Rechercher
Rechercher

Nos Lecteurs ont la Parole

L’annihilation ou la refondation du pays du Cèdre

Le mardi 4 août 2020, Beyrouth a été secouée par deux violentes explosions, décimant environ 171 personnes et plus de 6 000 blessés, près de 300 000 sans-abri et détruisant le peu d’espoir des Libanais au bout du souffle et d’un pays ployant sous un naufrage économique. Les années de guerre civile, d’attentats et de corruption poussent les Libanais à se révolter. Ils savent qu’ils ne peuvent plus continuer à survivre. Confrontés à leur tragédie datant de la création de l’État du Grand Liban en 1920, lorsque l’entité libanaise unifiée a été sacrifiée à l’autel des confessions et des zaïms (leadership) – où le pouvoir se transmet souvent de père en fils – au détriment d’un pays.

Le pays, à son grand dam, dirigé ainsi par des chefs politiques appartenant à des clans féodaux de différentes confessions, dont les intérêts personnels priment d’abord sur ceux du pays. C’est par cette classe dirigeante que le malheur arrive et le glas de crise économique sonne ; entre octobre et décembre 2019, plus de deux milliards de dollars ont été transférés du Liban par des politiques libanais vers les banques de la Confédération suisse vidant les caisses et asphyxiant l’économie ébranlée du pays. C’est la même bande politique, toutes religions confondues, qui s’étonne aujourd’hui de la débâcle économique et de l’origine du nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth dans l’entrepôt 12. C’est la politique de l’autruche, probablement c’est aussi celle d’une voyoucratie.

Faut-il croire le Hezbollah qui gouverne le pays d’une main de fer quand son chef Hassan Nasrallah s’étonne et s’adonne à jouer l’innocent ? Ce dernier nie dans une allocution télévisée d’avoir un entrepôt ou des missiles au port de Beyrouth. Néanmoins, il accepte volontairement « toute assistance et toute expression de sympathie envers le Liban », mais rejetant toute investigation internationale sur l’origine de l’explosion qui a éventré Beyrouth, l’observant de loin ; cependant, lui réfutant « toute assistance à personne en danger ». Son propos fait écho par miracle à celui du président libanais, Michel Aoun. M. Aoun estime qu’une enquête internationale sur l’explosion « diluerait la vérité ».

De quelle vérité parle-t-il ? Celle d’un général ou d’un chef intérimaire du gouvernement (1989-1990) qui a mené une guerre d’usure contre la présence des troupes syriennes au Liban et tenté en vain de fermer les ports illégaux exploités par les milices musulmanes et druzes au sud de la capitale. Cette guerre d’usure a été soldée encore une fois par des centaines de morts et elle a affaibli l’économie moribonde du Liban. L’ancien ennemi du régime syrien et des milices musulmanes devient en 2008 après sa visite à Bachar el-Assad, par la magie géopolitique du Moyen-Orient, l’allié inébranlable du Hezbollah et du pouvoir obscur syrien.

Le cataclysme du 4 août a ravivé la mémoire écorchée et douloureuse des Libanais, témoignant d’un ancien Premier ministre qui a versé 16 millions de dollars américains à une mannequin sud-africaine, rencontrée aux Seychelles, et d’un président qui ignore l’existence de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium dans le plus grand port du Liban.

Les Libanais ne sont pas dupes de l’allégeance ambivalente des politiques libanais ni de leur corruption et arrogance. La catastrophe du 4 août exhorte désormais les Libanais à crier à tue-tête la corruption du gouvernement libanais, exigeant une refondation du pouvoir. Ils ont perdu foi en cette classe politique, après des mois de manifestations depuis l’automne, où ils dénonçaient les difficultés économiques, et accusaient l’intégralité de la classe politique de corruption et d’incompétence.

Les Libanais savent qu’ils n’ont pas le choix, soit ils se révoltent et sauvent le Liban, soit ils se taisent, ce qui ne leur ressemble pas, et assistent à l’annihilation du pays du Cèdre. Or c’est le peuple qui chante les paroles de Nizar Kabbani : « Lève-toi Beyrouth! La révolution naît des entrailles du chagrin, Lève-toi Beyrouth ! » Et ils s’assureront que Beyrouth se lève contre vents et marées. Le futur nous dira ce qui adviendra du Liban.

Island View, N.-B.

Canada

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Le mardi 4 août 2020, Beyrouth a été secouée par deux violentes explosions, décimant environ 171 personnes et plus de 6 000 blessés, près de 300 000 sans-abri et détruisant le peu d’espoir des Libanais au bout du souffle et d’un pays ployant sous un naufrage économique. Les années de guerre civile, d’attentats et de corruption poussent les Libanais à se révolter. Ils...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut