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Économie - Interview

Confinement : la décision des autorités sur les supermarchés manque de réflexion, regrette Nabil Fahed

Alors que le Liban se prépare à un bouclage total de plusieurs jours en plein contexte de hausse du nombre de contaminations au coronavirus, le président du syndicat des propriétaires de supermarchés considère que beaucoup d’enseignes seront contraintes de fermer leur portes, faute de pouvoir assurer un service de livraison à domicile.

Confinement : la décision des autorités sur les supermarchés manque de réflexion, regrette Nabil Fahed

Nabil Fahed, président du syndicat des propriétaires de supermarchés. Photo DR

Dans le cadre du nouveau bouclage total décrété lundi pour faire face à la propagation du coronavirus, les autorités ont ordonné aux supermarchés d’arrêter d’accueillir, à partir de jeudi, leurs clients et de limiter leurs activités aux livraisons de courses à domicile pendant une dizaine de jours au moins. Comment le syndicat que vous représentez a-t-il accueilli cette décision ?

Mal, parce qu’elle est le fruit d’une réaction des autorités à la dégradation de la situation sanitaire, et non d’une réflexion répondant aux problématiques réelles de ce confinement, à savoir comment permettre aux ménages libanais de faire leur courses sans encombre tout en limitant au maximum les contacts et les déplacements.

Certes, les supermarchés sont autorisés à ouvrir de 5h à 17 h (du lundi au samedi inclus) afin de pouvoir continuer de réceptionner des marchandises et assurer un service de livraison à domicile pour les citoyens qui souhaitent faire leurs courses, commandées en ligne ou par téléphone. Mais cette mesure est inadaptée au fonctionnement du secteur. Tout d’abord parce que seule une partie des enseignes de supermarchés propose ce type de services qui sont généralement limités à leurs plus gros points de vente - soit 80 à 90 sites de plus de 1000 m2 dans tout le pays.

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Ensuite, parce que les supermarchés ne seront pas en mesure de servir efficacement tous leurs clients à moins de se doter d’effectifs pléthoriques de livreurs, et encore. Avec les moyens actuellement mis en oeuvre, le secteur ne peut absorber que 5 % de la demande totale. Au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, où les systèmes de livraison à domicile sont beaucoup plus développés, ce pourcentage grimpe à peine à 20 %.

Laissez-moi vous donner un exemple : le supermarché que ma société possède à Zalka (périphérie de Beyrouth) sert 5000 clients par jour. Pour tous les servir dans des délais raisonnables, nous devrions mobiliser 300 à 400 employés et une centaine de camions. Ce n’est pas viable. Dans d’autres pays, les autorités ont pu cerner ces problèmes en dialoguant avec les acteurs de la grande distribution, qui ont toujours été autorisés à ouvrir, même dans les périodes de confinement les plus sévères. Au Liban, les décideurs sont restés sourds aux arguments que nous avons pourtant tenté de leur faire entendre et les supermarchés vont malheureusement être contraints de faire ce qu’ils peuvent pour respecter les mesures imposées.

Dans ce contexte, comment et à quel prix les supermarchés vont-il pouvoir mettre en oeuvre ce qui leur est demandé ?

Ceux qui n’ont pas les moyens de le faire vont tout simplement être obligés de fermer pendant la période de bouclage, ce qui va encore plus réduire les possibilités pour les Libanais de s’approvisionner. Il en sera de même pour les supermarchés qui ne peuvent pas assurer de service de livraison dans tous leurs points de vente, et qui devront donc en fermer une partie.

Pour les autres, il y a trois vecteurs possibles : soit prendre directement en charge l’intégralité du processus (traitement des commandes, livraison, encaissement) ; soit faire appel à un sous-traitant pour la livraison (LibanPost par exemple) en convenant d’une tarification spécifique ; soit enfin nouer un partenariat avec une plateforme spécialisées dans la livraison à domicile (Instacart, My Trolley, etc.) qui gère tout le processus moyennant rémunération. La majorité des supermarchés libanais sont dans le deuxième cas de figure.

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Enfin, les enseignes qui peuvent encore investir ne raisonnent plus en termes de marge ou de coûts car elles estiment avoir encore la chance de travailler, contrairement à de nombreux commerces qui sont contraints de fermer. La priorité du secteur est actuellement d’essayer d’appliquer autant que possible les mesures imposées pour que les Libanais ne manquent de rien, sans trop alourdir leurs factures. Un des moyens d’optimiser notre fonctionnement autant que possible est, par exemple, d’offrir les frais de livraison quand le panier dépasse un certain montant, afin d’encourager les clients à grouper leurs achats.

Le syndicat espère-t-il encore voir les autorités revenir sur leur décision et les autoriser à ouvrir ?

Nous essayons encore de les alerter sur les problèmes que posent leur décision concernant les commerces alimentaires. D’autant plus que des  alternatives existent. La semaine dernière, nous avons par exemple proposé d’étendre les plages horaires d’ouverture pour diluer autant que possible l’affluence dans les points de vente, comme cela se fait ailleurs dans le monde. Nous avons également suggéré que chaque point de vente accueille uniquement les clients situés dans un certain rayon (5 km par exemple) pour décourager les Libanais qui s’éloignent trop de chez eux malgré la situation. Mais nous n’avons pour l’instant pas été entendus.

Le problème d’une mesure inefficace, c’est qu’elle risque d’être rapidement contournée. Les commerçants pourront en effet être tentés d’ouvrir discrètement leurs portes pour servir des clients qui seront de leur côté nombreux à chercher des alternatives. Et malgré toute leur bonne volonté, les forces de sécurité pourront difficilement surveiller les plus de 25 000 points de ventes (épiceries, mini-markets et supermarchés) répartis dans tout le pays.

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Il faut enfin garder à l’esprit que la situation de la grande distribution est aussi compliquée que celle des autres acteurs de l’économie libanaise qui ont été assommés par la crise qui a débuté à la mi-2019. Le chiffre d’affaires du secteur a reculé de 50 à 60 % par rapport aux résultats de 2018, la dernière année à peu près normale que le pays ait connu. Les clients dont le pouvoir d’achat a été rongé par la dépréciation de la livre et les restrictions bancaires n’achètent plus que des produits de première nécessité ou ceux qui bénéficient encore des mécanismes de subventions sur les importations mis en place par la Banque du Liban (en passe d’être rationalisés, NDLR). Après plusieurs mois de résistance, beaucoup d’enseignes sont au bord du gouffre et risquent de fermer.

Il est enfin regrettable que les autorités aient laissé circuler aussi longtemps, sans les clarifier, les informations indiquant qu’elles envisageaient de fermer complètement les supermarchés pendant plusieurs jours, services de livraison inclus. Car ceci a eu pour résultat ces scènes terribles de Libanais se ruant pendant deux jours dans les grandes surfaces du pays et mettant en danger leur propre santé ainsi que celle des personnes qui les servent.

Dans le cadre du nouveau bouclage total décrété lundi pour faire face à la propagation du coronavirus, les autorités ont ordonné aux supermarchés d’arrêter d’accueillir, à partir de jeudi, leurs clients et de limiter leurs activités aux livraisons de courses à domicile pendant une dizaine de jours au moins. Comment le syndicat que vous représentez a-t-il accueilli cette décision...

commentaires (4)

""la décision des autorités sur les supermarchés manque de réflexion, regrette Nabil Fahed"" PAS DU TOUT MR. FAHD. PAS DU TOUT. CAR NOTRE EXPERIENCE PASSEE A PROIUVE QU'ON NE POUVAIT PAS COMPTE SUR VOUS AUTRES POUR APPLIQUER LES MESURES NECESSAIRES QUI SE RESUMERAIENT SIMPLEMENT A PERMETTRE L'ENTREE AU SUPERMARCHE QU'A UN NOMBRE TRES LIMITE A LA FOIS. MAIS CE SERAIT TROP VOUS DEMANDER. SURTOUT SURTOUT DE GRACE CESSEZ DE CRITIQUER LA DAWLE. ASSEZ.

Gaby SIOUFI

12 h 19, le 19 janvier 2021

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Commentaires (4)

  • ""la décision des autorités sur les supermarchés manque de réflexion, regrette Nabil Fahed"" PAS DU TOUT MR. FAHD. PAS DU TOUT. CAR NOTRE EXPERIENCE PASSEE A PROIUVE QU'ON NE POUVAIT PAS COMPTE SUR VOUS AUTRES POUR APPLIQUER LES MESURES NECESSAIRES QUI SE RESUMERAIENT SIMPLEMENT A PERMETTRE L'ENTREE AU SUPERMARCHE QU'A UN NOMBRE TRES LIMITE A LA FOIS. MAIS CE SERAIT TROP VOUS DEMANDER. SURTOUT SURTOUT DE GRACE CESSEZ DE CRITIQUER LA DAWLE. ASSEZ.

    Gaby SIOUFI

    12 h 19, le 19 janvier 2021

  • LES SUPERMARCHES DEVRAIENT ETRE BIEN AERES ET LIMITER LE NOMBRE DE PERSONNES ADMISES A TOUT MOMENT ET LES OBLIGEANT A PORTER DES MASQUES ET GARDER LA DISTANCIATION DANS LES RANGS DEVANT LES CAISSES. LES FERMER EST UNE DECISION PRISE A LA LEGERE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 39, le 13 janvier 2021

  • Le mal est déjà fait pendant les 3 jours précédant le bouclage, étant donné que la ruée vers les supermarchés, contraire à toutes les consignes de distance de sécurité, va provoquer peut-être une augmentation des contaminations dans les prochains jours. Donc, on aura eu l'effet inverse de ce que nos autorités cherchaient pour limiter la propagation du virus. Espérons toutefois que ça n'arrive pas.

    Esber

    16 h 26, le 12 janvier 2021

  • "... la décision des autorités sur les supermarchés manque de réflexion ..." - "Réflexion" vient du verbe réfléchir. Qu'est-ce qui vous fait croire que nos "autorités" sont capables de réfléchir?

    Gros Gnon

    14 h 40, le 12 janvier 2021

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