
Le président français, Emmanuel Macron, sur le site des explosions dans le port de Beyrouth, jeudi 6 août 2020. AFP / POOL / Thibault Camus
Le président français, Emmanuel Macron, qui est arrivé jeudi à Beyrouth, deux jours après la double explosion qui a ravagé le port de la capitale, faisant au moins 137 morts, 5.000 blessés et plusieurs centaines de milliers de sans-abris, a annoncé qu'il voulait "organiser l'aide internationale" pour le Liban. Il a appelé dans le même temps les dirigeants libanais à des réformes sans plus tarder, les exhortant à "changer de système". Fait notoire, le président français a réuni à la Résidence des Pins les représentants des principaux partis politiques, dont le Hezbollah, ainsi que des figures de la société civile, autour d'une même table.
"Je souhaite organiser la coopération européenne et internationale dans les prochains jours pour aider le Liban. Pendant les heures qui viennent, je vais me rendre au port, échanger avec les sauveteurs, les ONG", a expliqué le chef de l'Etat français aux journalistes qui l'attendaient à sa sortie du salon d'honneur de l'aéroport où il a été accueilli par son homologue libanais, Michel Aoun. "Nous allons organiser les choses pour que l'aide puisse arriver sur le terrain. Le plus important, c'est cette solidarité fraternelle à l'égard du peuple libanais. On sera là, et on ne vous lâchera pas", a lancé le président Macron en s'adressant aux Libanais. "Aujourd'hui, la priorité c'est l'aide et le soutien à la population, sans condition. Mais il y a l'exigence que la France porte depuis des mois, des années, de réformes indispensables dans certains secteurs", a ajouté le chef de l'Etat français, citant notamment le secteur de l'électricité. "Si ces réformes ne sont pas faites, le Liban continuera de s'enfoncer", a-t-il averti, alors que le pays connaît sa pire crise en trente ans. M. Macron a indiqué qu'il souhaitait avoir "un dialogue de vérité" avec les responsables libanais, "car au-delà de l'explosion, nous savons que la crise ici est grave, elle implique une responsabilité historique des dirigeants en place". " J'ai souhaité aussi rencontrer la société civile, des intellectuels, (...) afin d'avoir une autre voix et un autre regard sur le Liban contemporain et sa crise. C’est un autre dialogue que nous devons avoir et que je souhaite mener aujourd’hui", a enfin indiqué le chef de l'Etat français.
Le président français Emmanuel Macron (g) à son arrivée jeudi à l'AIB où il a été accueilli par son homologue libanais Michel Aoun. Dalati Nohra/Handout via REUTERS
"De bons espoirs" de retrouver des survivants
Après sa brève déclaration à la presse, M. Macron s'est rendu sur le site des explosions, accompagné de la délégation française dont son chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian. Sur place, interrogé par le président français, un colonel de la sécurité civile française, engagé dans les recherches de disparus au port, a estimé qu'il y avait de "bons espoirs" de retrouver "des personnes vivantes". "On recherche sept ou huit personnels disparus, qui seraient coincés dans une salle de commande enterrée par l'explosion", a indiqué le colonel Vincent Teissier. "On pense qu'il y a de bons espoirs de retrouver (...) des personnes vivantes", a-t-il dit.
Les images d'Emmanuel Macron sur les lieux de l'explosion dans le port Beyrouth pic.twitter.com/ZipXILN4vs
— BFMTV (@BFMTV) August 6, 2020
"Changer le système"
M. Macron a par la suite effectué une tournée auprès des riverains dans les quartiers durement affectés de Mar Mikhaël et Gemmayzé. S'offrant un bain de foule, il a assuré qu'il allait proposer un "nouveau pacte" politique aux responsables du Liban, où la colère populaire gronde contre les autorités après le drame meurtrier du port. Les habitants, ainsi que des manifestants sur place, ont accueilli le président français en scandant des slogans hostiles au chef de l’État libanais, le qualifiant de "terroriste". M. Macron s'est arrêté à plusieurs reprises afin d'échanger avec les riverains. Il a écouté leurs doléances, promettant l'aide de la France. "Je suis là aussi pour lancer une nouvelle initiative politique. C'est ce que je vais exprimer cet après-midi aux dirigeants et forces politiques libanaises", a lancé M. Macron à une foule qui scandait "le peuple veut la chute du régime". Il a assuré qu'il proposerait "un nouveau pacte politique" aux dirigeants libanais et leur demanderait de "changer le système, d'arrêter la division (...), de lutter contre la corruption".
Une "initiative politique forte"
Au palais de Baabda, M. Macron s'est entretenu avec le président Aoun, le Premier ministre Hassane Diab et le chef du Parlement Nabih Berry. "Je suis ici pour affirmer la solidarité des Français après les explosions du 4 août", a-t-il déclaré lors d'un bref point presse à l'issue de la réunion. "Je suis aussi venu dire et apporter le soutien de la nation française et du peuple français au peuple libanais", a-t-il ajouté, insistant sur le mot "peuple". Après être revenu sur les différentes aides déjà envoyées par Paris, il a souligné que ces soutiens se poursuivraient, avec notamment l'envoi de vivres et de matériel de reconstruction.
Déclarant avoir "ressenti la colère dans les rues" de la capitale, le président français est revenu sur la question de la "crise politique et morale" que traverse le Liban "depuis des mois, voire des années". Il a dans ce cadre estimé que la résolution de cette crise réside dans une "initiative politique forte" et a indiqué avoir présenté "avec beaucoup de franchise" cette "initiative" aux trois présidents. Celle-ci sera développée plus tard dans la journée, lors d'une conférence de presse, à l'issue d'une série de réunions avec les chefs de partis et blocs parlementaires ainsi qu'avec des représentants de la société civile à la Résidence des Pins, dernière étape de la visite du président français.
Selon un communiqué publié par Baabda, lors de la réunion, le président Aoun a affiché sa détermination à identifier "les causes de cette tragédie, de ce crime", afin de demander des comptes aux responsables. Michel Aoun a dans ce cadre demandé au président français des images-satellite de la capitale le jour de la double explosion, et M. Macron a promis de lui en fournir. MM. Berry et Diab ont, de leur côté, quitté le palais de Baabda sans faire de commentaire. Le ministre français Jean-Yves Le Drian, qui s'est entretenu avec son homologue libanais Charbel Wehbé, a également refusé de s'exprimer devant la presse.
Selon des informations rapportées par notre correspondante Hoda Chédid, Emmanuel Macron a affirmé au cours de ce sommet que le programme CEDRE était toujours d'actualité et que la France attend les réformes que les Libanais se sont engagés à mener.
Le président français Emmanuel Macron entouré du président Michel Aoun, du Premier ministre Hassane Diab et du président du Parlement Nabih Berry, jeudi au palais de Baabda. REUTERS/Mohamed Azakir
"Le Liban n'est pas seul"
Quelques minutes après son arrivée au Liban, le président Macron avait écrit sur Twitter, en arabe et en français : "Le Liban n'est pas seul".
لبنان ليس وحيداً
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) August 6, 2020
Le président français est en effet le premier chef d'Etat étranger à se rendre au Liban après cette catastrophe, causée, selon les premiers éléments de l'enquête des autorités, par l'explosion d'un stock de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium entreposé au port de Beyrouth depuis 2014. Au moins 40 Français ont été blessés dans la double explosion au port de Beyrouth, selon un bilan provisoire communiqué jeudi par le parquet de Paris, qui a élargi son enquête après le décès d'un ressortissant français, l'architecte Jean-Marc Bonfils, installé au Liban où il avait pris part notamment à des projets de restauration de bâtiments détruits par la guerre.
Les énormes déflagrations, les pires vécues par le Liban, ont été déclenchées par un incendie qui s'est déclaré dans un entrepôt abritant depuis six ans quelque 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium, "sans mesures de précaution", selon les autorités. Elles ont pratiquement détruit le port et dévasté des quartiers entiers de Beyrouth, soufflant les vitres des kilomètres à la ronde.
"La situation est apocalyptique, Beyrouth n'a jamais connu ça de son histoire", a lancé le gouverneur de la ville, Marwan Abboud, qui avait éclaté en sanglots mardi devant les caméras face au port dévasté. Jusqu'à 300.000 personnes sont sans abri selon lui. L'état d'urgence a été décrété pendant deux semaines.
Plusieurs pays dont la France ont déjà dépêché des équipes de secouristes et du matériel pour faire face à l'urgence.
Invité sur la radio française Europe 1, le chef de la diplomatie libanaise, Charbel Wehbé, a fait état jeudi de la création d'une commission d'enquête "qui a quatre jours pour donner un rapport détaillé sur les responsabilités". "Il y aura des décisions judiciaires", a-t-il dit.
C EST DROLE QUE AUCUN MINISTRE N ETAIT AU PORT AVEC LE PRESIDENT MACRON ! QUELLE HONTE !
18 h 32, le 06 août 2020