Pour le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, « le Liban est devenu une province iranienne ingouvernable ». L’heure ne semble donc pas à la cohabitation, mais plutôt à la confrontation, d’où l’escalade verbale pour laquelle a opté le leader druze. Dans une interview accordée jeudi soir à la chaîne MTV, Walid Joumblatt s’en est violemment pris à la République islamique, l’accusant de « ne pas respecter l’entité libanaise ». Il réagissait ainsi implicitement aux dernières déclarations du commandant de l’armée de l’air des pasdaran, Ai Hadji-Zadeh. Ce dernier avait affirmé, la semaine dernière, que le Liban et Gaza sont des lignes de front pour la lutte de l’Iran contre l’occupation israélienne.
Ce n’est naturellement pas la première fois que M. Joumblatt s’en prend à Téhéran, mais sa toute dernière escalade verbale est à interpréter sous l’angle de son timing. Elle est intervenue quelques jours après la réconciliation politique entre le Qatar et plusieurs monarchies du Golfe, notamment l’Arabie saoudite, ainsi que l’Égypte, mettant fin à une crise qui a duré plus de trois ans. Perçue sous cet angle, la diatribe joumblattiste contre l’Iran pourrait être interprétée comme un clin d’œil en direction des pays du Golfe, pratiquement absents de la scène politique libanaise qu’ils estiment contrôlée par l’Iran et ses alliés locaux, notamment le Hezbollah. Cette lecture, des analystes politiques la présentent à L’Orient-Le Jour, estimant que par sa démarche, le leader de Moukhtara chercherait à paver la voie à une réouverture libanaise en direction des pays arabes.
Un point de vue que Marwan Hamadé, député joumblattiste démissionnaire du Chouf, tempère. Dans un entretien accordé hier soir à L’OLJ, il estime que les pays du Golfe ont, et jusqu’à nouvel ordre, abandonné le Liban, expliquant que « le critère définissant les rapports avec les pays arabes réside dans le degré d’hostilité à l’Iran », dans ce qui sonne comme une pique en direction du pouvoir en place, perçu comme proche de Téhéran et l’axe régional qu’il conduit. M. Hamadé juge toutefois « probable » que les pays arabes s’ouvrent de nouveau vers Moukhtara.
Saad Hariri et son gouvernement
Walid Joumblatt est donc conscient du fait que le Liban a plus que jamais besoin de l’aide de ses partenaires arabes et internationaux pour sortir de la crise sans précédent qui le secoue depuis plus d’un an. C’est d’ailleurs précisément ce message qu’il a voulu adresser au Premier ministre désigné, Saad Hariri. En dépit des rapports perturbés depuis des mois entre les deux hommes, Walid Joumblatt a donné au leader du Futur « un conseil » : se récuser. Un appel qu’il avait déjà lancé à plusieurs reprises, dans le cadre de son combat politique contre Téhéran et ses ramifications locales.
« Il s’agit d’une façon pour Walid Joumblatt de mettre Saad Hariri en garde contre la formation d’un gouvernement qui serait contrôlé par le Hezbollah et le tandem Baabda-Courant patriotique libre uniquement », commente pour L’OLJ un analyste politique. Et de souligner que le recours à cette option ne fera de Saad Hariri « qu’un paravent pour les décisions que prendrait le Hezbollah pour diriger le pays ». « D’autant que le Liban gravite carrément dans l’orbite iranienne », ajoute-t-il, faisant allusion aux déclarations de Ali Hadji-Zadeh.
Pour le moment, ce qui est sûr, c’est que Walid Joumblatt est arrivé au point de non-retour avec le Hezbollah et qu’il est passé à la vitesse supérieure face à la République islamique.« La catastrophe est tombée. Pourquoi embarquer dans cette galère? Qu’ils (le camp adverse) en assument la responsabilité. » Voilà comment Marwan Hamadé résume les propos de Walid Joumblatt. Selon lui, « la formule adoptée par le passé ne fonctionne plus. Nous ne pouvons plus cohabiter avec eux au sein d’un cabinet ».
Ces déclarations pourraient être interprétées comme traduisant une volonté de Moukhtara de rester en dehors du prochain gouvernement, sachant que les joumblattistes avaient mené une bataille acharnée pour prendre part à la future équipe et faire barrage aux ambitions du leader du Parti démocratique libanais, Talal Arslane, qui bénéficie du soutien du Hezbollah et du tandem Baabda-CPL. Sans se prononcer sur ce point, Marwan Hamadé se contente d’exclure la formation d’un cabinet dans un avenir proche.
Mais pourquoi Walid Joumblatt semble-t-il retirer à M. Hariri un appui significatif dont il a besoin dans sa bataille pour former son équipe ? « Notre soutien n’a aucun sens. Nous ne pourrons pas faire face à eux (le 8 Mars), même si nous appuyons tous M. Hariri », répond M. Hamadé, dans une allusion aux anciens alliés du Futur et de son chef, notamment le PSP et les Forces libanaises. « Nous sommes en train de payer le prix du compromis présidentiel et de la docilité du chef de l’État à l’égard du Hezbollah », lance encore Marwan Hamadé, estimant qu’il n’y a pas de gouvernement en vue « sous le mandat de Michel Aoun ».
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POURTANT IL A FACILITE LA VOIE DU HEZBOLLAH DANS LES EXACTIONS ET LES INTIMIDATIONS QU,IL EXERCE EN L,APPUYANT POLITIQUEMENT TANT DE FOIS.
LA LIBRE EXPRESSION
18 h 20, le 10 janvier 2021