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Nos Lecteurs ont la Parole

Homo homini deus

Homo homini deus

Une vaste et remarquable solidarité nationale, mais également internationale, à l’initiative des jeunes s’est manifestée dans les quartiers sinistrés après le cataclysme…

Non, l’homme n’est pas un loup pour l’homme. La locution latine réductrice et cinglante « Homo homini lupus », qui rappelle l’animalité de l’homme et qui a été rendue célèbre par Hobbes et qu’on attribue à Plaute, et que les philosophes pessimistes comme Schopenhauer ne cessaient de rappeler, ne trouve ni sens ni adaptation dans notre esprit et dans notre mentalité libanais.

Pour nous, peuple empreint d’altruisme, gorgé d’affection et de dévouement, l’homme est un humain qui se surpasse pour donner le meilleur de lui-même à son prochain. Ainsi, il est non seulement capable de beaucoup de compassion, de bonté, de tendresse et d’amour envers ses frères et ses sœurs dans l’humanité, mais il est également capable de sacrifier son temps, son argent et sa vie pour les protéger, les aider et les défendre. Nos associations humanitaires, nos jeunes et nos compatriotes répartis partout dans le monde en sont la preuve la plus admirable et la plus irréprochable.

Vertueux et dotés d’une cohésion extraordinaire, nos jeunes déjà soumis à de rudes épreuves se retrouvent face à des crises sans précédent, économiques, sanitaires et politiques. Et depuis leur soulèvement en octobre dernier, ils n’ont pas eu encore de moment de répit. Ils se sont révoltés de façon ininterrompue contre le gouvernement en place, corrompu et inefficace, car tout simplement ils portent un autre regard plus noble, plus intègre et plus honnête sur leur pays, car tout simplement, vaillants et animés par le désir de l’affranchir de toute ingérence, ils demandent à placer la liberté et la souveraineté avant toute autre considération.

Et à partir du 4 août, ils se sont mobilisés, de suite après l’explosion, pour sauver la vie des blessés et pour réconforter les endeuillés et les sinistrés, leur apporter leur soutien indéfectible, les aider dans toute tâche et besogne pour récupérer leurs lieux d’habitation, leur nettoyer de bout en bout ces lieux pour les rendre habitables à nouveau et le plus important, pour leur procurer de la joie et leur prouver que l’humanité est toujours plus forte en faisant le bien qu’en faisant le mal.

Une solidarité humaine nationale, mais également internationale, à l’initiative de ces Libanais – écoliers, universitaires, artistes, journalistes, écrivains, présidents d’organisations, d’associations et de clubs–, s’est dressée. Prévenante, elle était tout enragée pour aider et initier des rassemblements humanitaires. Des rassemblements, tous volontaires et bénévoles, pour faire du bien à ceux qui subissent le sort maléfique et la descente aux enfers que leurs dirigeants leur préparent et pour les aider à retrouver un peu de dignité et surtout de la force pour continuer leur lutte pour sortir vers les lumières et la délivrance.

Des centaines et des centaines de Libanais, toutes confessions et toutes croyances confondues, se sont mobilisés pour prodiguer intuitivement de la bienveillance et fournir de l’assistance aux besogneux. Une assistance qui s’est placée machinalement, automatiquement et immédiatement ; elle n’avait besoin ni de textes de loi ni d’articles du code pénal pour la rendre obligatoire.

Plongé dans le chaos depuis des décennies, leur pays subit les affres, les démagogies, les conflits d’intérêts, l’inaction et le manque d’intérêt des responsables politiques à l’égard du peuple. Confrontés à l’inanité et à la mort cérébrale de leurs chefs de clan, confrontés au coma dépassé dans lequel ces derniers se sont ensevelis et devant cette épouvantable évidence, des mouvements de solidarité conduits par des artistes libanais avec l’aide d’artistes humanistes internationaux se sont organisés pour créer toutes sortes d’événements pour générer de l’argent versé dans sa totalité à leurs compatriotes affligés. Ces bienfaiteurs ont fait de leur compassion et de leur empathie leur raison de croire dans la fraternité entre les hommes et leur raison d’espérer dans la résurrection de ce pays, temple du vivre-ensemble par excellence.

Cet esprit de solidarité libanais qui a survécu à la guerre et à ses atrocités et qui a expérimenté la précarité de notre monde mais aussi le bonheur dans la fragilité humaine, cet esprit même est toujours présent et refait surface à chaque fois que le besoin se sait sentir et il brille toujours aussi fort. Son éclat est énergique, allègre et rend à la vie sa vitalité joyeuse, malgré le marasme envahissant.

Ainsi, dépositaires de cet esprit sublimissime, de grands écrivains libanais ont fait don de leurs livres, des dons considérables, des clubs ont organisé des conférences et ont vendu des produits à l’effigie du Liban et de Beyrouth, des peintres ont peint des tableaux avec des yeux en larmes et ont exprimé leur peine à leur façon et ont, tout simplement, offert leurs toiles à cette humanité blessée. Et dans cette même logique, des chanteurs ont organisé des concerts, des musiciens ont pris l’initiative de proposer à la télévision française de conduire un grand concert et un appel aux dons sous le titre Unis pour le Liban où des présentateurs émérites comme Nagui, de fameux journalistes comme Élise Lucet et notre Léa Salamé, rejoints par de grands artistes, se sont mobilisés pour soulager ceux de nous touchés et attaqués dans leur cœur et dans leur esprit, et pour soutenir le Liban.

La bienveillance, ce mot merveilleux, qui manque à nos politiciens, constitue la toile de fond de l’esprit, que l’on peut qualifier de providentiel, qui anime ces gens-là et qui révèle cette « part d’ange » et cette divinité qui existent en nous, nous les humains. Ces gens sont majoritaires, et l’on peut se féliciter. Leurs pensées et leurs actions bougent dans une mouvance qui rapproche l’homme de son créateur et qui justifie la locution « Homo homini deus, » l’homme est un dieu pour l’homme.

Face à ces quelques chefs madrés, vils et qui ne se soucient que de conserver le pouvoir et de continuer à écumer tout ce qui reste de notre pays, nos jeunes et nos moins jeunes ont du ressentiment. Mais face à leurs frères dans l’humanité, leur cœur est rempli de miséricorde et d’amour, surtout quand ces derniers se retrouvent sinistrés face à une situation désastreuse et traumatisante. Et, d’un seul cœur, « w, fared aleb », nos bienfaisants témoignent de leur support et de leur capacité à combler, grâce à leur affect et à leur amabilité, la défectuosité et l’irresponsabilité des cupides et des incompétents.

Heureusement que le monde est majoritairement composé de gens valeureux et soucieux du bien-être de leurs compatriotes et de leurs semblables, heureusement qu’il est rempli de gens bien et bons qui se mobilisent et prouvent que cette part de divinité qui existe dans l’homme peut triompher.

« Lorsque le pouvoir de l’amour remplacera l’amour du pouvoir, l’homme aura un nouveau nom : Dieu. » Une citation de Sri Chinmoy, qui devrait impérativement inspirer notre classe politique hargneusement amoureuse du pouvoir. Encore faut-il à partir de là revoir l’appellation de certains partis politiques qui se croient libanais, pour qu’elle convienne le mieux à leur but ultime qui est celui d’entraîner le peuple libanais vers l’abîme.

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Non, l’homme n’est pas un loup pour l’homme. La locution latine réductrice et cinglante « Homo homini lupus », qui rappelle l’animalité de l’homme et qui a été rendue célèbre par Hobbes et qu’on attribue à Plaute, et que les philosophes pessimistes comme Schopenhauer ne cessaient de rappeler, ne trouve ni sens ni adaptation dans notre esprit et dans notre mentalité...
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