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Politique - Mouvement du 17 octobre

La contestation plus que jamais menacée par la polarisation

Se focaliser sur la formation d’un cabinet d’indépendants doté de pouvoirs exceptionnels favoriserait la fusion de toutes les composantes de la révolution, assure Chamel Roukoz à « L’Orient-Le Jour ».

La contestation plus que jamais menacée par la polarisation

Confrontation à Jal el-Dib entre un manifestant et un soldat. Photo d’archives Joao Sousa

La contestation du 17 octobre continue de pousser les manifestants à investir les rues, mais force est de constater que l’esprit plus ou moins unifié qui s’était manifesté sur le terrain au début du mouvement cède désormais régulièrement la place à des comportements sectaires, causant de graves dérapages sécuritaires. La dérive s’accentue depuis le 6 juin, jour où les affrontements ont opposé des partisans d’Amal et du Hezbollah à des contestataires chrétiens et sunnites, tant indépendants que partisans, de part et d’autre du ring Fouad Chéhab, sur l’axe Aïn el-Remmané-Chiyah et dans le quartier de Tarik Jdidé. Une résurgence des lignes de démarcation qui a rappelé les pages noires de la guerre. La cassure politique et religieuse est également apparue dimanche dernier. Si elle ne s’est pas traduite par un face-à-face physique, elle n’en a pas moins été exprimée par une manifestation à Moucharrafiyé (banlieue sud) et une contre-manifestation à Jal el-Dib, où la colère était particulièrement violente. Dans cette région du Metn, les contestataires ont lancé des slogans injurieux à l’encontre du Hezbollah, avant d’être violemment réprimés par les militaires. Selon des témoins, des éléments de l’armée n’ont pas résisté eux aussi à la dérive communautaire, brisant dans une tente une icône de la Vierge et arrachant une croix du cou d’un activiste.

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Dans ce contexte de mobilisation confessionnelle tous azimuts, on se demande si le mouvement de contestation n’est pas en danger, et s’il n’est pas manipulé par ceux qui cherchent à le faire dévier de ses objectifs initiaux. Dans sa dernière homélie dominicale, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a semblé ressentir ce vent de discorde qu’on cherche à insuffler, et en a imputé la responsabilité à « des éléments infiltrés et des casseurs qui défigurent la cause pour laquelle la révolte du 17 octobre a été déclenchée ». Pour Amine Issa, coordinateur de la direction politique du Bloc national, ces provocations dans la rue « servent autant les intérêts des partis au pouvoir que ceux des partis de l’opposition ». « En incitant les gens aux dissensions confessionnelles, les différentes formations tentent de leur faire oublier la situation dramatique dans laquelle ils les ont mis », indique-t-il à L’Orient-Le Jour. Un ancien officier militaire très actif sur le terrain pense dans le même esprit que « l’establishment s’incruste dans la révolte pour la faire échouer, tandis que les partis opposants s’y ingèrent pour tenter de discréditer encore plus la classe dirigeante ».

« Briser le tabou »

Pour sa part, Pascale Nohra, militante très active à Jal el-Dib, affirme que de nombreux contestataires qui optent désormais pour l’escalade ne sont guidés, comme elle, par aucun parti. « Si, dimanche, nous y avons été un peu fort dans nos slogans contre le Hezbollah, ce n’est pas parce qu’on nous a demandé de le faire. C’est plutôt pour montrer notre ras-le-bol de voir le parti chiite dominer tout le pays. Nous voulons désormais briser le tabou et dire au Hezbollah que nous n’avons pas peur de ses armes », tonne la jeune activiste, se demandant « pourquoi le slogan de la 1559 (résolution onusienne sur le désarmement des milices) continue d’être mis de côté ». Justement, c’est la faute à ne pas commettre, avertit Amine Issa. « Ni les insultes ni l’exigence de désarmer le Hezbollah ne servent la cause du mouvement de contestation. Penser que par la force et la pression on peut arriver à l’application de la décision du Conseil de sécurité est erroné », juge-t-il, affirmant que « la question devrait être traitée par le dialogue en temps opportun ». « Ce n’est pas dans la rue qu’elle peut se résoudre », insiste-t-il, indiquant qu’« il ne faut pas tomber dans le piège de la polarisation confessionnelle qui donne au gouvernement du grain à moudre ».

Pour Hassane Ramadan, membre du comité de coordination au sein de Beyrouth Madinati, la polarisation est naturelle dans un contexte où les contestataires sont des sympathisants de chacun des axes du 8 et du 14 Mars. « Les clivages sont profonds entre ceux qui se positionnent pour la Résistance et ceux qui ne veulent plus d’armes en dehors de l’État », note-t-il. Il ajoute que « les partis au pouvoir et leurs zaïms, se sentant menacés, envoient des manipulateurs, tandis que les partis opposants surfent sur la vague de la révolte pour en récolter des bénéfices ». Selon M. Ramadan, les dérapages « ne peuvent être contrôlés d’un jour à l’autre ». « La révolution est un catalyseur, et le changement ne sera réalisé qu’avec l’avènement d’une autorité politique issue d’élections libres. »

Pour sa part, Chamel Roukoz, député du Kesrouan et ancien membre du bloc parlementaire du Liban fort, pense plutôt que les dérives sécuritaires pourraient être jugulées prochainement. Pour lui, le climat de haine distillé serait dissipé si les revendications des contestataires de toutes obédiences parviennent à s’unifier en un slogan rassembleur, à savoir « un gouvernement de salut, composé d’indépendants et doté de prérogatives exceptionnelles ». « L’unanimité de cette demande favoriserait de nouveau le rassemblement de centaines de milliers de Libanais sur les places du centre-ville », assure M. Roukoz.

La contestation du 17 octobre continue de pousser les manifestants à investir les rues, mais force est de constater que l’esprit plus ou moins unifié qui s’était manifesté sur le terrain au début du mouvement cède désormais régulièrement la place à des comportements sectaires, causant de graves dérapages sécuritaires. La dérive s’accentue depuis le 6 juin, jour où les...

commentaires (7)

Le général à la retraite Ch. Roukoz peut rêver ad libitum . la contestation a 8 mois d'âge et deja de plus en plus fragmentée parce qu'elle compte dans ses rangs de petits ambitieux qui eux aussi mijotent des rêves mirobolants . La députation aux prochaines législatives les hante terriblement . ils me fendent le coeur .

Hitti arlette

11 h 33, le 30 juin 2020

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Commentaires (7)

  • Le général à la retraite Ch. Roukoz peut rêver ad libitum . la contestation a 8 mois d'âge et deja de plus en plus fragmentée parce qu'elle compte dans ses rangs de petits ambitieux qui eux aussi mijotent des rêves mirobolants . La députation aux prochaines législatives les hante terriblement . ils me fendent le coeur .

    Hitti arlette

    11 h 33, le 30 juin 2020

  • C,ETAIT LE BUT QUE S,ETAIT FIXE LE PM DIAB AVANT DE SE SOUMETTRE AUX INTIMIDATIONS ET AUX PRESSIONS DES CLIQUES ET DE FORMER UN GOUVERNEMENT DE PARTISANS ET DE PIONS. IL FAUT IMPOSER UN GOUVERNEMENT DE COMPETENTS INDEPENDANTS SANS CONNECTION AVEC AUCUN PARTI OU ZAIM ET SEUL CAPABLE DE DIRIGER LE PAYS EN PRENANT SES INTERETS SEULS EN COMPTE. POUR CA IL FAUT AMPUTER LE CANCER QUI RONGE LE CORPS LIBANAIS. COUPER LE NOEUD GORDIEN. UN ALEXANDRE EST DEMANDE. IL PEUT ETRE ISSU DE L,ARMEE NATIONALE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 25, le 30 juin 2020

  • La mise en garde de Monsieur Amine Issa était nécessaire pour réorienter les revendications légitimes de la rue (qui sont celles des neuf dixièmes de la population) et les limiter à ce qu'elles étaient le 17 octobre dernier, à savoir éradiquer la corruption, sortir les corrompus, mettre en place un gouvernent totalement indépendant, moralement irréprochable et compétent, capable de mener à bien les réformes nécessaires pour sortir le pays du gouffre dans lequel l'ont plongé tous les politiques qu' se sont succédé depuis 45 ans.

    Paul-René Safa

    09 h 59, le 30 juin 2020

  • Le salut du pays ne tient pas au degré de vigueur et d’unité de la contestation -les forces au pouvoir auront toujours beau jeu de les discréditer- mais dans la mise en œuvre concrète de réformes. Ce n’est pas la prise de la Bastille qui a fait la Révolution Française mais le Serment du jeu de paume où , avec le soutien du peuple, de nouvelles élites se sont liguées contre les anciennes et ont pris le pouvoir . Hélas le Tiers-État libanais reste mentalement prisonnier de ses réflexes communautaires et demeurera enchaîné à ses maîtres zaims et cheikhs. Les Lumières ne (re)passeront au Liban que lorsque les passions locales et régionales se seront apaisées. Ça fait des décennies qu’on attend....

    AntoineK

    09 h 56, le 30 juin 2020

  • Que out le monde se tait et ne profite pas des circonstances pour intervenir et aller plus haut.

    Marie Claude

    09 h 30, le 30 juin 2020

  • Chamel Roukoz ne croit même pas lui même qu’en dialoguant ils Désarmeraient !! Cependant il faut parler avec sur ce sujet et surtout en maintenant la pression dans la rue pas contre le hezb mais plus pour revendiquer une vie libre

    Bery tus

    07 h 11, le 30 juin 2020

  • Mr A. Isa quand il suggere que « la question devrait être traitée par le dialogue en temps opportun ». « Ce n’est pas dans la rue qu’elle peut se résoudre ». Le dialogue n'aboutira a rien. Preuve en est que le Hezb a signe la declaation de Baabda pour ensuite renier sa signature. Avant il y a eu Doha et le cabinet Hariri dont les ministres chiites ne devaient pas demissionner. Le Hezb est l'instrument de l'Iran. Il ne se soumettra que par la force. Comme dit le dicton libanais "In ma koubrit; Ma btezghar"

    sancrainte

    00 h 54, le 30 juin 2020

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