Dans le souk de Furn el-Chebbak (sud-est de Beyrouth), d’habitude si animé, la plupart des commerces étaient vides hier, laissant les vendeurs désœuvrés. En ce premier jour de déconfinement, après deux semaines de bouclage général, les commerçants s’attendaient à un peu plus de va-et-vient. Mais avec la crise économique et la flambée du dollar, les Libanais réfléchissent désormais à deux fois avant de faire leurs achats. Et ce même à l’approche des fêtes de fin d’année.
« C’est la catastrophe », soupire André Saadé, propriétaire d’une boutique de vêtements depuis une trentaine d’années. « Les pertes sont non seulement matérielles, mais aussi morales. Très peu de clients sont passés depuis ce matin », confie ce commerçant qui insiste sur le port du masque dans son établissement. « Si des émigrés revenaient pour les fêtes, les affaires pourraient s’améliorer un peu », espère André, qui préfère ne pas penser aux pertes accumulées durant cette année.
Face à l’absence de clients, la plupart des commerçants s’occupaient hier de réorganiser leur boutique ou d’exposer les collections d’hiver sur les rayons, en attendant un retour des acheteurs potentiels.
Hussein, un trentenaire qui gère une boutique de vêtements, est content de reprendre le travail. « Cela fait du bien, je déprimais chez moi. En plus, ce confinement n’a servi à rien », lance-t-il, tout en déballant un lot d’imperméables. « Je suis confiant. Il y aura sûrement des ventes à Noël, mais certainement moins que les années précédentes », assure-t-il.
Un optimisme que tout le monde ne partage pas... Maria, une des rares clientes à arpenter cette rue commerçante, se contente de faire du lèche-vitrines. « Je suis ébahie quand je vois les prix de manière générale. Je ne sais pas comment font ceux qui ont des enfants en bas âge pour subvenir à leurs besoins », soupire la jeune femme.
La gérante d’une parfumerie dans le quartier dénonce pour sa part « un coup dur porté aux affaires » par les confinements successifs, décrétés pour endiguer la propagation du coronavirus, ainsi que par les crises économique et financière. « Les clientes qui achetaient des produits de beauté à 100 000 livres en dépensent aujourd’hui au maximum 20 000. De plus, ce déconfinement intervient un lundi, et en fin de mois qui plus est. Les gens n’ont pas encore touché leurs salaires », explique cette commerçante, qui préfère rester anonyme.
Viken Nahas, fabricant de chaussures et propriétaire d’une boutique à Furn el-Chebbak depuis une vingtaine d’années, n’a pas vu un seul client de la matinée. « Les commerces ont rouvert, mais personne ne peut rien acheter ! Celui qui touche 2 millions de livres a aujourd’hui un pouvoir d’achat équivalant à 200 000 livres avant la crise », déplore-t-il. « Je ne fabrique plus grand-chose, les coûts étant énormes, se désole Viken. Je ne propose que des chaussures qui étaient déjà en stock, pour que les prix restent raisonnables. Malgré cela, je ne vends presque rien. Je doute que la situation puisse s’améliorer pour les fêtes. »
Ruée sur les soldes
À quelques centaines de mètres de l’artère commerçante de Furn el-Chebbak, l’un des centres commerciaux de la capitale a commencé à accueillir ses premiers clients hier. La première journée de déconfinement y est un peu plus animée qu’ailleurs en raison de la présence d’enseignes variées. La plupart des clients se conforment aux directives pour lutter contre la propagation du Covid-19 en portant des masques. Sauf que les prix sont beaucoup plus élevés dans ce mall, puisque la majorité des boutiques appartiennent à des chaînes internationales. Ces derniers mois, de nombreux magasins de marque internationale avaient fermé leurs portes à cause des fluctuations du dollar qui tournait hier autour de 7 800 LL.
Dans une enseigne de lingerie qui propose des rabais, la clientèle féminine se presse, alors que les autres magasins sont déserts. « Les clientes sont nombreuses, car c’est le premier jour d’ouverture après deux semaines de confinement. Beaucoup d’articles sont soldés, elles essaient donc d’en profiter », explique une vendeuse qui souhaite rester anonyme.
Dans une autre boutique appartenant à une chaîne internationale, le gérant se dit également « satisfait » de cette première journée de reprise du travail, les clients sont au rendez-vous puisque l’enseigne n’a conservé que deux adresses ouvertes dans le pays en raison de la crise économique. « Nous avons eu pas mal de clients aujourd’hui, mais ce n’est certes pas comparable aux années précédentes. Si les acheteurs sont plutôt nombreux, c’est parce que nos prix sont abordables par rapport à d’autres enseignes », avance le jeune homme.
Au même étage, les autres commerces, dont les prix sont beaucoup plus élevés, restent plutôt déserts, à part quelques clients qui repartent les mains vides, choqués par les prix.
« Quand on voit les prix en livres, il y a de quoi s’effondrer, s’exclame Viviane, une des habituées du centre commercial. Je n’arrive pas à croire que l’on vend des paquets de biscuits à 35 000 livres par exemple. Sans parler de certains produits qui ont tout bonnement disparu des rayons », lance cette retraitée. Elle se dit quand même « heureuse » de voir un peu de monde dans les boutiques. « Même si la plupart des gens n’achètent rien, ils donnent au moins du courage aux vendeurs », estime Viviane.
« On regarde bien les prix avant d’acheter, on n’acquiert plus que le strict nécessaire, confie pour sa part Maya Hazimé, mère au foyer, tout en inspectant les étiquettes portant les prix des vêtements. Même mes enfants de 11 et 16 ans sont choqués par les prix. Je ne pense pas qu’on pourra fêter Noël comme il se doit cette année », regrette-t-elle.
Je compatis entièrement au sort de ces malheureux commerçants mais je ne vois aucun Libanais normalement constitué rentrer au Liban pour les Fêtes. Pour voir la famille peut-être, mais certainement pas pour faire du shopping ! Et nos ministres, députés et autres chefs de partis qui ont pillé l'argent des Libanais feront leurs courses là où ils ont planqué leurs sous, c'est-à-dire à la rue Saint-Honoré, la rue du Rhône, Carnaby Street ou encore la 5ème Avenue.
20 h 55, le 01 décembre 2020