Quelle aubaine que ce coronavirus pour les turlupins calcifiés de la classe dirigeante ! La piétaille ne peut plus vagir à l’aise la gueule ouverte à cause du masque ni tendre la main aux banquiers à cause des gants. Malgré le déconfinement progressif, elle se claquemure à domicile la trouille au ventre, avec pour seule animation une électricité qui danse au gré des rationnements, une monnaie ouistiti qui dégringole au fond des abysses et des étiquettes qui valsent au rythme des prix de produits livrés à la porte. Et cerise couronnant les gâteux gâtés du pouvoir, la fermeture à rallonge de l’AIB qui a fini de transformer le pays en bagne à ciel ouvert.Tant et si bien qu’il ne reste plus au Libanais de base, doté d’une intelligence de base, qu’à se vautrer devant la télé et les réseaux sociaux, et frétiller devant les outrages et appels au meurtre lancés sur des sujets qui ne mangent pas de pain. À croire qu’insulter une divinité ou réagir violemment à l’injure portée à un symbole religieux vont apaiser la faim ou gonfler le bulletin de paie des ahuris qui s’adonnent à ce genre de gesticulation culturelle.
Parallèlement à ces joyeusetés, et comme pour conjurer ces temps de pénuries, les pantins désarticulés du gouvernement placent leurs âneries sous le signe de l’abondance. Plus un jour ne passe sans son lot de bobards servis à une population assommée par la cascade d’inepties. Truc à apprendre pour les profanes : dès que le syndicat des boulangers ou celui des importateurs de carburant commence à jurer qu’il n’y aura pas de pénurie, faudra vite courir rafler les miches à l’étalage ou amener son bahut téter à la station-service la plus proche ; dès que le président de l’Association des banques promet la main sur le cœur qu’il traitera les étudiants libanais à l’étranger comme ses propres enfants, faudra vite mater son nez qui s’allonge et comprendre que plus un fifrelin ne sortira des caisses pour les transferts à l’étranger. Et le reste à l’avenant…
Mais la palme du canular revient incontestablement au Patron barbu, qui n’a de cesse de nous faire miroiter le paradis syro-iranien. Pourtant personne ici-bas n’a souvenance que Damas et Téhéran aient jamais particulièrement inondé le Liban de leurs largesses. Mais ce détail insignifiant ne doit pas trop le tourmenter, au porte-parole personnel de Dieu. Lui milite pour la solidarité des affamés : on enverra promener le FMI, on tendra la main aux Iraniens, on achètera aux Syriens et l’on se partagera la pénurie. Quant aux mauvais coucheurs qui dépriment, ils pourront toujours sublimer devant le film de boules du samedi soir sur al-Manar.
Grâce à lui en juillet 2006, les Libanais se sont fait tondre gratis. Aujourd’hui, ils se font raser de près…
gabynasr@lorientlejour.com
Quelle aubaine que ce coronavirus pour les turlupins calcifiés de la classe dirigeante ! La piétaille ne peut plus vagir à l’aise la gueule ouverte à cause du masque ni tendre la main aux banquiers à cause des gants. Malgré le déconfinement progressif, elle se claquemure à domicile la trouille au ventre, avec pour seule animation une électricité qui danse au gré des rationnements,...
commentaires (11)
Pour paraphraser Rabelais, Gaby Nasr, pour tout dire sommairement, est un vrai satiriste, si jamais il en fut depuis que le monde satirant satira de satirerie. Au reste, savant jusqu'aux dents en matière de calembours...
Georges MELKI
10 h 52, le 15 juin 2020