
L’ancien ministre Bassil s’est adonné à un véritable exercice d’équilibriste lors de sa conférence de presse, dimanche dernier. Photo d’archives ANI
La dernière conférence de presse de Gebran Bassil, ancien ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, dimanche dernier, a constitué un véritable exercice d’équilibriste. Il y a lancé des messages dans plusieurs directions, évoquant des sujets sur lesquels il a semblé se démarquer de son principal allié, le Hezbollah. Il a ainsi critiqué la visite du chef du Hamas Ismaïl Haniyé au Liban, estimant qu’elle « augmente la menace sur la souveraineté du pays et son unité » ; il a évoqué le retrait du Hezbollah de Syrie, en tenant des propos favorables à la neutralité prônée par le patriarche maronite et rejetée par les milieux du Hezb ; il s’est prononcé en faveur de la démarcation des frontières avec Israël et a encore ressorti la question de la stratégie de défense…
Beaucoup y ont vu un repositionnement effectué par celui qui est considéré comme l’homme fort du mandat Michel Aoun, à la lumière des dernières sanctions américaines contre deux autres anciens ministres de son camp, Ali Hassan Khalil (Amal) et Youssef Fenianos (Marada). Et selon des sources concordantes, de nouvelles sanctions à venir pourraient toucher des personnalités de son entourage ou même le viser personnellement, ce qui expliquerait ce changement. Mais s’agit-il véritablement d’un repositionnement et jusqu’où peut-il aller ?
S’il y a un point sur lequel tous les analystes interrogés convergent, c’est que le chef du CPL se trouverait actuellement dans une posture difficile. Selon des analystes ayant requis l’anonymat, Gebran Bassil, qui croyait son avenir assuré du fait de son accord avec l’ancien Premier ministre Saad Hariri et son alliance avec le Hezbollah – qui lui conféraient une couverture autant sunnite que chiite–, a perdu un appui important de par son éloignement du chef du courant du Futur. Par ailleurs, ses mauvaises relations avec certaines factions de son camp, telles que le mouvement Amal et les Marada, ainsi qu’avec le Parti socialiste progressiste du leader druze Walid Joumblatt et la majorité des autres partis chrétiens, l’isolent aujourd’hui sur la scène interne. Un isolement accentué par le mouvement de contestation du 17 octobre, qui l’a particulièrement pris pour cible. Les sanctions américaines – imposées à des personnalités proches du Hezbollah – sont venues compliquer encore davantage sa situation.
Une alliance « solide »
Cette situation menace-t-elle toutefois dans le fond l’alliance de Gebran Bassil avec le Hezbollah ? Beaucoup pensent que le parti chiite comprend les difficultés que traverse son allié et ne se formalise pas de cette « distanciation » dont il fait preuve, tant que le fond de la collaboration politique reste inchangé. « Gebran Bassil fait face à de nombreux défis internes et externes, souligne Kassem Kassir, analyste politique proche de la ligne du Hezbollah. C’est ce qui explique ce nouveau langage et cette nouvelle position qu’il affiche. Toutefois, je pense que le Hezbollah comprend ces difficultés, et je suis convaincu que l’alliance est solide et devrait se maintenir. » L’analyste estime cependant qu’après tant d’années, le texte de l’accord de Mar Mikhaël (du nom de l’église où il a été conclu en 2006, signé par l’actuel président Michel Aoun et le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah) doit faire l’objet d’un dialogue, afin de l’adapter à tous les développements qui ont eu lieu depuis.
Dans la presse, les milieux dits du 8 Mars ne se privent toutefois pas de critiquer M. Bassil, l’accusant même, dans certains articles, d’être pratiquement sorti de cet accord. « Les forces du 8 Mars sont devenues très diverses, affichant souvent des opinions radicalement différentes, et M. Bassil n’y compte pas que des amis, explique M. Kassir. Mais, selon moi, ce son de cloche n’est pas conforme à la réalité, l’accord de Mar Mikhaël tient toujours. »
« Objectif : isoler le Hezbollah »
Le chercheur et analyste politique Makram Rabah rappelle pour sa part que « ce n’est pas la première fois que Gebran Bassil se démarque de ses alliés par ses propos ». « Généralement, il le faisait pour des objectifs internes, comme pour pousser à la réalisation de projets qui lui tiennent à cœur, poursuit-il. Mais, cette fois, il a évoqué des sujets plus polémiques comme l’application de la résolution 1701 ou le retour du Hezbollah de Syrie (où le mouvement chiite est impliqué dans la guerre aux côtés du régime syrien depuis des années, NDLR). Or les États-Unis savent bien qu’il n’a aucune influence sur ces sujets-là. »
Selon le chercheur, ce serait dès lors la crainte légitime des sanctions qui pourraient le frapper – ou des personnes de son entourage – qui expliquerait ce revirement. Un revirement en paroles seulement, qui ne modifie pas en profondeur la nature de l’alliance entre les deux partis, ajoute-t-il. « Il faut savoir que les Américains mènent aujourd’hui leurs actions visant à limiter l’influence du Hezbollah, indépendamment des acteurs locaux qui sont tous obligés de s’asseoir à la même table que lui, même s’ils lui sont hostiles, ajoute Makram Rabah. C’est d’autant plus le cas de Gebran Bassil qui, pour les États-Unis, a grandement facilité la mainmise du Hezbollah sur le pays. » L’ancien ministre pourrait-il se sortir d’affaire en se démarquant ainsi dans ses propos? M. Kassir pense que « les sanctions imposées par les Américains ne sont l’écho que de leurs propres calculs : leur objectif est d’isoler le Hezbollah sur la scène interne, et les prises de position de M. Bassil n’y changeront pas grand-chose ». Certaines sources interrogées pensent que M. Bassil aurait, dans son viseur, un accord qui serait conclu, à terme, entre les États-Unis et l’Iran. « La région a énormément changé et, avec les accords de paix conclus entre plus d’une nation arabe (Émirats arabes unis et Bahreïn) et Israël récemment, le rôle du Liban est marginalisé, estime pour sa part Makram Rabah. Par conséquent, même en cas de victoire de Joe Biden à la présidentielle américaine, on ne peut s’attendre à ce qu’il mène la même politique que Barack Obama, notamment vis-à-vis de l’Iran. Je pense qu’ils tentent tous de gagner du temps, M. Bassil inclus. »
La dernière conférence de presse de Gebran Bassil, ancien ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, dimanche dernier, a constitué un véritable exercice d’équilibriste. Il y a lancé des messages dans plusieurs directions, évoquant des sujets sur lesquels il a semblé se démarquer de son principal allié, le Hezbollah. Il a ainsi critiqué la visite du chef...
commentaires (12)
I knew of this guy when I was still in school in Lebanon in the late 1980s. I probably knew of him before anybody ever heard of him. I can assure you he doesn’t have the intellect, class and presence of a statesman. He was vulgar and few paid even attention to him. His actions in the last 10 years have gradually and directly contributed to where we are today. He is and should be finished. Best he deserves is to be a mokhtar or councilman for the town of Batroun.
hrychsted
00 h 08, le 18 septembre 2020