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Culture - Rencontre

Tarek Yamani, un peu Herbie Hancock, un peu Zaki Nassif…

Ce mardi 15 décembre au soir, dans le cadre de la treizième édition du Festival Beirut Chants, le pianiste déploiera son patchwork musical, à la croisée du jazz et du tarab, sur la place Ajami dans les souks de Beyrouth…

Tarek Yamani, un peu Herbie Hancock, un peu Zaki Nassif…

Tarek Yamani offre un concert, le 15 décembre, à Beyrouth. Photo Peter Adamik

En arrivant à Beyrouth après une absence d’un an causée par la pandémie, Tarek Yamani se met à sillonner les rues défigurées par la double explosion du 4 août, avec du jazz en fond sonore. Il est alors frappé par le fait que cette musique résonne « autrement qu’ailleurs. » Sans doute parce que c’est dans cette ville même où il a poussé et grandi que le pianiste a reçu, à cinq ans, un premier clavier jouet. Dans cette ville même que ses oreilles se sont émerveillées, pour la première fois, au contact des acrobaties musicales de Herbie Hancock. Dans cette ville même qu’il a aussitôt compris que la musique serait le décor de sa vie, et le jazz, plus précisément, son propre chemin de traverse. C’est là qu’avec les moyens du bord, un album emprunté par-ci, une rencontre déterminante par-là, cet autodidacte fera éclore son talent. Cette ville, la sienne, qu’il retrouve donc, une année plus tard, « avec une émotion tellement intense qu’elle devient inexprimable ». Cette ville qui accueillera son concert, ce mardi 15 décembre, au soir, sur la place Ajami dans les souks de Beyrouth, dans le cadre du Festival Beirut Chants.

Un lien extrêmement fort

Placée sous le thème The Will of Life, la volonté de vie, la symbolique de cette treizième édition du festival qui continue de s’éreinter à démocratiser l’art au Liban et « sauvegarder notre riche ADN culturel, en dépit de tout » (comme nous le confiait Micheline Abi Samra, fondatrice et présidente du festival) semble faire écho au travail de Tarek Yamani. Lequel, en 2012, et malgré une carrière internationale probante et très prenante, avait tenu à lancer Beirut Speaks Jazz, soit trois éditions d’un festival autour duquel il voulait « non seulement promouvoir ce genre musical au Liban, mais aussi et surtout y sensibiliser le public », confie-t-il.

Faute de financement par des institutions gouvernementales qui ont sans cesse boudé la culture sous toutes ses formes, Yamani s’est vu contraint d’arrêter ce pourtant crucial évènement, se consacrant à son œuvre qui se balade entre albums solos et bande sons de films. « Même installé à New-York, puis à Berlin depuis mars dernier, j’ai toujours préservé un lien extrêmement fort avec le Liban », dit-il. Sauf que la reconnaissance, tristement, viendra d’ailleurs que de son pays natal. Entre autres, un premier prix à la compétition Thelonius Monks qui récompense les compositeurs de Jazz en 2010, une performance mémorable à l’inauguration de la Journée internationale du jazz dans le hall de l’ONU à New-York, aux côtés de grands noms tels Wayne Shorter, Zakir Hussain, Herbie Hancock et Richard Bona en 2012 ; et la création de la musique du court-métrage Like Salt de Darine Hotait en 2018.

Même déraciné, même baignant tout entier dans l’univers du jazz, Yamani refuse de s’éloigner des sonorités qui l’ont bercé dans son environnement familial, éminemment musical et mélomane. C’est ainsi qu’au cœur de chacun de ses albums, notamment le deuxième, Lisan Al Tarab sorti en 2014, le pianiste aime à se balancer sur le fil ténu qui sépare les deux mondes qu’il abrite en lui : les sons folks puisés de l’Orient, du Liban, d’Égypte ou d’Irak ; et le jazz volcanique qui émerge des clubs feutrés des États-Unis.

Entre jazz et tarab

En tombant la barrière qui sépare ces genres musicaux à priori très éloignés, Tarek Yamani fabrique son propre langage qu’il qualifie d’afro-tarab. C’est d’ailleurs ce patchwork sonore, comme un mariage fantasmé entre Zaqi Nassif et Herbie Hancock, que le pianiste déploiera ce mardi soir sur la place Ajami, au coeur des souks de Beyrouth. « J’ai imaginé la programmation comme un véritable croisement du jazz et du tarab, une réinterprétation de certains standards d’Orient comme j’ai pu le faire sur mon album Lisan Al Tarab, mais aussi des morceaux plus rivés sur du Jazz stricto-sensu », révèle-t-il à propos de cette soirée au cours de laquelle Yamani sera accompagné de Makram Abol Hosn à la basse et Khaled Yassine à la batterie. « Par-delà l’aspect musical de ce concert, il y a quelque chose de très émouvant à revenir jouer ici au Liban. Je suis repassé devant les bars et les salles où j’ai longtemps joué avec mon groupe entre 2003 et 2005 ; notamment le Bar Louie à la rue Pasteur qui a été complètement ravagé par l'explosion du 4 août et où tout avait commencé pour moi, en tant qu’artiste. C’était très éprouvant, surtout que j’ai quitté cette ville en 2005, après l’assassinat de Rafic Hariri et la série d’explosions qui s’en étaient suivies. Quinze ans plus tard, les Libanais sont encore contraints de continuer à vivre la même chose », conclut celui qui, en dépit de la tristesse, en dépit du désarroi qui est le nôtre, promet d’insuffler ce soir à Beyrouth quelque chose qui ressemblait aux belles années qu’il y a connues. The will of life, la volonté de vie, on vous l’aura dit.


En arrivant à Beyrouth après une absence d’un an causée par la pandémie, Tarek Yamani se met à sillonner les rues défigurées par la double explosion du 4 août, avec du jazz en fond sonore. Il est alors frappé par le fait que cette musique résonne « autrement qu’ailleurs. » Sans doute parce que c’est dans cette ville même où il a poussé et grandi que le pianiste a reçu, à...

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