Le chef du CPL, Gebran Bassil, l’a répété à plusieurs reprises : il faudrait revoir les points de l’entente de Mar Mikhaël conclue entre son parti et le Hezbollah le 6 février 2006. Interrogé sur la question, il a préféré ne pas entrer dans les détails, mais ce qu’il a laissé entendre montre qu’il y a un véritable malaise entre les bases populaires des deux parties. C’est d’autant plus étonnant que le Hezbollah et le CPL étaient fiers d’affirmer que ce qui a permis à cette entente de s’inscrire dans la durée, en dépit des secousses et des crises, c’est justement le fait qu’elle ne s’est pas limitée aux directions respectives des deux formations, mais qu’elle s’est étendue à leurs bases.
Aujourd’hui, force donc est de constater que la situation est différente. Dès que l’on rencontre un membre du CPL, sa première remarque concerne le Hezbollah qui, selon lui, ne s’est pas tenu aux côtés du CPL dans sa lutte contre la corruption. Du côté du Hezbollah, la base est aussi irritée par les reproches constants formulés par le CPL envers la formation chiite.
Ce malaise a en réalité commencé avec l’élection du général Michel Aoun à la présidence après les ententes conclues par ce dernier pour obtenir le maximum d’appui interne à son accession au sommet de l’État. Dans l’optique du fondateur du CPL, il valait mieux devenir président de tous les Libanais en obtenant l’appui des sunnites à travers une entente avec Saad Hariri, et celui des chrétiens à travers une entente similaire conclue avec les Forces libanaises. À cette époque, c’est-à-dire en 2016, Michel Aoun ne s’est pas soucié du chef du mouvement Amal et président de la Chambre, Nabih Berry, considérant que l’appui du Hezbollah suffisait. De fait, lors de la séance parlementaire consacrée à l’élection présidentielle le 31 octobre 2016, M. Berry et son bloc parlementaire n’avaient pas voté pour Michel Aoun. L’ombre de cette divergence entre le Hezbollah et Amal a plané sur les quatre dernières années et constitue le cœur du malaise entre le CPL et le Hezbollah.
La situation aurait pu rester gérable, mais au fil du mandat Aoun et en raison des crises successives, le CPL s’est retrouvé au cœur d’une campagne de critiques populaires et de mécontentement, les Libanais l’accusant de ne pas avoir tenu ses promesses de lutter contre la corruption. Chaque fois qu’il a été question de prendre des mesures effectives pour combattre la corruption, le parti s’est heurté au système en place et n’a pas pu compter sur l’appui du Hezbollah. Ce dernier a en effet toujours privilégié la stabilité interne à toutes les autres considérations. Résultat, à la cinquième année du mandat présidentiel, le CPL se retrouve avec un bilan assez maigre aux yeux de nombreux Libanais sur le plan de la lutte contre la corruption, alors que les crises sociale et économique s’approfondissent. C’est donc là que réside l’origine du malaise entre la base du CPL et le Hezbollah.
Sous le grand titre de « l’édification de l’État », qui constitue le cinquième point de l’entente de Mar Mikhaël, se cachent donc la lutte contre la corruption et, aux yeux du CPL, le peu d’empressement du Hezbollah à ébranler le système en place, et les protections politiques et confessionnelles accordées aux différents secteurs et institutions publiques.
Depuis qu’il a fait l’objet de sanctions américaines le 6 novembre dernier, le chef du CPL, Gebran Bassil, estime qu’il a payé le prix fort pour son attachement à l’alliance avec le Hezbollah. Par conséquent, ce dernier lui doit bien de s’investir plus concrètement dans la lutte contre la corruption. L’obsession du CPL est donc d’améliorer son bilan aux yeux des Libanais, et il considère qu’il devrait pouvoir compter sur l’appui du Hezbollah pour cela. D’autant que s’il échoue et que le mandat de Michel Aoun s’achève sans avoir jeté les fondements d’un État de droit et relancé les institutions comme le président l’avait promis dans son discours d’investiture, cela signifiera sur le plan politique que son alliance avec le Hezbollah l’a desservi au lieu de l’aider dans l’accomplissement de la mission qu’il s’était fixée.
C’est justement pour éviter une telle conclusion que le CPL et le Hezbollah ont décidé d’un commun accord de faire le point sur l’entente de Mar Mikhaël et d’essayer de dynamiser leur alliance sur le plan interne libanais. C’est dans ce contexte que le secrétaire général du Hezbollah et le chef du CPL ont eu, il y a quelques jours, une longue conversation téléphonique.
commentaires (19)
Cette malheureuse manie de vouloir a tout prix et a chaque fois, faire passer le CPL pour une innocente victime des circonstances ou manigances politiques passees et presentes devient lassante, tres lassante ! Ces articles sombrent dans le ridicule et ne manquent pas de rappeler les Intox du temps des regimes des pays totalitaires auxquels nous commençons malheureusement a adherer.
Cadige William
11 h 05, le 21 décembre 2020