L'ONG internationale Human Rights Watch (HRW) a déploré mercredi l'absence de justice, à la veille des six mois depuis la gigantesque explosion au port de Beyrouth qui a fauché la vie de plus de 200 personnes, et en a blessé plus de 6.500 autres tout en ravageant des quartiers entiers de la capitale libanaise.
"Les autorités libanaises ont échoué durant les six derniers mois à rendre une quelconque forme de justice après l'explosion catastrophique au port de Beyrouth le 4 août 2020", déplore HRW. "L'enquête locale bloquée et minée par de sérieuses violations sur le plan procédural, ainsi que les tentatives des dirigeants politiques de mettre un terme à l'investigation, renforcent le besoin d'une enquête internationale indépendante", estime l'ONG.
Toute la République était au courant des dangers que posait la présence de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le port sans mesures de sécurité depuis 2014, et à proximité des quartiers résidentiels de Beyrouth. Le président Michel Aoun, le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab, des membres de son gouvernement mais aussi des responsables des services de sécurité avaient été avertis. Une grande partie de la population fait d'ailleurs assumer aux dirigeants politiques et sécuritaires actuels la responsabilité de la double explosion.
"Cinq jours"
Le juge Fadi Sawan, en charge de l'enquête sur l'explosion, a déjà inculpé le Premier ministre sortant, Hassane Diab, et trois anciens ministres pour négligence. Mais l'enquête fait du surplace depuis plusieurs semaines, face aux ingérences de divers responsables politiques, au grand dam d'une large frange de la population qui réclame une enquête indépendante. Les anciens ministres et députés (Amal) Ali Hassan Khalil et Ghazi Zeaïter, mis en accusation, ont ainsi déposé un recours contre le juge, ce qui a forcé la suspension temporaire de l'enquête en décembre dernier. Le procureur a été autorisé, mi-janvier, à reprendre ses investigations, mais rien n'a jusque là filtré sur d'éventuels nouveaux interrogatoires qui auraient été menés. Les appels à une enquête internationale ont été rejetés par les autorités libanaises qui ont toutefois été épaulées par des experts internationaux lors des premières investigations sur le terrain. Dernièrement, des informations de presse ont évoqué l’implication présumée d’hommes d’affaires syriens proches du régime de Bachar el-Assad dans l’importation du nitrate d’ammonium qui a explosé au port de Beyrouth, alors que la Syrie se trouve sous le coup de sanctions internationales et cherche à les contourner par tous les moyens, notamment à travers des trafics en tout genre via le Liban.
"Les autorités libanaises ont publiquement promis que l'enquête prendrait cinq jours. Mais six mois plus tard, le public attend toujours des réponses", regrette Aya Majzoub, chercheuse sur le Liban au sein de HRW. "De plus, le tribunal en charge du dossier semble avoir malmené les droits des détenus dans l'affaire", signalant par là qu'il n'est pas prêt ou ne veut pas rendre justice", ajoute Aya Majzoub.
Une trentaine de personnes, notamment des responsables sécuritaires et militaires, ainsi que des civils, sont derrière les verrous dans le cadre de l'enquête, alors que plusieurs d'entre eux clament leur innocence et que les groupes de défense des droits de l'Homme s'inquiètent de violations de leurs droits les plus basiques.
"Priver les défendants d'un procès équitable ne contribue pas à rendre justice aux victimes de l'explosion", prévient la chercheuse. "Une enquête internationale indépendante, ainsi que des réformes urgentes au sein du processus juridique libanais, sont les meilleures garanties afin que le peuple obtienne les réponses qu'il mérite", conclut-elle. En octobre dernier, HRW affirmait déjà que l'enquête menée par les autorités libanaises n'était "ni transparente ni indépendante".
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"Les autorités libanaises ont échoué durant les six derniers mois à rendre une quelconque forme de justice après l'explosion catastrophique au port de Beyrouth le 4 août 2020", déplore HRW. Elles n'ont pas échoué, elles n'ont pas voulu...
DJACK
20 h 19, le 03 février 2021