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Nos Lecteurs ont la Parole

Progression vers le passé

Le Moyen Âge connaît un renouveau. Qui l’aurait cru après les siècles de lumière qu’un jour l’humanité reculerait vers les ténèbres. Et ce processus de recul est si évident que les moyenâgeux revenants s’y reconnaîtront certainement. Il aurait suffi d’un président mégalomane non éclairé, il aurait suffi de quelques factions islamistes extrémistes, il aurait suffi de certains dictateurs autoproclamés, de certains groupes de conspirationnistes et d’un invisible virus pour que le monde bascule vers un crépuscule redoutable.

L’intuition, le manque de lucidité, les jugements hâtifs et la désignation machinale et sans fondement de boucs émissaires prennent le pas sur le raisonnement et l’intelligence. Et l’état de nature prend le pas sur l’état de droit, et le « déconnomètre » déborde et de conneries, et de stupidités, et d’absurdités, et il affiche saturé. Et c’est sidérant.

Et la liberté d’expression qui se déchaîne y est pour quelque chose. L’expression se libère sous forme d’un déferlement de haine dans un contexte régulé et immodérément contrôlé par les passions négatives qui infiltrent notre société et par le recul de la morale qui s’ensuit. La honte.

Et c’est plus véridique que jamais, le monde est un théâtre, un four, ces jours-ci. Et dans leurs pensées les plus sombres, les petites et les grandes merveilles de l’évolution veulent se mettre en lumière et sous les feux des projecteurs, et veulent vivre des moments de gloire extrêmement satisfaisants pour combler leur narcissisme. Esclaves de l’entre-soi et misanthropes comédiens, mais également prophètes de malheur, ils jouent le bonheur de comploter. Et plus ils enquillent les bêtises, plus ils sont dans la complétude. Et ce sentiment les comble jusqu’aux plus reculés endroits de leurs neurones. Ces neurones follement enfermés dans leurs cerveaux comme une myriade de poissons dans une nasse.

Dépourvus d’esprit critique et de libre arbitre, et excités en permanence par un souci persistant et persévérant d’exposer au plus grand nombre, à travers les traditionnels et les plus récents moyens d’information, leur vision simpliste et leurs explications intuitives, ils s’organisent en mouvements à succès et émettent des théories complotistes, et promeuvent, à la façon des attachés de presse, d’autres.

Aveuglés, les adeptes de ces théories conspirationnistes contribuent à faire le bonheur des architectes du complot. Et forte du succès rencontré, la littérature complotiste pullule. En plus de cela, les « followers » de ces théories, tout en ayant du mal à justifier le bien-fondé de leur soutien inconditionnel, relayent de façon tentaculaire à travers la toile une « vérité » qu’ils croient absolument détenir. Ainsi, ils croient que « le virus est une création de Bill Gates », et que les démocraties occidentales veulent leur imposer une dictature en restreignant leur liberté de circulation et en leur imposant de porter des masques, etc.

Et le comble, c’est l’appétence que ces followers ont pour ces théories loufoques qui les apaisent dans leur faim et leur donne la satiété mentale tant attendue. La facilité avec laquelle ils trouvent sans preuve et incriminent publiquement sans procès les coupables témoigne d’un retour en force vers une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité, le Moyen Âge.

Assoiffés également de récits malveillants, ils manifestent une « hostilité fondamentale envers l’ordre démocratique » et ses défenseurs qu’ils nomment vertement et publiquement comme les coupables par excellence de tous les maux du monde. À l’esprit amer et caustique, ils tiennent des propos aussi bien odieux qu’extrémistes à leur égard. Et c’est très inquiétant et de mauvais augure.

Et en plus de croire détenir la vérité, ces sensationnelles créatures prétendent avoir des explications à tous les phénomènes et rendre lisible notre réalité quand elle devient trouble et embrouillée.

Plus que regrettable, le résultat est déroutant et délirant, car ces dernières détournent la réalité pour qu’elle serve leur façon de voir la vérité. Et dans cette même logique, ils se veulent être tout en même temps : génie, juge, arbitre, gouverneur, éducateur, théoricien, praticien, avocat, victime et bien au-delà. Bref, de vrais dictateurs en devenir.

Préjudiciablement, l’humanité ne se montre pas sous ses meilleurs jours. Les idioties prolifèrent, et la xénophobie, le narcissisme et la mauvaise foi trouvent de plus en plus refuge et confort dans une humanité perdue dans sa fragilité et dans sa vulnérabilité.

Une symphonie noire, au rythme épouvantable, qui met à l’honneur la haine. Une haine orchestrée par des forces sombres et jouée dans un monde plus que jamais déchiré et fragmenté. Une crucifixion de l’intelligence, de la raison et de tout ce qui nous différencie des animaux, et qui rappelle comme par coïncidence l’histoire de La Ferme des animaux de George Orwell qu’il faut lire et relire.

Il est crucial de se remettre en selle, de se ressaisir, de reprendre le contrôle de ses pensées et de dire ouvertement : non à toutes les idioties proférées, non aux jugements erronés et précipités, non à la violence réelle ou virtuelle, non à la xénophobie, non aux infox, etc. Voilà les nouveaux gestes barrières rationnels et les nouvelles mesures de distanciation idéologique qu’il faut impérativement rajouter aux traditionnels pour une protection sensée et optimale.

Il est crucial aussi de « laisser les choses basses mourir de leur propre poison », disait Giscard d’Estaing. Mais est-il suffisant de combattre ces mouvements décadents par les idées et les réflexions raisonnables d’hommes éclairés ? C’est certes nécessaire, mais encore faut-il un travail d’introspection. S’aventurer en dehors de soi, sortir de l’esclavagisme de l’entre-soi et du narcissisme est une odyssée d’une dimension transcendante. Il suffit d’être porté par un récit supérieur comme en témoigne cette phrase de Sylvain Tesson : « Pour s’extraire de soi-même, il faut un récit supérieur : de la foi, de l’amour, de la grandeur, un projet, un rêve, enfin quelque chose qui vous emporte. »

Mais finalement et le plus important, que retiendra l’histoire de cette époque ? Que l’humanité a sombré par manque de transcendance et de récits supérieurs ? En ces temps de fêtes, revenons à l’essentiel, cet « essentiel qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue », selon André Gide. Et rappelons-nous qu’il y a presque deux mille ans, l’amour a été prêché en message ultime de la part du plus humain des humains : Jésus !

« Si tous les gens qui vivent ensemble s’aimaient, la terre brillerait comme un Soleil. »

Une éventualité souhaitable. Joyeux Noël !


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Le Moyen Âge connaît un renouveau. Qui l’aurait cru après les siècles de lumière qu’un jour l’humanité reculerait vers les ténèbres. Et ce processus de recul est si évident que les moyenâgeux revenants s’y reconnaîtront certainement. Il aurait suffi d’un président mégalomane non éclairé, il aurait suffi de quelques factions islamistes extrémistes, il aurait suffi de...
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