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Nos Lecteurs ont la Parole

Lettre ouverte à Emmanuel Macron : Seul espoir, une assistance diplomatique immédiate

Monsieur le Président,

À l’occasion de votre deuxième visite au Liban, annoncée par vous-même lors de votre visite précédente de solidarité du 6 août dernier, le Liban, encore sonné par les ondes de choc du génocide qui a fauché les Beyrouthins et détruit la moitié de leur capitale, vous rend les honneurs de l’amitié et du respect et vous déroule le tapis rouge.

Je suis un citoyen libanais, francophone de souche, et un homme politique engagé. En charge des fonctions diplomatiques du parti des Forces libanaises pendant plus de trente-cinq bonnes années, j’ai eu l’honneur de coopérer avec tous les ambassadeurs français successifs accrédités à Beyrouth comme avec les hauts responsables de la direction ANMO au Quai d’Orsay avec lesquels j’ai réussi à fidéliser des liens étroits, pragmatiques et crédibles mais aussi amicaux. Et c’est bien au titre de mon vécu que j’ai pris la liberté de m’adresser à vous.

Il ne serait pas superflu d’évoquer à l’occasion les liens multiséculaires qui unissent le Liban à la France. Ils remontent aux temps de la Charte de Louis IX, roi de France et saint. Donnée aux maronites à Saint-Jean-d’Acre le 12 mai 1250, la Charte stipulait cette phrase mémorable : « Pour nous et pour nos successeurs sur le trône de France, nous promettons de vous donner, à vous et à votre peuple, notre protection spéciale, comme nous la donnons aux Français eux-mêmes, et nous nous emploierons en toute circonstance à tout ce qui contribuera à votre prospérité. » Depuis, les liens qui unissent la France et le Liban n’ont connu aucune altération.

Monsieur le Président,

Sur le perron de la très symbolique Résidence des Pins, au cœur de Beyrouth en ruine, vous aviez affirmé en des termes sincères le soutien indéfectible de la France et du peuple français aux Libanais, et je vous cite : « Aujourd’hui, demain, nous serons là et la France ne lâchera jamais le Liban. Elle n’abandonnera jamais les Libanaises et les Libanais, jamais. » Vous aviez ce jour fait le point sur l’assistance humanitaire de la France, directe et généreuse ô combien appréciée et cent fois remerciée. Vous aviez insisté sur l’impératif de « rebâtir la confiance et l’espoir, laquelle suppose une refondation d’un ordre politique nouveau » et pressé le gouvernement et le président souverainement élus d’entreprendre les réformes indispensables unanimement réclamées et attendues, comme prélude à la libération de toute aide financière.

Pour indispensable et nécessaire qu’est l’aide humanitaire que la France dispense aux Libanais sinistrés, son assistance est un besoin premier, vital. Mais vous n’êtes pas sans savoir que le Liban est l’otage qui ploie sous l’emprise d’acier du Hezbollah, bras droit stratégique de l’Iran, son puissant mentor. Le « parti de Dieu », nanti d’un arsenal militaire impressionnant, est parvenu insidieusement à faire main basse sur l’ensemble du pays et à contrôler toutes ses frontières. Il a phagocyté ses institutions constitutionnelles, investi la totalité de son administration publique et érigé la forfaiture et le brigandage en vertu de gouvernance, a infiltré et pourri son pouvoir judiciaire, noyauté ses forces militaires et de sécurité, miné son modèle économique et sapé son édifice bancaire. Il serait, du chef de ces évidences avérées, illusoire et utopique d’espérer des « pseudo-responsables » fantoches, corrompus et inféodés de gré ou de force, l’infime réforme, le moindre redressement. Le Liban-otage est tout bonnement incapable, neutralisé à la totale merci de ses ravisseurs tant que l’équilibre de force international, temporaire ou permanent, reste inchangé.

Entre-temps, les Libanais attendent impuissants dans l’antichambre de la mort et sombrent inexorablement dans les abysses sans grand espoir de sauvetage.

Le seul, l’unique espoir qui reste à ce Grand Liban qui fête dans le deuil et le désarroi son premier centenaire est une assistance politique et diplomatique directe et immédiate. Aussi, la France, membre permanent du Conseil de sécurité, est-elle conjurée d’intervenir en extrême urgence auprès des Nations unies et des pays amis pour :

1– Ordonner par résolution onusienne une enquête internationale sur l’explosion du port de Beyrouth placée sous le chapitre 7. Les Libanais ont droit à la vérité et à la justice. Tout autre résultat d’enquêtes menées par une police et un pouvoir judiciaires, accusés de corruption et de négligence, serait menteur.

2– Ordonner par une résolution onusienne, elle aussi placée sous le chapitre 7, la délimitation des frontières du Liban avec Israël et la Syrie et le déploiement d’une force multinationale (ou de la Finul modifiée) tout le long de celles-ci, terrestres, aériennes et maritimes, avec la mission d’instaurer la paix par tout moyen. Cette mesure est l’unique recours qui empêcherait l’afflux des armes et de l’argent et qui donnerait aux Libanais un minimum de sécurité, de tranquillité, de confiance et d’espoir.

3– Appuyer le projet de loi visant à réduire le mandat de la Chambre des députés et à procéder à des élections législatives anticipées libres sous supervision internationale, prélude à l’élection d’un nouveau président de la République et la formation d’un gouvernement de salut national.

4– User de votre influence et faire pression pour la formation immédiate d’un gouvernement provisoire et de transition restreint, formé de personnalités patriotes, non partisanes, compétentes et probes, un gouvernement de mission à même de pallier les besoins socio-économico-bancaires pressants du pays, d’amorcer la reconstruction de la capitale et de superviser les échéances politiques éventuelles.

5– Œuvrer activement à la proclamation de la neutralité positive et internationalement reconnue et garantie du Liban.

Quelques jours avant le cataclysme du port de Beyrouth, Jean-Yves Le Drian, en visite de soutien à Beyrouth en déconfiture économique, avait martelé : « Aidez-nous à vous aider, bon sang ! » Le peuple libanais répond à son appel comme au vôtre et martèle à son tour : « Aidez-nous à vous aider à nous aider, bon sang ! »

Joseph E. NEHMÉ

Avocat à la Cour

Conseiller du président du parti des Forces libanaises

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Monsieur le Président,À l’occasion de votre deuxième visite au Liban, annoncée par vous-même lors de votre visite précédente de solidarité du 6 août dernier, le Liban, encore sonné par les ondes de choc du génocide qui a fauché les Beyrouthins et détruit la moitié de leur capitale, vous rend les honneurs de l’amitié et du respect et vous déroule le tapis rouge. Je suis un...

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