Après une nouvelle journée de mobilisation à travers le Liban contre la chute incontrôlée de la livre face au dollar et contre le pouvoir en place, et alors que le gouvernement s'est réuni à deux reprises pour préparer une série de mesures pour pallier la crise, la situation s'est tendue vendredi soir à Beyrouth, la contestation ayant été marquée par des actes de vandalisme et des tensions avec les forces de l'ordre. Ces tensions, qui ont fait plusieurs blessés, ont eu lieu après une journée caractérisée par des fermetures de route sur tout le territoire libanais, au lendemain d'une nuit de contestation massive mais relativement calme.
En fin d'après-midi, des dizaines de personnes étaient parties de la place Sodeco, à Achrafieh, vers le siège de la BDL, à Hamra, selon plusieurs vidéos publiées sur le groupe Facebook Akhbar al-Saha, qui documente les actions du mouvement de contestation. En tête du cortège, des contestataires portaient une grande pancarte appelant les autorités à assurer "du travail, des soins de santé, de la nourriture et un logement pour tous". Certains manifestants portaient une pancarte demandant aux autorités de fixer le taux de change entre la livre libanaise et le dollar à 1 500 pour le paiement des loyers. A leur arrivée devant la Banque centrale, ils ont appelé à "la chute du régime des banques", selon l'Ani. Dans la soirée, alors que cette procession était arrivée dans le centre-ville, des jeunes s'en sont pris aux façades de plusieurs commerces du complexe des Lazaristes, situé près de la place Riad el-Solh. Plusieurs commerces ont été pillés et un incendie s'est déclaré dans un des établissements, selon la LBC. Afin d'éviter que les affrontements ne dégénèrent avec les forces de l'ordre, des manifestants ont formé un barrage humain, en se tenant la main, devant les membres de la force antiémeute déployés sur les lieux, afin d'empêcher d'autres contestataires de lancer des pierres en leur direction. Mais la situation a à nouveau dérapé lorsqu'un groupe de jeunes à moto a fait le tour du centre-ville, provoquant de nouvelles violences avec les forces de l'ordre. Ces dernières, visées par des jets de pierre nourris, ont eu notamment recours au gaz lacrymogène et aux balles en caoutchouc. La Croix Rouge libanaise a annoncé avoir transporté deux personnes blessées lors de ces échauffourées dans un hôpital de la capitale, tandis que l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle) fait état d'au moins deux journalistes blessés par des pierres lancées dans leur direction.
Plusieurs dizaines de manifestants ont fermé, non loin de là, la voie longeant le quartier de Saïfi, au moyen d'un barrage de pneus enflammés. Un rassemblement a par ailleurs été organisé, plus tôt dans la journée, devant le siège du ministère de l'Intérieur.
Un manifestant renversé à Khaldé
Dans les régions, des processions ont également été organisées, notamment à Hermel et Saadnayel, dans la Békaa, selon Akhbar al-Saha.
Parallèlement, les coupures de routes, qui s'étaient multipliées la nuit dernière, avaient repris pendant la journée. La circulation a ainsi été coupée au niveau de la voie express du Ring, dans le centre de Beyrouth, l'un des points névralgiques de la contestation. L'autoroute de Khaldé a été également coupée. Un véhicule qui a voulu forcer le passage y a percuté, dans la soirée, un manifestant, selon la chaîne de télévision locale LBC. L'autoroute a également été brièvement fermée sur le tronçon entre Saïda et Tyr, et au niveau de Saadiyate.
Plusieurs autres routes sont également restées bloquées, principalement au Liban-Nord et dans la Békaa, deux des fiefs de la protestation et régions les plus pauvres du pays. Dans la matinée, les contestataires s'étaient rassemblés sur la place al-Nour à Tripoli, coupant la circulation. Dans l'après-midi, des contestataires ont bloqué plusieurs autres axes de la grande ville du Nord au moyen de pneus enflammés, notamment devant le Sérail, plusieurs ruelles menant à la place el-Nour et le boulevard Fouad Chehab. Ils ont scandé, selon l'Agence nationale d'Information (Ani, officielle), des slogans hostiles aux responsables politiques et contre la corruption, sous haute surveillance de l'armée et des Forces de sécurité intérieure. Dans la nuit, des tensions ont également éclaté sur la place el-Nour, lorsque des actes de vandalisme ont obligé l'armée à intervenir pour disperser les centaines de contestataires qui y étaient rassemblés. Ces échauffourées ont fait au moins neuf blessés, selon la Croix Rouge libanaise. La troupe avait peu avant dispersé des protestataires qui tentaient de prendre le contrôle de deux camions remplis de produits alimentaires, toujours dans la capitale du Liban-Nord.
Dans la Békaa, les routes étaient également coupées à Taalabaya et Saadnayel. "Le taux de la livre par rapport au dollar est passé de 5.000 à 4.800 mais où est l'amélioration de notre situation économique ?", s'interrogeait un manifestant, selon notre correspondante dans la Békaa, Sarah Abdallah. "Les commerces sont toujours fermés et les changeurs ne vous vendent des dollars qu'au prix fort", regrettait-il. Sur un autre plan, le marché de Baalbeck (Békaa) a décidé de fermer ses portes pour protester contre la hausse vertigineuse du dollar. Un autre groupe de manifestants a bloqué le rond-point de Zahlé ainsi que la route de Ksara.
Banques vandalisées à Nabatiyé
Selon notre correspondante à Nabatiyé, Badia Fahs, la ville du Sud s'est elle aussi réveillée sur des actes de vandalisme contre de nombreuses banques. Mais selon l'un des manifestants, les casseurs ne constituaient qu'une minorité, alors que la majorité des protestataires étaient pacifiques. Ce manifestant affirme que de tels actes "font du tort aux habitants". Selon notre correspondante, de nombreux activistes de la ville avaient refusé jeudi soir de se joindre aux manifestations, estimant que celles-ci étaient "suspectes" et les attribuant aux "partis au pouvoir".
A Saïda, des activistes ont à nouveau bloqué, dans la soirée, la place Elia, qui avait été rouverte à la circulation dans la journée. Selon notre correspondant Mountasser Abdallah, des manifestants ont partiellement bloqué les accès à la place, certains en s'asseyant à même le sol, affirmant qu'ils resteraient mobilisés jusqu'à ce que leurs revendications, concernant la situation socio-économique, soient entendues. Les bureaux de changes sont également restés fermés dans la ville, les changeurs affirmant ne pas pouvoir respecter le taux fixé par leur syndicat, en raison de la dévaluation de la livre.
La crise économique au Liban est la plus grave depuis la fin de la guerre civile (1975-1990). Le chômage touche plus de 35% de la population active et plus de 45% vit sous le seuil de pauvreté, selon le ministère des Finances. La dépréciation a entraîné une explosion de l'inflation. Face à la crise, le gouvernement a élaboré fin avril un plan de redressement sur la base duquel il négocie une aide financière avec le Fonds monétaire international. Pour le centre de réflexion International Crisis Group (ICG), le Liban a besoin d'une aide internationale pour sortir de la crise, mais celle-ci est conditionnée par l'adoption de réformes longtemps ignorées par la classe politique. Pour tenter de juguler cette crise, les autorités ont décidé vendredi, à l'issue de deux réunions du Conseil des ministres, d'injecter des dollars sur le marché afin de tenter d'enrayer la chute de la livre. Elles ont également prévu une série de mesures censées stabiliser les marchés.
IL NE FAUT PAS LACHER. GARDER LA PRESSION ET L,AUGMENTER POUR ARRIVER AU BUT QUI EST LA CHUTE, LE DEPART ET LA CONDAMNATION DE TOUTE LA CASTE DES MAFIEUX QUI GOUVERNENT CE PAYS DEPUIS TRENTE ANS.
18 h 02, le 12 juin 2020