Pour la première fois depuis sa désignation, le 22 octobre, pour former un gouvernement, Saad Hariri a présenté mercredi une mouture de cabinet au président, Michel Aoun, qui a reçu le Premier ministre désigné pour la deuxième fois cette semaine au palais de Baabda. Après plus de trois semaines de surplace, le processus semble donc être relancé à une dizaine de jours d'une nouvelle visite du président français, Emmanuel Macron, à Beyrouth.
"J'ai présenté au président Aoun une mouture d'un cabinet de 18 ministres spécialistes et non partisans. Le président m'a promis d'étudier cette formule. Nous allons de nouveau nous entretenir bientôt, et le climat est positif, a déclaré M. Hariri à l'issue de l'entretien qui a duré environ une heure avec le chef de l'Etat. L'espoir est grand de pouvoir former un cabinet le plus vite possible afin de freiner l'effondrement économique, reconstruire Beyrouth (après l'explosion du port), réduire la souffrance des Libanais et regagner leur confiance à travers la mise en œuvre des reformes prévues dans le cadre de l'initiative française".
Selon notre correspondante à Baabda, Hoda Chédid, le Premier ministre désigné portait deux enveloppes, à son arrivée à Baabda, contrairement à sa dernière visite, lundi, lors de laquelle les deux hommes avaient discuté des revendications des différentes formations politiques en ce qui concerne le partage du gâteau gouvernemental. Des médias locaux ont précisé qu'une des enveloppes contenait la mouture de cabinet et l'autre les CV des ministres proposés. Sur la photo officielle de la réunion entre les deux hommes, l'on peut d'ailleurs voir une enveloppe blanche posée sur la table à côté du président, pour la première fois depuis la désignation de M. Hariri. Toutefois, selon notre correspondant politique Mounir Rabih, le chef du Futur avait également présenté lundi, loin des médias, une mouture qui avait été rejetée par le président Aoun. Leur entretien n'avait duré que trente minutes ce jour-là. M. Hariri s'était alors engagé à présenter une formule "définitive" afin de, selon notre correspondant, lancer la balle dans le camp de la présidence.
Aoun présente sa propre formule
Selon Hoda Chédid, citant des sources de Baabda, Michel Aoun "n'avalisera pas une mouture prête à approuver" présentée par le Premier ministre désigné alors que, selon ces sources, la Constitution stipule que le président doit être partenaire dans la formation du gouvernement. Selon un communiqué de la présidence, Michel Aoun a dans ce cadre lui aussi présenté "une formule gouvernementale exhaustive incluant une répartition des portefeuilles sur la base de principes clairs". "MM. Aoun et Hariri ont convenu d'étudier les propositions avancées et de poursuivre les concertations afin de rapprocher les points de vue", ajoute la présidence. Mounir Rabih rapporte de son côté que le chef de l'Etat a présenté une mouture de 18 ministres répartis entre des noms avancés par M. Hariri et d'autres qu'il propose lui-même. D'après les sources de Baabda, citées par Hoda Chédid, le climat était positif lors de l'entretien, les deux présidents "partageant la volonté de coopérer afin de mettre sur pied un cabinet le plus vite possible". Un nouvel entretien est dans ce cadre prévu prochainement.
Le leader druze Walid Joumblatt n'a pas tardé à réagir à ces développements, écrivant sur Twitter : "Dans l'attente de la fumée blanche", avant d'effacer son tweet quelques minutes plus tard.
Cette ambiance positive contraste avec le froid qu'avait jeté la réunion du 16 novembre entre MM. Aoun et Hariri sur les tractations. Ce jour-là, le Premier ministre désigné avait présenté une formule de 18 ministres indépendants, qui avait été refusée par le chef de l'Etat, alors que le Courant patriotique libre (fondé par M. Aoun) et le tandem chiite (Amal et Hezbollah) réclament que les groupes parlementaires puissent choisir eux-mêmes leurs ministrables, seule façon, selon eux, que le gouvernement obtienne la confiance de la Chambre.
Selon des sources à L"OLJ, il semble que M. Hariri aurait accepté d’accorder au chef du CPL Gebran Bassil 6 ministres chrétiens (5 du CPL +1 PSNS) sur un total de 9, alors que ce dernier voudrait en nommer soit la totalité soit au moins 7, ce qui signifie qu’il aura facilement la minorité de blocage. Éventualité que Saad Hariri refuse toujours. M. Bassil voudrait que le bloc ministériel du CPL-président puisse avoir la minorité de blocage sans le tandem chiite, compte tenu de la "sensibilité" de l’étape à venir, confie-t-on dans son entourage. Les trois ministres chrétiens non CPL devraient être répartis entre les Marada, le Tachnag et le courant du Futur, de l’avis de Saad Hariri. Or le CPL refuse que M. Hariri, le sunnite, nomme un ministre chrétien et insiste toujours sur les deux principes du critère unifié et de la réciprocité.
Macron attendu le 21 décembre
La reprise des discussions entre le chef de l'Etat et le leader du courant du Futur intervient alors que la pression internationale sur les autorités libanaises se fait de plus en plus pressante, le pays continuant de s'enfoncer dans la pire crise économique et financière de son histoire moderne. Un nouveau gouvernement est donc crucial pour faire face à cette crise, plus de quatre mois après la démission de celui de Hassane Diab, suite au drame du port de Beyrouth. La future équipe ministérielle aura également la charge de lancer les réformes requises par la communauté internationale pour débloquer des aides financières et de relancer les négociations avec le Fonds monétaire international. C'est dans le cadre de cette pression internationale que le président français est attendu à Beyrouth le 21 décembre pour sa troisième visite à Beyrouth depuis août. Selon notre correspondante à Baabda, Emmanuel Macron se rend le jour de son arrivée à Naqoura, auprès du contingent français au sein de la Finul, et y passera la nuit. Le lendemain il se rend à Baabda pour un entretien avec Michel Aoun, suivi d'une déclaration, avant de s'envoler pour Paris.
Le chef du courant du Futur a déjà présidé le gouvernement à trois reprises, en 2009-2011 puis à partir de 2016. Sa dernière expérience en date s'est achevée par une démission le 29 octobre 2019 sous la pression d'un mouvement de contestation sans précédent dans l'histoire récente du pays.
commentaires (8)
Aoun promet de l'étudier... ou l'art de noyer un poisson, l'on connait déja ce procédé de rejeter aux calendes grecques là où le feu couve .. après tout les Libanais qui ne sont pas contents n'ont qu'à voyager ... Il semblait pourtant que le futur ex futur.... on se sait plus, avait promis un gouvernement avec une DLC (date limite de consommation ) de six mois.
C…
14 h 18, le 10 décembre 2020