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Révisions d’avenir

Prévisibles – et même courus d’avance car visiblement planifiés par les provocateurs – étaient les graves incidents qui ont perturbé, samedi dernier à Beyrouth, la relance, en mode déconfinement, de la révolution du 17 octobre. Riche d’enseignements pour tous demeure cependant ce périlleux épisode.


Même s’il est vivement souhaité par une très grande partie des Libanais, le désarmement du Hezbollah n’a jamais été le thème central et fédérateur du sursaut populaire contre le règne de la corruption. Brandie dès l’avant-veille du jour J par des franges de la contestation, cette revendication était néanmoins, pour la milice, l’occasion de tenter un coup double en recourant à l’outrance et la violence. Réaffirmer le choquant interdit, c’était viser à clairsemer – et éventuellement diviser – les rangs de la révolution, pour la plus grande satisfaction d’un pouvoir complice.


C’est entendu, le Hezbollah a dit son mot. Il a même réussi en partie son entreprise d’intimidation, dans le cadre de son classique chantage à la guerre civile. Il n’a pas craint de risquer l’explosion en laissant ses trublions s’en aller défier, à coups de blasphèmes et de jets de pierres, les quartiers tant chrétiens que sunnites. Ce faisant, la milice croit avoir dissuadé, une fois pour toutes, toute velléité de protester contre l’inacceptable. Or de là où elle prétend à une vocation nationale de résistance à l’ennemi israélien, où elle se pose même en égal de l’armée régulière, elle ne fait, en réalité, qu’ancrer encore plus profondément dans les consciences l’image d’un groupe armé sectaire jusqu’à la moelle des os, dérive d’ailleurs dénoncée hier par de courageux intellectuels chiites. À l’heure où le peuple renverse toutes les barrières partisanes et religieuses pour s’insurger contre une classe dirigeante qui a conduit le pays à la ruine, c’est à l’ouverture, à la stabilité, au changement et au progrès, que résiste objectivement le Hezbollah. Il n’est pas le seul hélas, la fibre sectaire étant devenue l’outil préféré de la mafia clientéliste qui nous gouverne : le plus économique en tout cas, en ces temps de disette...

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Charité bien ordonnée commençant par soi-même, la révolution se doit de tirer, sans attendre, les leçons du 6 juin. C’est seulement à la faveur d’une initiative internationale – négociée ou imposée – que pourra trouver un jour sa solution le problème des milices. Dans l’intervalle, il ne s’agit évidemment pas de se résigner au fait accompli mais de parer au plus pressé. C’est de sa vaste diversité religieuse, mais paradoxalement aussi de son anonymat, que la rébellion a tiré, à ses débuts, l’essentiel de sa force. L’absence de toute figure de proue écartait toute possibilité de rivalité entre organisateurs du mouvement ; de même, l’extrême discrétion médiatique de ces derniers barrait salutairement la voie aux entreprises de récupération partisanes. Or ce qui était un atout en octobre est devenu un handicap en juin. C’est désormais de visibilité qu’a besoin toute direction collégiale issue de la société civile, pour s’imposer face aux gouvernants enferrés dans le déni ; pour contrôler efficacement ses propres troupes ; pour définir surtout un ordre des priorités du moment.


Rompre le pain ensemble, le partager en même temps que le sel est une de nos traditions libanaises les plus nobles et solides. Quand le pain vient à manquer, quand la corruption étatique est toujours là, quand les puissants n’ont pas fini de se partager la dépouille de la malheureuse bête gisant à terre, ces priorités sont toutes tracées.


Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Prévisibles – et même courus d’avance car visiblement planifiés par les provocateurs – étaient les graves incidents qui ont perturbé, samedi dernier à Beyrouth, la relance, en mode déconfinement, de la révolution du 17 octobre. Riche d’enseignements pour tous demeure cependant ce périlleux épisode.Même s’il est vivement souhaité par une très grande partie des Libanais, le...