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Culture - Portrait d’artiste

Qui est Nadim Choufi, lauréat du prix Art Jameel en art digital ?

À travers son film « The Sky Oscillates Between Eternity and Its Immediate Consequences », qui lui a valu le prix décerné par l’organisation philantropique arabe, cet artiste de seulement 25 ans nous embarque vers des villes du futur qui s’érigent sous des dômes ouatés mais anxiogènes. Il s’interroge par là même sur la manière et l’éthique selon lesquels l’avenir de l’homme se façonnera...

Qui est Nadim Choufi, lauréat du prix Art Jameel en art digital ?

Nadim Choufi culttive une affinité spéciale pour la science-ficton. Photo DR

On l’avait découvert en 2018 à la faveur de IPhone Distances, une performance qui s’apparentait à celles des années 80 et par le biais de laquelle Nadim Choufi, poings, corps et jambes ligotés au cœur de l’espace Haven for Artists, invitait les visiteurs à capturer ce moment à l’aide d’une caméra d’iPhone. Une fois les clichés collés au mur, la documentation de la performance et la performance elle-même ne faisaient plus qu’un. C’est par ce geste simple que l’artiste de 23 ans alors s’interrogeait justement sur la frontière entre l’art et son archivage, et dans quelle mesure la documentation d’une performance préservait sa mémoire. Puis, discrètement, Choufi s’était retranché dans une résidence à Ashkal Alwan au cours de laquelle il cultivait ses affinités pour la science-fiction, et notamment « la dichotomie que celle-ci abrite, dans la mesure où tout démarre d’un espace net, propre, cartésien, sur lequel vient planer quelque chose de bizarre », dit-il. Aujourd’hui, le voilà à nouveau sur le devant de la scène, fort du prix Art Jameel’s special commission for digital art (Commission spéciale en art digital) qui lui a été décerné pour son projet The Sky Oscillates Between Eternity and Its Immediate Consequences.


Le jeune artiste libanais, lauréat du Art Jameel pour l’art digital, propose de simuler l’avenir par le biais « d’images aux effets similaires à celles que les gouvernements emploient pour présenter le futur ». Courtesy Nadim Choufi


Le futur des villes

Le lauréat du prix, sélectionné parmi plus de 200 postulants, confie que s’il a été incité à y participer, c’est surtout « pour la liberté que ce pitch m’octroyait. Je suis toujours à la recherche d’espace lorsque j’entame une œuvre ». Presque comme pour une épreuve de philo, lorsqu’Art Jameel lançait ce concours, il appelait les participants à créer un projet qui repense l’art digital avec un mot d’ordre, simple mais à la fois si vaste : le temps. De l’éventail large que « le temps » déploie, Nadim Choufi planche sur le futur des villes dont certaines, à l’instar de Dubaï, se sont déjà mises à réfléchir à l’idée d’installer des colonies spatiales. « Nous avons vu de plus en plus de dômes futuristes apparaître, à chaque fois présentés comme la solution universelle pour l’avenir. Cela dit, rien que l’anatomie d’un dôme relève d’une certaine exclusivité ou même d’une exclusion », explique celui qui ne s’est pourtant pas formé dans une école d’art, faisant ses armes à UCLA en Californie pour un diplôme d’ingénierie. On pourrait ainsi comprendre les appétences du garçon pour la technologie, même s’il tient à nuancer que son projet n’a rien d’une thèse scientifique, « il se rapproche plutôt d’une expérience de l’avenir (proche) dans ces villes futuristes. Et si j’ai précisément choisi ce médium pour développer mon idée, c’est simplement parce qu’il me semble qu’un rendu numérique est l’outil idéal pour raconter le futur ». Il est vrai que le terme expérience a été galvaudé dans le milieu de l’art, mais difficile de trouver plus adéquat pour décrire The Sky Oscillates Between Eternity and Its Immediate Consequences. Dès les premières secondes, des sons comme arrachés d’une autre planète nous installent dans le désert cosmique inventé par Choufi. Là-bas, dans ces confins du monde complètement fabriqués par des logiciels numériques, des villes intelligentes fleurissent sous des chapes translucides. On hésite aussitôt entre planètes cristallines ou... cercueils de verre.


Le jeune artiste libanais, lauréat du Art Jameel pour l’art digital, propose de simuler l’avenir par le biais « d’images aux effets similaires à celles que les gouvernements emploient pour présenter le futur ». Courtesy Nadim Choufi


Un modèle défaillant

Et l’artiste de confirmer : « Ces smart cities sont érigées comme le modèle idéal qui contrerait un avenir pétri de crises sanitaires et écologiques. Cependant, à la vue de ces bulles hermétiques, je me suis demandé quelles espèces seraient sauvées ? Lesquelles seraient mises à l’écart ? Et surtout, dans quelle mesure ce modèle repose-t-il sur une exploitation du temps biologique et environnemental ? » Pour tenter de trouver quelque réponse à ces interrogations, Nadim Choufi propose de simuler l’avenir par le biais « d’images aux effets similaires à celles que les gouvernements emploient pour présenter le futur ». Cette esthétique quasi chirurgicale laisse planer un doute quant à l’organisation sociale sous les dômes. S’y posent ensuite deux voix lunaires, celles des narrateurs, qui nous accompagnent dans ce voyage hors du temps, à mesure qu’elles nous livrent des indices sur la façon dont le quotidien se déroule dans ces villes du futur. En plongeant dans ces dômes, après avoir exploré le monde extérieur où la vie semble s’étioler à vue d’œil, on se rend compte à quel point cet environnement calfeutré est régi par des lois et des indicateurs qui permettent de conserver la balance de l’écosystème. « Cela dit, cette balance ne peut être créée qu’en contrôlant le temps. Le temps de travail des habitants du dôme, celui de la vie de la faune et de la flore, etc. », conclut l’artiste dans le monde fossilisé qu’il présente. The Sky Oscillates Between Eternity and Its Immediate Consequences soulève une dialectique importante : l’exploration du futur peut-elle se faire sans l’exploitation de la nature et ses espèces ?

On l’avait découvert en 2018 à la faveur de IPhone Distances, une performance qui s’apparentait à celles des années 80 et par le biais de laquelle Nadim Choufi, poings, corps et jambes ligotés au cœur de l’espace Haven for Artists, invitait les visiteurs à capturer ce moment à l’aide d’une caméra d’iPhone. Une fois les clichés collés au mur, la documentation de la...

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