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Nos Lecteurs ont la Parole

À ma ville...

C’est une idylle scellée dans des larmes de sang,

Née d’une passion sublime aux désirs innocents,

Jaillie de sources pures, cachées dans ces montagnes,

Loin de cultes étranges et leur maudite hargne.

Ma ville est bâtie sur la terre la plus ancienne,

Bercée par la mer comme une amante souveraine,

Surgie de la lave de volcans longtemps éteints,

Plus brûlante et radieuse qu’un long regard divin.

Ma ville brille comme une chute de lumières,

Détachée des astres, récoltée par la terre ;

Premier tabernacle où l’homme s’est recueilli

Pour louer les dieux de pouvoir saisir la vie.

Ma ville s’endort sur la route des cigognes

Qui tracent dans le vide le cours d’un rêve ivrogne

Et transportent vers le ciel dans une libre envolée

Les pensées secrètes que la nuit a enfantées.

Ma ville languit comme une ondine inassouvie,

Arrachée des flots aux ténèbres sourdes de la mer,

Mélodie irréelle à la note éphémère,

Portée sans cesse par les mornes vagues de l’oubli.

Ma ville a accueilli l’homme errant sous son toit

Avec comme témoin le ciel et pour juge sa foi ;

Elle a abrité ses rêves fous et ses émois,

Et lui a offert le tendre refuge de sa loi.

Ma ville, à chaque aube, s’allonge dans la lumière,

Encore ruisselante des pêchés de la nuit,

Lasse vestale, insouciante de l’épaisseur du bruit,

Qui monte sans répit à l’ombre froide des cimetières.

Les rivages de sable, les versants des collines

Se sont garnis de bâtisses dorées et câlines,

Gonflées par l’orgueil, ornées des fibres de l’espoir,

Couvertes du vernis de la vanité dérisoire.

Des demeures occupées par de vastes réceptions,

Décorées avec un goût exquis sans omission,

Étalées avec volupté et complaisance,

Remplies du rythme tabou de l’insouciance ;

Des meubles d’appui ceints d’une mosaïque damascène,

En bois de palissandre ou en bois d’ébène ;

De colonnes de marbre, de sanctuaires en argent,

De dômes en or et des tapisseries d’Orient.

Ma ville a érigé aux dieux les plus beaux temples :

Des portails en bronze en haut d’un escalier,

Des stèles d’or et d’émeraudes incrustées,

Des vitraux peints dans la splendeur la plus ample ;

Des coupoles en forme de clocher arabesque

Ou des minarets en forme de lune moresque,

Suspendus par le glissement sec des rosaires,

Soutenus par le flot continu des prières ;

De solides poutres élancées jointes en pythienne,

Taillées en bois de cyprès ou en bois de chêne ;

Des plafonds larges d’où pendent des chandeliers,

Penchés vers l’enceinte grise des arcades voûtées ;

Des autels fumant l’encens ; des toiles de soie ;

Des murailles ornées d’immenses panneaux de bois ;

Un bas-relief de figures en bois de cerisier,

Des sièges en bois d’acajou, dans un coin juché.

Sous cette masse inerte se repose ma ville,

Couverte du linceul de la lâcheté servile,

Hantée par l’ombre de l’esprit assassiné,

Errante, que même la mort n’arrive à apaiser.

Ma ville s’est couverte par une nappe de bitume,

Noyée dans les sables mouvants d’âges posthumes,

Sillonnée de routes creusées par d’anciens remous,

Enduites d’épaisses couches de gluantes boues,

Jalonnées de déchets, charriés de champs hostiles,

Cernées par l’empreinte d’une maille de reptiles ;

Des édifices d’acier, de glace et de pierre,

S’enchevêtrent indécis dans la mêlée bestiaire.

Ce bloc de bâtiments traverse son paysage,

Envahi par des tours de fer et de ciment ;

Un réseau de barrières surgi d’un monde dément,

Où la pensée traîne docile, prise en otage.

Ma ville s’étire sur des champs pleins de rêves figés,

Enfouis sous les débris de nos mœurs assiégeés,

Mus par l’esprit qui les a longtemps exaltés,

Vibrant d’un passé qu’on s’efforce à enterrer.

Ma ville a dansé avec le feu des passions

Qui ont illuminé ses nuits de leurs étincelles,

Infini béant à l’écho distant et rebelle,

Où elle glissait dans les transes de la damnation.

La trahison, le mensonge et l’infamie

Ont habité les barricades de l’agonie,

Quand l’homme, sinistre pantin, assoiffé de dieux

A donné libre cours à ses instincts hideux.

De ses entrailles, ont jailli soudain les vestiges

De colonnes altières, de tombeaux sans mémoire,

De murailles hantées par la main de l’espoir,

D’un monde qu’on a cru éteint, au retour prodige.

Sous les décombres accumulés de tant de ruines,

Tant par les âges que par les guerres mesquines,

La richesse la plus noble en silence gémit ;

Prisonnière oubliée, elle traîne en sursis.

Qu’importent les temples et leurs belles parures,

Qu’importent les palais et leurs grandes allures,

Qu’importent les tabernacles ornés de diamants,

Qu’importent les offrandes, parfumées à l’encens.

Qu’importent les mosquées habillées de splendeur,

Qu’importent les cathédrales défiantes de grandeur,

Qu’importent les prières accoutrées de piété

Qu’importe le martyre au nom de la déité ;

Qu’importe le pouvoir, ivre de tyrannie,

Qu’importe l’extase dans le vide du paradis,

Qu’importe la révolte dénuée d’humanité,

Qu’importent les dieux flottant dans l’abstrait ;

Qu’importe le sacrifice, qu’importe la sainteté,

Et l’opulence, assaillie par la pauvreté ;

Qu’importe le discours, qu’importe le dialogue,

Et l’esprit, victime de la pensée démagogue ;

Qu’importe le cercueil de bronze et de sapin,

Rempli de la poussière de nos corps éteints.

Qu’importe le tombeau préparé pour la gloire,

Quand sonne le dernier glas de l’heure expiatoire.

Qu’importent le bois de cyprès et le bois de chêne,

Qu’importent le bois de sapin et le bois d’ébène,

Qu’importe l’édifice porté par des chapiteaux,

Quand manque le bois de l’arbre du sommet le plus haut.

Ma ville s’étend nue sous le soleil de midi ;

Dans son regard voilé se reflète l’océan,

Vaste plaine ondulée à l’attrait maudit

Qui lui a arraché nombre de ses amants.

Dès que le crépuscule atténue la clarté,

Dans ses yeux se dessine la vision du passé ;

Assise sur le parvis de la montagne, solitaire,

Elle murmure à l’océan son idylle de naguère.

Quand ma ville pénètre l’indolence du soir.

Le long de son ciel d’un bleu plus profond que l’azur,

Autour s’élèvent des temples, synagogues ou minarets,

Et encore quelques églises, lasses et dispersées.

Les dieux y ont déjà établi leur domaine,

La foule des peuples avide de ses possessions,

Plus vorace qu’une horde sauvage et affamée,

s’avance dans un cortège macabre et damné

Pour la soumettre aux tourments de l’oppression.

Les dieux ont déjà établi leur domaine

Par des visiteurs attardés à l’air sordide,

Ou des guerriers sortis d’un désert aride,

On aurait cru le passage d’une horde de reptiles.

À regarder les traces, on aurait cru une horde de reptiles

Par des visiteurs s’y glissant comme des reptiles,

Par des conquérants venus de rivages comme une masse

S’élevant sans grâce.

Dans son regard plus noble et plus solide

Où l’esprit se repose parmi les ruines mythiques

Prêt à rejaillir du fond des âges

Ma ville est un terroir.

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