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Société - La thaoura, un an après

« La révolution a brisé les barrières entre les régions »

Des militants de différentes places du Liban reviennent sur les liens tissés entre eux et la solidité des rapports qui les unissent désormais.

« La révolution a brisé les barrières entre les régions »

Des manifestants sur la place al-Nour, à Tripoli, le 2 novembre 2019. Ibrahim Chalhoub/AFP

C’est l’un des éléments notables du mouvement de contestation populaire : des mois durant, à la faveur des rassemblements sur les grandes places du pays, des Libanais de toutes les régions se sont rencontrés, découverts parfois, dans une union autour d’un slogan : « Kellon yaani kellon. » À partir du 17 octobre, au gré des manifestations, des milliers de contestataires se sont retrouvés sur la place des Martyrs, à Beyrouth, sur la place Nour, à Tripoli, mais aussi à Saïda, Nabatiyé... Loin de rester cantonnés à leur espace géographique, les manifestants sont allés à la rencontre les uns des autres, dans un tour du Liban rythmé par le calendrier des manifestations. L’on a vu, ainsi, des activistes de Nabatiyé se rendre pour la toute première fois dans le Akkar et des habitants de Tripoli apportant renfort et soutien aux révolutionnaires de Jal el-Dib confrontés à la répression des forces de l’ordre. Et, le 27 octobre, une chaîne humaine se former, du nord au sud du pays.

À la veille du premier anniversaire de l’éclatement de la thaoura, que reste-t-il des liens tissés entre les places de la révolution, et par extension, entre les activistes des différentes régions ?


Des manifestants sur la place al-Nour, à Tripoli, le 2 novembre 2019. Ibrahim Chalhoub/AFP


Briser les barrières

« Les premiers protestataires qui se sont rendus à Jal el-Dib pour soutenir notre mouvement venaient de Tripoli », se souvient Anthony Douaihy, activiste à Jal el-Dib. Pour ce dernier, la grande surprise fut non seulement de voir des Tripolitains venir au secours des activistes du Metn, mais également d’apprendre que les habitants de Jal el-Dib avaient les mêmes craintes et revendications que ceux de Tripoli. « Le pouvoir en place a œuvré, pendant plus de trente ans, à nous faire croire que nous n’avions rien en commun, commente-t-il. La révolution a brisé les barrières entre les régions ainsi que les stéréotypes que chaque Libanais pouvait avoir de l’autre. »

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Firas Abdallah, activiste dans le Akkar, abonde : « Les habitants du Akkar ont été surtout marqués par le soutien qui leur a été manifesté par les révolutionnaires, à majorité chiites, du Liban-Sud. » Avant le déclenchement de la thaoura, note-t-il, la plupart des habitants du Akkar associaient tous les Libanais du Sud au tandem chiite (Amal-Hezbollah), et surtout au Hezbollah. « Les gens de ma région ne s’attendaient pas à ce que des Libanais du Sud adhèrent au slogan “Kellon yaané kellon” qui n’exclut ni Amal ni le Hezbollah », poursuit-il.

Si les militants interrogés s’attardent longuement sur les liens tissés entre sa région et les autres places de la contestation, ils relèvent en particulier la surprise qu’a représenté l’engagement de Tripoli, symbolisé par les rassemblements massifs organisés sur la place Abdel Hamid Karamé (al-Nour). « En l’espace d’une année, depuis le 17 octobre 2019, Tripoli a vu déferler plus de visiteurs qu’elle n’en avait reçu au cours des dix dernières années », lance Samer Hajjar, activiste dans la capitale du Liban-Nord dont les habitants ont l’impression que le rideau derrière lequel se dissimulait le vrai visage de la ville a été levé. « Cent ans après la création du Grand Liban, Tripoli a finalement réussi à prouver qu’elle faisait bel et bien partie de ce pays et qu’elle partage, avec le reste des Libanais, un seul et même destin », estime M. Hajjar. « C’est au cœur de Tripoli que les révolutionnaires de Jal el-Dib et de tout le Liban se sont réunis pour réclamer la chute du gouvernement de Saad Hariri », rappelle M. Douaihy, estimant qu’il s’agissait là d’une première. « Au Liban, cela n’arrive pas tous les jours de huer un responsable pour ses actions et non pour la communauté religieuse qu’il représente », enchaîne-t-il.

« Grand temps de politiser ce mouvement »

Mais aujourd’hui, alors que le mouvement de contestation s’est sérieusement essoufflé, que tout le Liban est plombé par la crise économique, l’esprit des places de la contestation est-il toujours aussi vivace ? « Oui, mais il a changé de facette », s’empresse de répondre Georges Azar, activiste à Beyrouth. « Au moment où ces places se vidaient et que l’on pensait que la révolution avait rendu son dernier souffle, la communication et la coordination entre les activistes de toutes les régions du pays ne se sont jamais interrompues », précise-t-il. Pour M. Azar, une partie de la force de la thaoura réside dans son caractère décentralisé. « Depuis toujours, des activistes des régions les plus éloignées du Liban affluaient à Beyrouth pour participer à telle ou telle mobilisation mais jamais autant de manifestations n’ont eu lieu simultanément sur tout le territoire », souligne-t-il. Le grand changement est peut-être venu des activistes de Beyrouth qui, une fois n’est pas coutume, sont allés débattre et manifester dans les régions. « L’ouverture des régions l’une sur l’autre contribue à faire naître une identité nationale au détriment des identités géographique et confessionnelle, longtemps nourries par le pouvoir traditionnel », ajoute M. Azar. De son côté, Moussa Ali Ahmad, activiste à Nabatiyé, estime que « grâce au mouvement de contestation, a été réinventé ce tissu social usé et écorché par la peur de l’autre que les leaders confessionnels nourrissent dans le cœur de chaque Libanais ».

Le commentaire de Karim el-Mufti

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À la question de savoir si des entités politiques ont été bâties sur la base de ces liens entre les activistes des différentes régions, tous les militants interrogés acquièscent. « Cette cohésion née du soutien apporté par les places de la contestation les unes aux autres connaît, certes, des hauts et des bas, mais elle ne s’assèche pas », affirme Nivine Hachicho, activiste à Saïda. « C’est grâce à la coordination entre tous les militants de tout le Liban, ajoute-t-elle, que les alliances et groupes du 17 octobre sont en train de voir le jour. »

Mais aujourd’hui, poursuit M. Azar, « il est grand temps de traduire cette cohésion entre les différentes villes du Liban en une alliance nationale qui transcende la géographie sans pour autant l’anéantir ». « Il est également grand temps de politiser ce mouvement populaire et de regrouper tous les militants sous la bannière d’une stratégie nationale qui, en respectant les différences de chacun, n’exclut personne », conclut-il.

C’est l’un des éléments notables du mouvement de contestation populaire : des mois durant, à la faveur des rassemblements sur les grandes places du pays, des Libanais de toutes les régions se sont rencontrés, découverts parfois, dans une union autour d’un slogan : « Kellon yaani kellon. » À partir du 17 octobre, au gré des manifestations, des milliers de...

commentaires (4)

Il faut tarir la source de HN pour que ses partisans puissent descendre dans la rue rejoindre leurs compatriotes. Tant qu’il leur donnera à manger ils resteront confinés chez eux et respecteront le couvre-feu imposé par HB qui les contrôle de près et n’hésitera pas à utiliser des chantages ou plus si besoin.

Sissi zayyat

19 h 20, le 15 octobre 2020

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Commentaires (4)

  • Il faut tarir la source de HN pour que ses partisans puissent descendre dans la rue rejoindre leurs compatriotes. Tant qu’il leur donnera à manger ils resteront confinés chez eux et respecteront le couvre-feu imposé par HB qui les contrôle de près et n’hésitera pas à utiliser des chantages ou plus si besoin.

    Sissi zayyat

    19 h 20, le 15 octobre 2020

  • ""« La révolution a brisé les barrières entre les régions »"", entre guillemets bien sûr, le temps des manifestations et démonstrations de force pour que finalement chacun rentre chez soi. A Dahyé ou autres fiefs des ""chiites de Beyrouth"" (sic), les barrières sont hermétiques.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    12 h 27, le 15 octobre 2020

  • C'est un fait, les barrières ont été mise a bas. certains ont enfin compris que leurs dirigeants leurs ont menti pendant toutes ces années. Les ont leurre concernant leur intentions et la manière dont ils peignaient l'autre camp. Aux prochaines élections, quelques soit les lois, il y aura un changement et celui-ci permettra des changements légaux mais aussi constitutionnels. Une seule crainte reste, une fois au pouvoir se transformeront ils tous en des Hariri, Berri, Aoun ou autres larrons, ou resteront ils fidèles a leurs principes? Comme on en a vu d'autres, la est la question!

    Pierre Hadjigeorgiou

    11 h 01, le 15 octobre 2020

  • PAS TELLEMENT, LES PANURGES MAFIEUX ONT ENCORE DE L,EMPRISE SUR UN GRAND NOMBRE DE LEURS MOUTONS BELEURS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 45, le 15 octobre 2020

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