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Arrêts sur image

Sur l’écran noir de notre quotidien, le défilement du morne feuilleton libanais vient de marquer deux pauses dont on se serait bien passé. La première aura été littéralement télécommandée par cette véritable peste de Covid-19 qui a attaqué Emmanuel Macron, le contraignant à annuler la visite qu’il devait effectuer la semaine prochaine dans notre pays. Durant ce bref séjour, il se proposait de rencontrer les soldats français stationnés à notre frontière sud et relancer son initiative visant à aider le Liban en crise.

Non point que l’on escomptait encore quelque miracle de ces généreux efforts. Avec les dirigeants locaux persistant à mener le pays vers l’abîme, le président français a tout essayé, mais en vain. Il a agité l’alléchante carotte d’une consistante assistance financière internationale si seulement ils se décidaient à réaliser une série de réformes en tout point indispensables ; sans ménagements protocolaires, il leur a publiquement passé savon sur savon, il les a même menacés de sanctions, sans susciter en eux ne serait-ce qu’une pointe de honte ou, pour le moins, d’embarras.

Dès lors, les responsables ne sont que trop heureux de s’en tirer à bon compte, cette fois, avec tous ces vœux de prompt rétablissement qu’ils adressaient hier au confiné de l’Élysée. En revanche, et pour son honneur, Emmanuel Macron va manquer à ceux qui sont le véritable objet de sa sollicitude : les citoyens libanais, criminellement tenus en quantité négligeable par leurs propres gouvernants et qui, par deux fois déjà, ont pu toucher de la main le message d’amitié, de solidarité et de sympathie qu’il venait leur porter. Cette troisième saison Macron manquant désormais au programme, c’est un peu, pour les Libanais à l’abandon, le père Noël qui, bien malgré lui, c’est vrai, leur pose un lapin. Déjà qu’en ces temps d’infortune, les présents ne se bousculent guère sous le sapin…

Le second de ces arrêts sur image est la suspension de l’enquête sur la meurtrière double explosion du 4 août dans le port de Beyrouth. La déconvenue et l’inquiétude sont grandes, certes, au sein d’une opinion publique qui, compte tenu des traditions locales, n’en croyait pas ses yeux de voir un magistrat se hasarder à incriminer le chef du gouvernement démissionnaire et trois anciens ministres – dont deux députés – pour négligences ayant causé la mort de centaines de personnes. Déjà éconduit par le Premier ministre en exercice Hassane Diab, le juge d’instruction Fadi Sawan était récusé mercredi par le bureau de l’Assemblée nationale qui a mis en doute son impartialité. Du coup, on le souffle suspendu, lui aussi, dans l’attente de la décision de la Cour de cassation qui devra, dans les prochains jours, remplacer le téméraire magistrat ou le confirmer dans sa mission.

Quelles qu’en soient les suites, ce brutal coup de frein imprimé à l’enquête en dit déjà fort long sur l’énormité des obstacles entravant toute recherche sérieuse de la vérité. Le Parlement vient pratiquement de se joindre (et il n’en sort pas grandi !) à ceux qui ont vu dans les initiatives du juge Sawan une intolérable atteinte aux communautés des personnages poursuivis. Pour consternant qu’il soit, ce constat ne devrait pas surprendre, hélas, dans la mesure où, depuis des décennies, tout gouvernement au Liban n’est que le clone en modèle réduit de l’organe législatif. Gouvernants faillis et leurs censeurs supposés se confondent finalement ; ils relèvent, en rangs dispersés, des mêmes chefs d’orchestre. C’est bien pourquoi l’opinion publique, les puissances amies et le bon sens le plus élémentaire s’accordent à voir dans un gouvernement de technocrates non partisans la seule chance de salut du Liban.

Tous, cela veut dire tous : ce cri de ralliement en forme de réquisitoire, lancé par la contestation contre l’intégralité de la classe politique, les responsables ne se font pas faute d’y répondre, mais à leur perverse manière. Qu’il s’agisse d’incurie ou de corruption ; qu’ils soient alliés ou qu’ils se glissent volontiers des peaux de banane sous les pattes, ils s’égosillent à réclamer justice. Mais ce qu’ils s’emploient à nous faire comprendre, c’est que tous pourrait bien, en définitive, signifier personne…

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Sur l’écran noir de notre quotidien, le défilement du morne feuilleton libanais vient de marquer deux pauses dont on se serait bien passé. La première aura été littéralement télécommandée par cette véritable peste de Covid-19 qui a attaqué Emmanuel Macron, le contraignant à annuler la visite qu’il devait effectuer la semaine prochaine dans notre pays. Durant ce bref séjour, il...