
Un manifestant et un soldat en confrontation, à Jal el-Dib, le 28 juin 2020. Photo Joao Sousa.
La tension est remontée d'un cran dimanche soir au Liban, alimentée par la polémique autour des déclarations de l'ambassadrice américaine au sujet du Hezbollah et de la décision d'un juge visant à censurer les médias, avec une série de manifestations notamment à Jal el-Dib, au nord de Beyrouth, et dans la banlieue sud de Beyrouth.
A Jal el-Dib, des dizaines de personnes se sont rassemblées en soirée à proximité du poing de la révolution, bloquant, un moment, la circulation. Le rassemblement a été violemment réprimé par l'armée qui a rouvert l'autoroute. Mais quelques heures plus tard, les manifestants tentaient à nouveau de bloquer la circulation.
Dans des vidéos obtenues par L'Orient-Le Jour, l'on entend les manifestants lancer des slogans contre le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah et des régions de Beyrouth où sont majoritaires les partisans du parti chiite. L'on peut voir aussi des militaires s'en prendre à des protestataires à l'aide de matraques. Au moins deux manifestants ont été blessés. Un militaire s'en est aussi pris au photographe de L'Orient-Le Jour, Joao Sousa, le frappant avec la crosse de son fusil et tentant de lui arracher son appareil photo. D'autres journalistes ont également été agressés, notamment du quotidien an-Nahar et de la chaîne MTV. Plus tôt, l'autoroute de Dbayé avait été coupée à l'aide de pneus enflammés, selon des vidéos partagées sur les réseaux sociaux. Dans une des vidéos l'on peut voir des dizaines de militaires déployés sur place.
"Nous avons d'abord bloqué la route à Dbayé. L'armée nous a demandé de retourner dans nos tentes à Jal el-Dib et c'est ce que nous avons fait. Mais lorsque nous avons insulté Hassan Nasrallah, ils nous ont attaqués", indique un protestataire à notre journaliste sur place, Suzanne Baaklini. "Subitement, les soldats nous ont attaqués, ils sont entrés dans les tentes des protestataires et ont cassé une icône de la vierge qui s'y trouvait. Ils ont tout cassé, ils n'ont rien laissé. On a quatre blessés. La Croix-Rouge libanaise les a secourus", poursuit-il. "Des militaires ont insulté la croix. Ils veulent que nous entrions en confrontation avec l'armée. Les décisions viennent du Hezbollah. Ils veulent noyer la révolution pour que continue la corruption", lance un autre protestataire. "On pensait que l'armée était avec le peuple mais ils nous frappent violemment. Nous sommes à Jal el-Dib pour demander du pain pour nos enfants et pour dire que nous ne voulons pas d'armes au Liban à part celles de l'armée libanaise. Nous allons rester là et des renforts vont arriver de Ain el-Remmané, Amchit, Kesrouane. La situation est hors de contrôle", affirme un troisième manifestant.
Un peu plus tôt, des partisans du Hezbollah avaient investi dimanche soir les rues de Moucharrafiyé, dans la banlieue-sud de Beyrouth, sur leurs mobylettes. L'Ani a rapporté que les protestataires dénoncent "le siège américain" et "la loi César" qui sanctionne le régime syrien et ceux qui coopèrent avec lui. L'armée a ensuite bouclé la banlieue-sud de Beyrouth pour empêcher les protestataires du parti chiite d'en sortir. Ce rassemblement semble avoir provoqué un contre rassemblement du côté de Aïn el-Remmané où de jeunes hommes du quartier se sont déployés face aux mobylettes en lançant des insultes contre le Hezbollah et en criant leur soutien aux Etats-Unis.
Manifestation dans la banlieue-sud de Beyrouth, le 28 juin 2020. AFP / ANWAR AMRO
Ce mouvement de protestation intervient après la diffusion d'une interview de l'ambassadrice des États-Unis à Beyrouth, Dorothy Shea, dans laquelle elle s'en prend au Hezbollah, considéré comme terroriste par Washington. Le ministre libanais des Affaires étrangères Nassif Hitti a convoqué Mme Shea et doit la rencontrer lundi. Au lendemain de la diffusion de l'interview, le juge des référés à Tyr, Mohammad Mazeh, avait émis un "jugement" interdisant aux médias opérant au Liban d'interviewer la diplomate, ce qui a suscité un tollé dans divers milieux.
Manifestation dans la banlieue-sud de Beyrouth, le 28 juin 2020. AFP / ANWAR AMRO
Un rassemblement a également lieu sur la place des Martyrs, dans le centre-ville de Beyrouth, selon l'Ani. Les protestataires y ont dénoncé la cherté de la vie et la violente dégringolade de la livre face aux dollars ces derniers jours. Dans la Békaa, une importante marche a eu lieu à Kab Elias et la route a été brièvement coupée au niveau du rond-point de Zahlé, en direction de Chtaura.
Bravo Mr Nasrallah, tu va provoquer la guerre civile et la dislocation du pays, et ensuite tu dira: ah... si le le savait je ne l'aurais pas fait ! Jouer avec le feux constamment ne fait pas que des petites brûlures aux doit, mais tot ou tard brûlera la maison.
00 h 38, le 30 juin 2020