Divagations virales

On connaissait déjà les théories du complot colportées par nos niaiseux maison, qui pensent que la planète entière tourne autour du Liban. Des cuistres qui pendant la guerre soutenaient mordicus que les cessez-le-feu les plus sérieux n’étaient obtenus que lorsque le président américain appelait au téléphone rouge son homologue soviétique. Ou encore, plus proche de nous, les disjonctés du bulbe qui nous annoncent l’imminence d’une bérézina militaire, avec l’air grave de l’espion qui refilerait au Mossad les analyses d’urines ultrasecrètes de Mohammad Raad.

Aujourd’hui les cassandre complotistes trouvent leur nirvana apocalyptique dans la pandémie de Covid-19. Il y a évidemment ceux qui prévoient que l’humanité entière sera décimée et la Terre transformée en parking géant, mais sans personne pour garer les autos. Ils sont prêts à jurer que la saloperie a été créée par les Américains puis mise en musique par les Israéliens, avec la complicité de Moustapha Allouche et Samir Geagea.

À l’autre bout de la bêtise, nous trouvons ceux qui estiment en revanche que le coronavirus n’est qu’un bluff gigantesque destiné à confiner chez lui le con fini, masqué, ganté et claquemuré avec mot de passe crypté. Pour ces défenseurs des libertés fondamentales, porter un masque de temps à autre c’est chiant. Et ils ont raison, il serait infiniment plus confortable de passer directement au respirateur artificiel et à l’intubation intégrale. Ces esprits brillants sont convaincus que tout a été truqué et jeté en pâture aux crédules. Forcément! On prend au hasard des personnes âgées que l’on tue pour simuler la maladie. À d’autres, on enlève un poumon pour les mettre sous respirateur à l’hôpital. Certes, c’est un boulot à plein temps pour les soignants et infirmières, mais que ne ferait-on pas pour gagner de l’argent sur la vente d’un vaccin bidon? Qui plus est servira, via une puce électronique, à renseigner Bill Gates sur le contenu intime des culottes et caleçons de la population mondiale… Vivement, un vaccin contre le complexe de persécution !

Et pour ceux qui ont du temps à perdre à vouloir interroger les uns et les autres sur l’origine de leurs sources, c’est invariablement : « L’homme qui a vu l’homme qui a vu l’homme qui a vu… » Moralité : faut arrêter d’avaler toutes les âneries de Facebook et YouTube. Lisez Tintin !

gabynasr@lorientlejour.com