Ce sont de véritables missions rivales qu’ont effectuées hier à Beyrouth le secrétaire d’État adjoint américain pour les Affaires politiques, David Hale, et le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif. Des missions qui, par ailleurs, se font en parallèle à celle d’un autre acteur de poids sur la scène libanaise, la France, dont la ministre des Armées, Florence Parly, était aussi sur place.
L’enjeu est clair, sans pour autant être simple. Que faire du Liban de l’après-4 août et de l’après-démission du gouvernement de Hassane Diab ? Que faire du Liban et au Liban après la tragédie nationale d’une explosion qui, en détruisant le port et une partie de Beyrouth, a révélé sans retour l’état de négligence administrative et de pourrissement des institutions au Liban, et l’emprise sur lui d’une structure para-étatique qui l’anémie ? Le numéro trois du département d’État n’a fait hier aucune allusion, dans ses déclarations, à la visite du ministre iranien.
Ce dernier n’a pas observé la même réserve. Ainsi, lors d’une réunion avec son homologue libanais, Charbel Wehbé, M. Zarif a mis en garde contre la volonté de parties étrangères de vouloir « exploiter » la situation actuelle pour « imposer des diktats » au Liban. L’aide au Liban « ne devrait pas être conditionnée à un changement politique », a-t-il dit, ajoutant que « c’est à l’État et au peuple du Liban de décider de l’avenir du pays », comme pour donner la réplique et commenter les initiatives que prennent les États-Unis et la France pour venir au secours d’un pays cerné de toutes parts, y compris par la pandémie de coronavirus, et dont l’économie et la monnaie sont à terre.Ainsi, en réponse à une question de la chaîne al-Mayadeen sur « les ingérences étrangères » au Liban après l’explosion du port et le déploiement militaire en Méditerranée orientale, Mohammad Javad Zarif a estimé que « la présence de navires étrangers au large des côtes libanaises n’est pas quelque chose de normal. C’est une menace contre le peuple libanais et sa résistance ».
Le porte-hélicoptères Tonnerre à Beyrouth
Dans la journée, la ministre française des Armées, Florence Parly, avait accueilli à son arrivée au port de Beyrouth le porte-hélicoptères Tonnerre, qui transporte de l’aide humanitaire. Par ailleurs, jeudi, Paris avait annoncé le déploiement de deux avions Rafale et de deux navires de guerre en Méditerranée orientale en signe de soutien à la Grèce, qui accuse la Turquie de mener des recherches énergétiques illégales dans ses eaux.
« Si le peuple libanais permet à ceux qui ne veulent pas le bien de son pays de le diviser, alors il y aura des craintes sur l’avenir du Liban », a averti M. Zarif, soulignant que « la communauté internationale doit reconnaître l’indépendance du Liban et éviter les ingérences dans les affaires du pays ». Le chef de la diplomatie iranienne avait rencontré dans la nuit de jeudi à vendredi le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. Sur le nouveau cabinet, M. Zarif a affirmé : « Nous soutenons ce que veut le peuple libanais. Nous n’avons jamais imposé quoi que ce soit à qui que ce soit au Liban. L’Iran n’a aucun candidat pour diriger le prochain gouvernement. Nous coopérerons avec toute personne sur laquelle les Libanais s’accordent. »
Pas de rencontre avec Bassil
Pour sa part, le numéro trois de la diplomatie US, David Hale, a été reçu hier à Baabda, au Sérail et à Aïn el-Tiné ; il a également rencontré le patriarche maronite et le chef du courant du Futur, et dîné à la table de Walid Joumblatt, mais a sauté la rencontre avec Gebran Bassil. À sa sortie de Bkerké, après avoir présenté ses condoléances au peuple libanais et l’avoir assuré de l’aide humanitaire de son pays, David Hale a fait le bilan de sa journée et ajouté : « Sur le long terme, nous n’accepterons plus davantage de promesses creuses et de dysfonctionnement dans la gouvernance. Je constate qu’il existe des demandes pour de véritables réformes, pour la transparence et la reddition des comptes. Les États-Unis sont prêts à appuyer un gouvernement libanais qui reflète la volonté populaire, y réponde positivement, et s’engage et agit sincèrement pour un changement réel. » Il a précisé qu’il rencontrera aujourd’hui la société civile et les jeunes. Au sujet de la délimitation des frontières maritimes, en particulier de la zone économique exclusive libanaise, sur laquelle empiète l’État hébreu, M. Hale a affirmé, après avoir rencontré M. Berry, que la question « avance ». Enfin, au sujet de l’enquête sur le drame du 4 août, un communiqué de la présidence libanaise a précisé que le FBI participera à l’enquête sur les causes des explosions. Le chef de l’État, Michel Aoun, qui s’était prononcé contre l’ouverture d’une enquête internationale, dont il estime qu’elle « diluerait la vérité », montre ainsi qu’il n’est pas opposé à une coopération internationale à l’enquête libanaise, précise-t-on dans les sphères officielles...
« Un cabinet de mission »
Pour sa part, Florence Parly a rencontré hier le chef de l’État et son homologue libanaise, Zeina Acar. Elle a remis à M. Aoun une « lettre de soutien » de la part d’Emmanuel Macron et s’est ensuite rendue au port pour y accueillir officiellement le porte-hélicoptères français amphibie Tonnerre, arrivé peu auparavant.
Sur le plan politique, Mme Parly a souligné la nécessité de constituer « le plus rapidement possible un cabinet de mission, en charge pour une durée limitée de mener des réformes profondes avec efficacité », mais sans toucher à la géopolitique. Mercredi, lors d’un entretien téléphonique avec le président iranien Hassan Rohani, Emmanuel Macron avait mis en garde contre « toute interférence extérieure » au Liban. Le chef de l’État français avait rappelé « la nécessité, pour toutes les puissances concernées, d’éviter toute escalade des tensions ainsi que toute interférence extérieure, et de soutenir la mise en place d’un gouvernement de mission en charge de gérer l’urgence ». On a évoqué hier, dans certains milieux, la possibilité d’une visite de quelques heures du président Macron à Téhéran ce week-end.
Dire qu'ils sont des rivaux c'est comme si vous dites que l'éléphant et le canard sont des rivaux. ça rappelle 1991 avec l'armée irakienne, 4ème plus puissante du monde. Il y a 75 ans les USA ont projeté 11 millions de soldats en dehors de leur territoire et avait une quinzaine d'énormes fronts ouverts dans une guerre mondiale et ils ont tout gagné partout sur la planète.
22 h 47, le 17 août 2020