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Société - Éclairage

La crise économique a-t-elle exacerbé les tensions contre les réfugiés syriens ?

Les incidents semblent se faire plus fréquents et plus violents ces derniers mois.


La crise économique a-t-elle exacerbé les tensions contre les réfugiés syriens ?

Une réfugiée syrienne regarde le camp dévasté de Bhannine, au Liban-Nord, incendié par des Libanais en représailles à une altercation entre un réfugié et un Libanais, le 27 décembre 2020. Ibrahim Chalhoub/AFP

Samedi dernier, un camp informel de réfugiés syriens à Bhannine-Minié, au Liban-Nord, était incendié par des Libanais suite à une altercation entre un réfugié et un membre du clan al-Mir. Les quelque 75 familles du camp avaient dû trouver refuge ailleurs. Fin novembre, à Bécharré, toujours au Liban-Nord, suite au meurtre d’un Libanais par un ouvrier syrien, 270 familles syriennes de ce village avaient été menacées, voire carrément la cible de représailles. Dans ce contexte, elles avaient fini par plier bagages.Ces incidents surviennent alors que le Liban fait face à une crise économique sans précédent, marquée notamment par une dégringolade de la valeur de la livre libanaise, une hyperinflation, un taux de chômage et de pauvreté ne cessant d’augmenter. La Banque mondiale estime que d’ici à 2021, plus de la moitié des Libanais sera sous le seuil de pauvreté.

Ce pays désormais exsangue accueille, depuis des années, le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde. 1,5 million de Syriens sont présents sur le territoire libanais, dont un million sont inscrits au Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) de l’ONU.

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Si des incidents impliquant des réfugiés syriens ont lieu à intervalles réguliers depuis des années, ils se font de plus fréquents et de plus violents ces derniers temps, selon le professeur de politique publique à l’Université américaine de Beyrouth, Nasser Yassin. « Cette année, les expulsions forcées et les agressions verbales deviennent monnaie courante. Et, avec Minié, c’est la première fois qu’on voit un camp dans son entièreté dévasté par les flammes au Liban. L’affaire de Bécharré est aussi un cas extrême », souligne-t-il. Pour le professeur, la perception négative des Syriens par les Libanais s’est accrue depuis le début de la crise, menant à des tensions entre les deux communautés.

« Ces violences sont isolées, ce n’est pas un phénomène global. Parallèlement à ces violences, nous avons observé une solidarité forte entre les Libanais et les réfugiés en ces temps difficiles », tempère Ziad Sayegh, expert en politique publique et en matière de réfugiés. Globalement, estime-t-il, les relations humaines et sociales n’ont pas été affectées par la crise et souligne qu’il faut faire la distinction entre la présence de « racistes qui sont contenus » et « une vague de racisme » qui n’existe pas à l’échelle du pays. Pour l’expert, les tensions sont liées à la « polarisation populiste politique », tandis que certains partis tirent des bénéfices du populisme antiréfugiés.

Il n’en demeure pas moins que nombreux sont les Libanais qui pensent que les réfugiés sont un poids économique pour le pays. « Je suis contre l’accueil de réfugiés syriens. Ils aggravent la situation économique. En plus, ils sont privilégiés car ce sont eux qui reçoivent le plus d’aides, et ils sont les seuls à avoir accès à des dollars frais. Ce n’est pas logique », estime Mohammad, 22 ans.

Ces idées reçues sont poussées par certains médias et journalistes, diffusant des photos de réfugiés en train de retirer de l’argent. « Certains pensent que, contrairement aux Libanais, les réfugiés syriens ont accès à de l’argent frais. En ces temps de crise, les Syriens deviennent des boucs-émissaires », explique Nasser Yassin. Pourtant, d’après les conclusions de 2020 du HCR, du Programme alimentaire mondial et du Fonds des Nations unies pour l’enfance, neuf réfugiés syriens sur dix vivent désormais sous le seuil de l’extrême pauvreté au Liban.

« L’un des indicateurs les plus inquiétants des effets des crises sur la population réfugiée est la croissance du nombre de ménages vivant sous le seuil de l’extrême pauvreté. Ils représentent 89 % en 2020, contre 55 % un an avant. Ils vivent avec moins de 308 728 livres libanaises par mois, la moitié du salaire minimum », peut-on lire dans ces conclusions. « La moitié de la population réfugiée se trouve en insécurité alimentaire, contre un peu plus d’un quart l’année précédente et le taux de familles se nourrissant mal ou peu a aussi augmenté », avertissent encore les Nations unies au Liban.

Seuls les réfugiés les plus vulnérables bénéficient d’aide, explique, pour sa part, le porte-parole du HCR Liban-Nord, Khaled Kabbara. Une aide donnée en livres libanaises qui les aide à peine à couvrir leurs besoins primaires. Les assistances qu’ils reçoivent varient. 55 000 réfugiés bénéficient d’une allocation mensuelle d’un montant de 400 000 livres libanaises par famille. Pour l’hiver, 954 000 livres libanaises sont également reversées aux réfugiés les plus pauvres ainsi que certaines familles libanaises éligibles.

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Le porte-parole du HCR admet que les tensions sont élevées entre les deux communautés à cause du fardeau du coronavirus et de la situation économique. Mais l’entraide existe aussi, martèle-t-il, rappelant que lors de l’incendie criminel à Bhannine, des Libanais sont venus en aide aux réfugiés syriens en offrant leur logement, en leur distribuant de la nourriture ainsi que des couvertures. Cette solidarité, l’expert Ziad Sayegh l’explique par la rencontre des « tragédies syrienne et libanaise ». « Si chacune a des caractéristiques spécifiques, elles ne peuvent, finalement, pas être dissociées », explique-t-il. Une analyse que partagent certains Libanais. « Les réfugiés sont utilisés par ce système politique qui tente de se déresponsabiliser face à la crise économique. C’est avec les réfugiés syriens, palestiniens et soudanais que nous devons le combattre », lance Nayla, 24 ans.

Absence de l’État

Les réfugiés syriens sont, par ailleurs, la cible de mesures discriminatoires dénoncées par les organisations non gouvernementales. Par exemple, afin de contenir la propagation du virus, la municipalité de Brital (Baalbeck) a annoncé, en mars dernier, l’imposition d’un couvre-feu uniquement pour les Syriens, de 9h à 13h. Ces mesures sont la conséquence de « l’absence d’une politique publique libanaise », estime Ziad Sayegh. Le gouvernement libanais, depuis le soulèvement populaire du 17 octobre 2019, est de moins en moins impliqué dans le dossier de la crise des réfugiés, d’après Nasser Yassin. « Par conséquent, le peuple assume la charge et les municipalités, les ONG, la communauté internationale et le HCR comblent le vide », explique-t-il. « La façon dont le gouvernement traite la crise des réfugiés est malheureusement un reflet de l’état dans lequel nous sommes. Le gouvernement ne parvient pas à dessiner une politique publique globale face aux diverses crises auxquelles nous faisons face. L’approche est toujours fragmentée », déplore-t-il. Et donc inefficace.

Samedi dernier, un camp informel de réfugiés syriens à Bhannine-Minié, au Liban-Nord, était incendié par des Libanais suite à une altercation entre un réfugié et un membre du clan al-Mir. Les quelque 75 familles du camp avaient dû trouver refuge ailleurs. Fin novembre, à Bécharré, toujours au Liban-Nord, suite au meurtre d’un Libanais par un ouvrier syrien, 270 familles syriennes...

commentaires (4)

Je pense que les syriens doivent rentrer chez eux ....

Eleni Caridopoulou

17 h 45, le 30 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Je pense que les syriens doivent rentrer chez eux ....

    Eleni Caridopoulou

    17 h 45, le 30 décembre 2020

  • En résumé, tous les libanais devraient bénéficier d'aides internationales au même titre que les réfugiés, pour la simple raison que la présence des réfugiés, bien que malgré eux, a aggravé la crise économique et financière, étant donné les dépenses publiques exagérées, étalées sur 10 ans, relatives aux différents services dont ils bénéficient au même titre que les libanais, mais sans payer la plupart de ces services.

    Esber

    16 h 48, le 30 décembre 2020

  • l'argent n'a pas d'odeur dit on, et les brigands n'ont pas de nationalite exclusive libanaise ni syrienne, une des raisons aux problemes securitaires, la 2e etant la precarite de notre situation a nous autres libanais qui venons de realiser que oui, employer des syriens par dizaines de milliers a fini par faire sentir son poids sur notre economie.

    Gaby SIOUFI

    09 h 55, le 30 décembre 2020

  • Il serait temps que les libanais se rendent compte que les syriens et eux ont le meme ennemi et s unissent afin de vaincre .....

    HABIBI FRANCAIS

    09 h 18, le 30 décembre 2020

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