par la transparence. »
Les chiffres de l’épidémie repartent à la hausse
Les chiffres sont repartis hier à la hausse au compteur de l’épidémie du Covid-19, après une légère accalmie de quelques jours, avec 62 décès enregistrés et 3 513 nouveaux cas de Covid-19, selon le bilan du ministère de la Santé. Ce qui fait grimper à 362 833 le nombre des cas cumulés au nombre desquels 4 508 décès et 277 741 guérisons. Parmi les cas toujours actifs, 2 161 personnes sont hospitalisées, dont 911 en soins intensifs.
Près de 36 heures après le scandale ayant éclaté mardi à la suite de la vaccination à l’hémicycle d’une vingtaine de députés et fonctionnaires, le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, est finalement sorti hier soir de son mutisme. Dans une interview accordée à la chaîne nationale Télé Liban, il a déclaré que ce qui s’est passé au Parlement « n’est pas une...
commentaires (35)
Il parle de “décision souverainiste”? C’est mal traduit, il faudrait dire “acte régalien”. Ce monsieur se prend pour Louis XIV
Georges El-Kehdy
15 h 29, le 26 février 2021