
Le ministre sortant des Travaux publics, Michel Najjar et le directeur de la Sécurité de l'Etat, le général Tony Saliba. Photo d'archives Ani
Le juge d'instruction et procureur général près la Cour de justice, Fadi Sawan, en charge de l'enquête sur la double explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth, a entendu jeudi comme témoins le ministre sortant des Travaux publics, Michel Najjar, et le directeur de la Sécurité de l'Etat, le général Tony Saliba, a pu confirmer L'Orient-Le Jour. "S'il s'avérait qu'il y avait eu négligence de leur part, ils pourraient alors devenir des suspects et être interrogés à ce titre", avait déjà précisé à l'AFP une source judiciaire s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
Lundi, ce sera au tour de l'influent directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, d'être interrogé également comme témoin, après son retour de France dans la journée. Il y avait été envoyé à la demande du président Michel Aoun afin de discuter avec les autorités françaises de l'initiative lancée par le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, concernant les réformes attendues de la part de Beyrouth et la formation du gouvernement.
D'autres ministres des Travaux publics, des Finances et de la Justice qui ont été en poste depuis 2013 seront également interrogés.
De l'aveu même des autorités, la déflagration, qui a fait au moins 192 morts, plus de 6.500 blessés et dévasté des pans entiers de Beyrouth, a été provoquée par une importante quantité de nitrate d'ammonium stockée depuis plus de six ans "sans mesures de précaution" dans un entrepôt du port. Quelque 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium avaient été initialement stockées. Mais, selon des informations relayées par certains médias citant des documents officiels, la quantité présente dans le hangar au moment de l'explosion aurait été beaucoup moins importante, notamment en raison de vols ces dernières années, facilités par l'existence d'une brèche dans l'entrepôt en question.
Les principaux dirigeants de l'Etat, en premier lieu le président, Michel Aoun, et le Premier ministre démissionnaire, Hassane Diab, avaient été avertis des dangers que représentait cette cargaison. Face à l'indignation provoquée par la tragédie du 4 août, les responsables se sont rejetés la responsabilité. Dans un communiqué publié après l'explosion, la Sécurité de l'Etat a rappelé avoir alerté les autorités dans un rapport détaillé, citant un chimiste, selon lequel les quantités de nitrate d'ammonium stockées pourraient, en cas d'inflammation, provoquer une énorme explosion.
Badri Daher victime d'un malaise
Jusque-là, Fadi Sawan a émis 25 mandats d'arrêt, entre autres contre des employés et responsables du port, dont son ancien directeur général Hassan Koraytem, le directeur général des douanes, Badri Daher, le directeur général du transport maritime et terrestre, Abdel Hafiz al-Kaïssi, et quatre officiers. Trois travailleurs syriens ayant effectué des travaux de soudure, quelques heures avant l'explosion, dans l'entrepôt abritant le nitrate d'ammonium font aussi partie des personnes arrêtées jusqu'à présent. C'est lors de ces travaux que se serait déclaré l'incendie. Lundi, le juge a interrogé quatre témoins et rejeté la demande de libération de trois personnes sous le coup d'un mandat d'arrêt mais dont les noms ne sont pas précisés.
Selon la chaîne locale LBCI, Badri Daher a été victime d'un malaise mercredi soir. Après ce souci de santé, l'avocat du directeur général des douanes a demandé au bureau du procureur de désigner un médecin de l'armée pour soigner son client à la prison de Rihaniyé où ce dernier est incarcéré. Selon la chaîne, Ghassan Oueidate a accepté cette demande, mais pas le juge Sawan.
Par ailleurs, la ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, a demandé à l'Inspection judiciaire de diligenter une enquête sur les fuites dans les médias sur les investigations dans ce dossier, toujours selon la LBC.
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16 h 46, le 10 septembre 2020