Déprime en prime

Incroyable mais vrai, Istiz Nabeuh avait eu naguère une idée ! L’événement méritait à lui seul d’être signalé à l’époque. C’était d’ailleurs la seule fulgurance qu’il ne cesse de mastiquer depuis, et qui ne nécessite pas plus d’une synapse neuronale : encaquer tous les Libanais dans une seule et unique circonscription englobant la Békaa, le Liban-Sud, et si possible l’Irak, le Yémen et l’Iran, avec un score sans équivoque : 99 % de « oui », 1 % de « traîtres ». Le tout agrémenté d’un programme politique bidon débité en bois de chêne massif, aussi obscur que les grimoires talmudiques. Fini les bulldozers et autres autobus. C’est en avion charter que Bac -6 veut amener ses coreligionnaires jusqu’à l’hémicycle.

Les élections législatives sont certes encore loin, mais le tenancier du Parlement trépigne déjà et nous fait une rechute de proportionnelle intégrale. Seulement, ce haut perché législatif a beau se démener en convoquant tantôt les commissions, tantôt des séances plénières, il n’arrive pas à émoustiller ses compères chrétiens, druzes et encore moins sunnites. Ces derniers ont d’ailleurs d’autres chattes à fouetter depuis que le juge Sawan a décidé de faire danser Tonton Diab, sur lequel pourtant crachait il n’y a pas si longtemps un quarteron d’anciens Premiers ministres.

Résultat des courses : le vieux Déshérité déprime grave et ne croit plus qu’en Emmanuel Macron qui, pense-t-il, possède le talisman magique qui dénouera d’un coup toutes les crises qui secouent le Liban calcifié. Manque de pot, celui-ci vient de choper le Covid et ne l’écoutera qu’à travers un écran plat. Ce qui convient très bien pour un débit de platitudes. Encore faut-il que le baron de Aïn el-Tiné et de toutes ses dépendances sache communiquer dans une langue vivante avec le chef de l’Élysée… du moins pour les quelques bribes qu’il consentira à lâcher devant son micro.

Tant pis, il lui expliquera en langage des signes sa profonde déception face au comportement du Futuroscope désigné, que lui et son copain barbu iranien étaient allés chercher du fond de sa voie de garage, pour l’installer à califourchon sur un gouvernement monochrome capable enfin de parler persan. Il exhalera aussi devant le président français, qui s’en bat complètement les gonades, sa rancœur du fait de la hargne que lui portent Orangina Ier et son gendron, tapis tous deux en embuscade pour lui savonner la planche.

Autant de tuiles qui au final confèrent à notre ami le profil du mari trompé dans une pièce de boulevard. « Y a plus que Joumblatt qui me parle », faisait-il bêler l’autre jour sur le réseau social par l’un de ses sous-fifres.

Cocu, mais lucide !

gabynasr@lorientlejour.com