Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

L’affaire de l’enseignant décapité : plaidoyer pour un islam fondé sur la tolérance et le dialogue

L’affaire de l’enseignant décapité : plaidoyer pour un islam fondé sur la tolérance et le dialogue

La liberté, la culture et la tolérance se heurtent à la barbarie.

Les spectacles affligeants dont le monde est aujourd’hui le théâtre n’ont pas surgi du néant. Ces avatars sont engendrés par les lois mêmes de l’évolution. Des changements quantitatifs s’accumulent et donnent naissance à des réactions qui produisent, à un moment ou à un autre, un changement qualitatif qui semble instantané mais qui ne l’est pas en réalité. À l’exemple de la vie qui surgit du fœtus, de la plante qui naît de la graine enfouie dans le sol…

Ainsi, le président Emmanuel Macron s’était-il réuni avec les « leaders du Liban » à la Résidence des Pins, avant de se rendre au port de Beyrouth pour voir le spectacle de la catastrophe et tendre la main de l’amour qu’il porte aux Libanais. Ces derniers ont été isolés du reste du monde par les politiques, à tel point que les pays influents les ignorent en ces moments de détresse alors que le Liban fut la perle du Moyen-Orient, la capitale et le joyau de la culture combinant l’Occident et l’Orient.

Peu de temps après la visite du président Macron, un professeur d’histoire-géographie dans cette France laïque et d’avant-garde donnait un cours sur l’islam et voulait montrer une caricature du Prophète puisée de cette culture laïque et civile. Un Tchétchène partisan de Daech a estimé que cette initiative constituait une atteinte à l’islam et au Prophète, et il a décapité l’enseignant à sa sortie du collège. Cette culture daechiste appréhende toujours la religion à sa manière, barbare, sauvage et inculte.

Ce professeur avait indiqué dans ses explications sur l’islam que le Coran dit : «… Vous verrez que les plus proches des croyants sont ceux qui disent qu’ils sont nazaréens… » Le Coran comprend, d’ailleurs, une « sourate » du nom de Mariam (Marie) et ce professeur avait expliqué le sens de cette évocation coranique de Marie, « celle que n’avaient pas approchée les hommes ». Mais ce crime odieux a donné lieu à une colère, violente, virulente, faisant peur, parce que les Français tiennent très fort à leur système laïque où l’État n’a pas de religion et où la neutralité est assurée entre les diverses croyances.Les Français ont leur culture et leurs conceptions et ils ne sont pas prêts à s’en défaire. Ils n’imposent pas aux croyants des autres religions leur système laïque et civile, et n’acceptent pas que leur soient imposées les cultures des autres religions, même si ces autres religions comportent des ramifications, certaines tolérantes et d’autres barbares. Ce qui importe aux Français, c’est la liberté et particulièrement la liberté d’expression, même si cette dernière ne plaît pas aux ramifications barbares précitées !

La colère des Français s’explique par le refus que ces sous-religions constituées par ces ramifications imposent leurs conceptions barbares sur leur propre sol, et par le glaive et la terreur.

L’histoire regorge de développements néfastes de cette sorte. Les chrétiens se sont divisés entre catholiques et orthodoxes. Ils se sont même entretués (entre catholiques et protestants). Les musulmans ont fait de même et l’islam a donné naissance à plusieurs autres avatars, dont le sunnisme, le chiisme et les religions alaouite et druze.

Mais le spectacle auquel a assisté particulièrement le Liban était effrayant. Certains pays arabes n’ont pas hésité à rejoindre les ramifications barbares de l’islam, à l’exemple de la Jordanie qui a boycotté les produits français et brûlé les drapeaux de la France.

Le président Macron est celui qui a brisé l’isolement dont a souffert le Liban du fait de la politique suivie par les actuels gouverneurs du pays. Il a brisé cet isolement avec beaucoup de noblesse, avec honneur et avec amour pour notre Liban. Il lui a tendu la main et lui a offert l’aide permettant de le sauver de l’effondrement.

Le spectacle, à la fin de la semaine dernière, était étrange : émergeaient, d’une part, le soutien et l’aide au Liban et, d’autre part, le Tchétchène daechiste qui égorge le professeur d’histoire à la porte de l’école parce qu’il a exposé la caricature de Mahomet et discuté de l’islam. La liberté, la culture et la tolérance se heurtaient de la sorte à la barbarie jaillie au nom des choses sacrées. Des pays arabes, en tête desquels la Jordanie, se sont joints au Tchétchène et ont appelé au boycott des produits français !

Où va-t-on ?

Les Arabes normalisent avec Israël et œuvrent à une alliance avec cet État tout en permettant aux musulmans pro-Daech et au Tchétchène de trucider un professeur à la sortie de l’école à Paris.

L’exhibition d’une caricature du Prophète n’est pas admise dans l’islam ni aux yeux des musulmans. Mais les intellectuels musulmans de France ou ceux qui souhaitent vivre en France peuvent engager un dialogue avec les Français, dialogue à travers lequel se dégageraient des vérités nombreuses et qui ferait fondre la glace de la haine, de la rancune et de l’ignorance pour laisser place au vrai islam, fondé sur la tolérance et le dialogue.

La pensée, dans les pays arabes, ne s’est pas exprimée. Elle a été contrainte au mutisme à certains moments de notre histoire, mais elle n’a pas émigré. Notre histoire récente a connu des exemples nombreux de penseurs, à commencer par Rifaat Rafeh al-Tahtaoui, qui a su distinguer sa responsabilité sociale et humaine de sa responsabilité religieuse dont il a assumé les charges, pour finir avec les deux grands cheikhs, Jamaleddine al-Afghani et Mohammad Abdo, qui ont porté haut l’étendard de la connaissance et de la libération, et, depuis peu, Taha Hussein, qui a déclaré haut et fort que l’école est un droit pour tous, au même titre que l’eau et l’air.

Mais une rupture dans la ligne du progrès est survenue à l’occasion de la Seconde Guerre mondiale. Les portes du monde arabe ont toutes été grandes ouvertes à des courants et puissances mondiaux qui ont enfoncé les demeures et envahi sur leur passage les fondements et les symboles naturels dans les domaines de la pensée et de la culture.

Ces brèves minutes au cours desquels le Tchétchène décapite le professeur d’histoire nous portent à revernir sur l’histoire. Le retour sur l’histoire est toujours fatigant et parfois ennuyeux, et semble lié au passé plus qu’au futur. Je pense que le regard vers le passé et le regard vers le futur sont tous deux nécessaires.

Que fait la chrétienté orthodoxe en Russie et la chrétienté catholique en Europe et en Amérique ? Et que fait l’islam dans les républiques du sud de l’ancienne Union soviétique ?

Que font l’islam et les musulmans dans les pays arabes et que font les musulmans en Europe ?

Ce sont à présent les rues, et non les châteaux, qui décident de l’avenir à notre époque, et il existe des moments dans l’histoire où les places ouvertes deviennent plus puissantes que les forteresses. Les manifestations pacifiques deviennent une arme plus efficace que les équipements militaires et la pensée devient plus bruyante que le son des bombes, même si elle est aberrante.

L’effacement des lignes de séparation conduit à une confusion dans les rangs induisant un changement des positions et des orientations. Ce rôle était joué par Washington à l’Ouest et par Moscou à l’Est. À présent, le monde est en passe d’entendre des refrains contraires ou entrecoupés parce qu’il n’existe plus de guerre froide. Les deux grands géants ont laissé la place à deux autres : l’islam et le christianisme.

Cela rappelle ce que dit Gorbatchev dans ses Mémoires. Il s’était exprimé comme suit lors d’une réunion du Parlement : « Lorsque j’ai accédé au pouvoir, j’ai trouvé la marmite soviétique en train de bouillir sur le feu et je me suis imaginé que ce qui était requis était de libérer cette marmite de la vapeur qui l’étouffait, mais ce que j’ai trouvé dans cette marmite était plus difficile que ce que j’avais imaginé et il ne m’était pas possible de remettre le couvercle et faire semblant de ne rien entendre ni voir. J’ai, au contraire, vu que mon devoir était d’être honnête avec le peuple soviétique et à l’inviter – et il en était le seul capable – à participer à l’affrontement du danger. »

Lorsque Gorbatchev est arrivé au pouvoir en mars 1985 et qu’il a été contraint de préconiser la perestroïka et la glasnost, il est apparu à la grande surprise que la défaillance économique et sociale de l’expérience soviétique n’était pas moindre que le danger constitué par les abus contre les droits de l’homme. Cela doit porter à réfléchir chaque gouvernement ou parti. La même situation se retrouve dans les pays arabes et islamiques qui, au lieu de suivre les enseignements de Taha Hussein, commencent à suivre ceux de Daech, les yeux fermés. Le monde arabe a besoin d’une révolution de la pensée le faisant retourner à Jamaleddine al-Afghani, Mohammad Abdo, Taha Hussein et Abdelkader al-Husseini.

La maladie était la seule à causer la contamination dans le passé. Aujourd’hui, la santé est, pour la première fois dans l’histoire, contagieuse. Ce monde ne connaît plus de limites. Nous pouvons nous prémunir contre les contaminations – comme celle du corona – mais l’humanité ne sait ou ne sait plus se prémunir contre les idées !

À une étape précédente, les slogans pouvaient, à eux seuls, constituer des politiques (empire du mal – monopoles impérialistes). À présent, la politique a besoin d’une nouvelle langue dans les discours et d’une révolution intellectuelle qui réintègre l’homme dans la pensée et incruste la vertu dans la pensée.

Avocat

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Les spectacles affligeants dont le monde est aujourd’hui le théâtre n’ont pas surgi du néant. Ces avatars sont engendrés par les lois mêmes de l’évolution. Des changements quantitatifs s’accumulent et donnent naissance à des réactions qui produisent, à un moment ou à un autre, un changement qualitatif qui semble instantané mais qui ne l’est pas en réalité. À l’exemple de...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut