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Nos Lecteurs ont la Parole

Dans mon pays, on ne peut pas naître femme ! On le devient !

À la naissance, chaque fille est considérée comme un être faible ayant un lourd fardeau, l’hymen ! Une membrane fine tellement fine, tellement fragile, tellement insignifiante mais qui détient l’honneur de la famille. Dès sa naissance aussi, elle doit s’habituer à entendre une réponse magique, passe-partout, argument ultime, argument de force indiscutable qui accompagne chaque non « parce que tu es une fille ».

Une liste longue, trop longue, de frustrations, d’interdits… ! Dans mon pays, les filles grandissent ayant peur du « loup ». Pourquoi ? Parce qu’elle est une fille ! Parce qu’il est un garçon ! La différence, la grande différence, est un « e » ou, comme on le dit en arabe, un « t » féminisant. En effet, toute la différence est là ! Une logique à faire pâlir Socrate ! C’est grâce à ce « e » muet qu’elle est obligée d’accepter certaines tâches comme faisant partie de sa condition féminine : nettoyer la maison, ranger la chambre de son frère, lui préparer à manger, repasser les chemises… !

C’est aussi grâce à ce « e » muet qu’elle ne peut pas sortir le soir ! Mais la puissance de ce « e » magique, invisible, incolore et inodore réside dans son pouvoir sur l’amour. Une fille qui aime s’expose à tous les dangers… surtout que l’honneur de la famille est détenu entre ses jambes, et il est protégé gracieusement par cette fameuse membrane et deux gouttes rouges ! Mais son frère, lui, l’homme, possède tous les droits ! Il se fait servir comme un roi, jouit d’une liberté inconditionnelle et sans contrainte. Ses amours et ses conquêtes sont des victoires. Une logique solide et infaillible reliée à ce « e » qui peut transformer un acte de prouesse en un acte déshonorant. Dans mon pays, pour être une femme, il faut mener un long combat pour le devenir. Quels combats ! D’abord convaincre sa famille qu’elle est capable d’étudier, de travailler et de réussir. C’est aussi convaincre la société de lui donner une égalité des chances ! Pour devenir une vraie femme au Liban, il faut être belle et rebelle, attirante sans artifices, travailler jour et nuit pour une cause, pour l’autre accroupie encore, pour sa fille, c’est ne jamais baisser les bras. Être femme au Liban, c’est oser refuser la violence et dire un grand non. C’est se battre pour la garde des enfants ! C’est courir d’une association à une autre pour changer des lois et aider une autre ! Le chemin est long ! Par où commencer la lutte ? Par les lois ? Il faut être au Parlement. Par les élections ? Sûrement ! Mais l’entreprise la plus difficile est de convaincre sa propre famille de voter pour elle. Devenir une femme au Liban, c’est être une superfemme, comme le dit Balzac. C’est faire preuve d’intelligence, d’indépendance, de force pour conquérir la liberté.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

À la naissance, chaque fille est considérée comme un être faible ayant un lourd fardeau, l’hymen ! Une membrane fine tellement fine, tellement fragile, tellement insignifiante mais qui détient l’honneur de la famille. Dès sa naissance aussi, elle doit s’habituer à entendre une réponse magique, passe-partout, argument ultime, argument de force indiscutable qui accompagne chaque non...

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