A l'occasion du 77e anniversaire de l'Indépendance du Liban, les messages de responsables politiques locaux, mais aussi de l'étranger, ont afflué dimanche, alors que cette année, cette fête se déroule sans défilé en grande pompe, dans un contexte de crise sanitaire, socioéconomique et financière aigue. Au niveau local, nombre des prises de parole et communiqués des responsables appelaient à ancrer "la réelle indépendance du Liban", notamment au niveau judiciaire, face à la corruption et vis-à-vis des axes régionaux.
Le Liban avait déclaré son indépendance vis-à-vis de la France le 22 novembre 1943. Pour marquer cet événement, chaque année une parade militaire est organisée dans le centre-ville de Beyrouth, avant que les responsables politiques, diplomatiques et religieux ne se rendent au palais de Baabda pour présenter leurs vœux au chef de l'Etat. Toutefois, cette année, les célébrations de l'Indépendance ont été annulées, le pays étant reconfiné jusqu'au 30 novembre pour lutter contre la pandémie de coronavirus. A la place du défilé, le commandant en chef de l'armée, le général Joseph Aoun, a déposé une gerbe de fleurs devant le mémorial des martyrs de l'armée à Yarzé, saluant "leurs grands sacrifices pour la protection de l'unité, de la souveraineté et de l'indépendance de la nation". Tout au long de la journée d'hier, les sépultures d'anciens hommes d'État, considérés comme des "pères de l'Indépendance", ont été fleuries par des responsables politiques.
Sur le terrain, un groupe d'activistes a symboliquement accroché des couronnes mortuaires à l'entrée de nombreux bâtiments publics afin de dénoncer la corruption de ces différentes institutions et de leurs responsables. De telles couronnes ont été placées devant le Parlement, le Sérail, la Banque du Liban, les ministères de l'Economie, des Finances, de la Santé et des Affaires étrangères, le siège d'Electricité du Liban, celui de l'Association des banques et le port. Dans un spot télévisé, diffusé par la chaîne de télévision locale LBCI, ces contestataires affirment que "l'Indépendance réelle ne peut être accomplie qu'en rendant les institutions de l'Etat aux mains du peuple", précisant que par leur initiative "ils enterrent la classe dirigeante corrompue".
Indépendance de la justice
Au niveau politique, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, s'est contenté sur Twitter de poster une photo de drapeaux libanais brandis sur la place des Martyrs de Beyrouth, probablement lors du soulèvement populaire lancé le 17 octobre 2019 et qui s'est depuis essoufflé, avec pour légende : "L'esprit de la résistance jusqu'à l'indépendance".
La ministre sortante de l'Information, Manal Abdel Samad, a écrit de son côté qu'en cette occasion, "nous voulons l'indépendance de la justice, l'indépendance vis-à-vis de la politique du partage du gâteau et du confessionnalisme, l'indépendance vis-à-vis de l'impunité, de la corruption, du gaspillage de l'argent du peuple, de l'injustice. "Nous voulons l'indépendance et non pas l'exploitation", a-t-elle ajouté (ces deux mots "istiklal" et "istighlal" ne différant que d'une seule lettre en arabe, ndlr) "de la part de la classe dirigeante, afin de pouvoir jouir d'une vraie nation et de pouvoir fêter notre indépendance en étant unis".
Le président de l'Inspection centrale, le juge Georges Attié, a de son côté appelé à "l'indépendance de la justice, dans les textes et les esprits", ainsi qu'à un renforcement de la transparence "afin de construire une administration publique productive".
Dans un discours à la Nation hier soir, le président libanais, Michel Aoun, avait affirmé qu'il ne reculerait pas dans son "combat contre la corruption", alors que le pays continue de sombrer dans une grave crise dont les causes sont attribuées par de nombreux Libanais à une classe politique corrompue.
"Retour à un Etat réellement indépendant"
Pour sa part, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a déclaré lors de son homélie que l'Indépendance du Liban n'était pas seulement célébrée pour marquer la fin du mandat français sur le pays, mais aussi "la sortie du pays de la politique des axes et le début de la neutralité". "Depuis l'Indépendance, chaque fois que le Liban s'est conformé à la neutralité, il a connu une période de croissance et son économie s'est épanouie". Il a dès lors appelé à un retour à un Etat "réellement indépendant", au sein duquel il y aurait "une armée et pas plus", en référence implicite aux armes du Hezbollah, et "une allégeance et pas plus".
Le mufti de la République, cheikh Abdellatif Deriane, a souligné que cette année, l'Indépendance est fêtée "dans une nation qui souffre d'un effondrement sans précédent et en l'absence de l'Etat et d'un travail sérieux de la part des institutions". "Le Liban est en train de se perdre et on ne trouve pas les solutions requises, ce qui nous fait craindre le pire, à moins qu'un gouvernement de salut ne soit formé et ne gagne la confiance des gens et des communautés arabe et internationale", a-t-il écrit dans un communiqué.
"Surmonter les obstacles"
"Meilleurs vœux au peuple du Liban pour le 77e anniversaire de l'Indépendance de la république", a de son côté souhaité le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo sur Twitter. "Les Etats-Unis se tiennent aux côtés du peuple libanais et restent engagés à le soutenir, alors qu'il fait face à des défis sans précédent", a-t-il ajouté.
Dans une missive adressée au Premier ministre démissionnaire, Hassane Diab, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a exprimé "sa grande volonté d'améliorer les relations bilatérales" entre les deux pays. "La Turquie se tient au côté du Liban", a-t-il ajouté. Le président chinois Xi Jinpin a de son côté souligné, dans une lettre au chef de l'Etat libanais, qu'il était prêt à "approfondir les relations et la coopération sino-libanaise" et à "aider le Liban, dans la mesure de ses capacités, pour faire face aux défis et rétablir la stabilité".
Le Premier ministre australien, Scott Morrison, dans un message adressé aux Libanais et dont le texte a été rapporté par l'Agence nationale libanaise d'Information (Ani, officielle), a, lui, salué "les relations qui s'approfondissent au fil des générations entre les deux pays". Il a souligné que, bien que la fête nationale se déroule cette année dans un climat de "douleur" suite à l'explosion du 4 août et en raison de la crise sanitaire, les Libanais "vont surmonter les obstacles et les épreuves, comme ils l'ont fait tout au long de leur histoire".
Dans une vidéo postée sur son compte Twitter, l'ambassade de France a souhaité pour sa part aux Libanais une bonne fête de l'Indépendance en chanson, avec une reprise de l'hymne national interprété par plusieurs de ses agents, qui avait été préalablement publiée lors de la fête nationale française.
Bonne fête d’indépendance à tous les Libanais ! ?? https://t.co/wFwUqC4TFj
— La France au Liban (@AmbaFranceLiban) November 22, 2020
L'ambassadrice française, Anne Grillo a encore twitté à l'intention des "amis libanais" que "la France est et restera à vos côtés. Avec vous et pour vous. Je m'y emploierai, portée par votre dignité et votre courage". "Il y a 77 ans, 7 députés adoptaient votre drapeau avec ce cèdre symbole d'éternité et de paix. Que cette bannière que vous chérissez et brandissez dans les rues reste votre horizon. Celui d'un Liban uni et fort dans sa diversité, pacifique, capable de surmonter les épreuves", a-t-elle poursuivi.
"Je félicite le Liban et son peuple à l'occasion du jour de l'Indépendance, un jour prometteur pour la souveraineté et la force malgré toutes les crises, l'incertitude et le désespoir. Tous les Libanais savent bien ce qu'il faut faire pour que cette promesse recommence à se matérialiser", a écrit le coordinateur spécial des Nations Unies au Liban, Jan Kubis, sur son compte Twitter. "Ils l'ont dit à plusieurs reprises, notamment après le 17 octobre 2019, mais leurs dirigeants ne veulent rien entendre. Ainsi, beaucoup des meilleurs et des plus brillants Libanais, beaucoup de jeunes femmes et hommes partent. Quel avenir pouvez-vous imaginer pour le Liban sans eux? Quel genre d'indépendance, d'unité, de force ?", a-t-il dénoncé.
ON N,APPELLE PAS POUR L,INDEPENDANCE ET LE CHANGEMENT. ON AGIT.
18 h 36, le 23 novembre 2020