La table, un art du confinement

Il n’y a pas loin du corps au décor. Partant de ce constat, dans un contexte de pandémie où l’on est de plus en plus reclus chez soi, où le vêtement social n’est plus une priorité, Joumana Ghorayeb, 36 ans, acheteuse pour de grandes enseignes, notamment pour les Galeries Lafayette Dubaï, et Karma Youssef, 38 ans, styliste et graphiste dans les domaines de la mode masculine et du prêt-à-porter de luxe, ont décidé ensemble de prendre dans leur parcours un chemin de traverse, un sentier annexe pas trop éloigné de leur voie initiale. Les deux créatrices qui se sont rencontrées il y a quinze ans sur les bancs d’Esmod vont donc garder leurs ciseaux, bobines, aiguilles, mètres et machines à coudre, l’habitude de composer des tableaux d’inspiration le plaisir de la personnalisation et du choix des tissus et textures, pour créer des collections qui ne poseront jamais de souci de portabilité mais continueront à solliciter le regard, susciter le plaisir des yeux et relever un indispensable art de vivre malgré la démotivation provoquée par le confinement.

Ce n’est pas un hasard si Joumana Ghorayeb est aussi professeure de yoga, aussi vrai que paix et équilibre intérieurs relèvent d’un environnement harmonieux et, si l’on ose dire, de la paix des intérieurs. Tout en développant la ligne À table, elle crée aussi des accessoires pour animaux domestiques, sous l’enseigne Woof-woof. Une manière d’assurer à nos compagnons chiens et chats le nécessaire confort qu’imposent les longues périodes d’enfermement de la pandémie. Maman au foyer, Karma Youssef ressent pour sa part, de manière encore plus aiguë, le besoin de modifier l’espace et d’y ajouter joie et sérénité.

Nappe « À table ». Photos DR

Comme une garden-party sur un balcon

« Durant le confinement de mars, nous avons constaté que les gens qui avaient la chance d’avoir une terrasse ou un balcon y passaient le plus clair de leur temps afin de respirer un peu. C’est de là que nous est venue l’idée de proposer des éléments permettant de créer de nouvelles ambiances selon l’humeur et apporter à ce nouveau quotidien un peu de gaieté, dans l’esprit d’une garden-party chez soi », confie Joumana Ghorayeb. Les années d’expérience cumulées des deux partenaires dans le domaine des textiles et des coupes feront le reste avec, toujours à l’esprit, une envie de participer à une nouvelle dynamique entrepreneuriale qui pourrait faire bouger, même à tous petits pas, l’économie libanaise en proposant un produit local de qualité et d’utilité quotidienne à prix accessible.

Fondée en mai 2020, la marque À table va tout de suite se lancer grâce à la magie libanaise du bouche-à-oreille, avec des prototypes vendus à Faqra au début du mois d’août. Très vite, un réseau d’amis, notamment les chefs Yasmina Hayek et Mario Haddad, vont prêter main-forte, notamment pour ces deux derniers en présentant leurs plats sur les nappes du tandem de créatrices. Leurs photos sur les médias sociaux attisent la curiosité – voire le désir – d’un embryon de clientèle, et la marque s’adapte. À table propose des nappes, serviettes et services américains brodés aux logos des restaurants et aux initiales des particuliers. La marque va adapter les mensurations standard à des tables qui ne le sont pas. Elle va foncer la tête la première dans les exubérances florales qu’on n’aurait pas osées au temps où l’on recevait dans les jardins privés déjà saturés de fleurs. Elle va aussi proposer des gammes plus masculines, en lin brut et palettes minimalistes, à une clientèle d’hommes de plus en plus soucieuse de raffinement domestique. Il reste à suivre Joumana Ghorayeb et Karma Youssef sur leur compte Instagram @atable pour découvrir les nouveaux produits qu’elles proposent en moyenne toutes les deux semaines, un rythme particulièrement ambitieux.