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Nos Lecteurs ont la Parole - courrier

Le pouvoir judiciaire est la seule solution... mais quel pouvoir judiciaire ?

« Lutter contre la corruption, c’est comme nettoyer un escalier. Il faut commencer par le haut. »

Lee Kuan Yew, homme d’État singapourien

Comment serait-il possible pour le Liban d’échapper à son effondrement ? Le Liban a toujours été un phare dans l’histoire, non pas le Liban de Gebran Bassil ou de Suzanne el-Hajj mais celui de Gebran Khalil Gebran, Amine Rihani, May Ziadé, Amine Maalouf, Fouad Chéhab, Raymond Eddé, Béchir Gemayel et des Rahbani, etc.

Non, le Liban n’est pas le pays des ordures, des entrepreneurs corrompus, du fuel non conforme aux normes, de l’électricité qui provoque un déficit de 50 milliards de dollars sans qu’il y ait pour autant une alimentation en courant électrique. Il n’est pas le pays des courtiers ! Nombreux sont les pays qui avaient été victimes de politiciens corrompus mais grâce à des hommes fermes qui ont gouverné d’une main de fer, ils ont pu sortir de leur impasse la tête haute !

Qui peut sortir le Liban de son impasse ? La génération des trahisons, celle des commissions, des ordures, de la prostitution, sachez que les chevaliers de la liberté vous trouveront. Peu importe le temps qui leur faudra pour arriver. Qui nous sortira de cet enfer ? L’armée libanaise, la Banque centrale et le pouvoir judiciaire sont les institutions connues pour leur histoire. Mais l’armée libanaise n’est pas celle de Fouad Chéhab et n’a pas la même composition que celle des armées arabes qui ont mené des coups d’État, entraînant le déclin de leurs pays tout en prétendant le contraire, affirmant vouloir libérer la Palestine. L’armée libanaise n’écrasera pas la révolution mais en même temps elle ne fera pas la révolution.

Quant à la Banque centrale, elle n’est pas celle d’Edmond Naim, le héros de la réforme et de l’intégrité. Elle est celle de Riad Salamé, son gouverneur rusé, qui a élaboré un plan permettant aux politiciens corrompus de voler tous les fonds ! Il a fermé les yeux sur ces vols, en a profité et a tracé la voie que l’État a suivie menant à l’effondrement. Ni l’armée libanaise n’est celle de Fouad Chéhab, ni la Banque centrale n’est celle d’Edmond Naim. Raymond Eddé et Fouad Chéhab se sont retirés, mettant en garde contre la voie qu’a empruntée la classe politique actuelle !

Il ne reste que le pouvoir judiciaire pour nous sauver de l’effondrement. Mais cela nécessite une révolution lancée par les juges eux-mêmes pour réformer tout le système judiciaire en le dissociant de la politique et en condamnant toutes les personnes corrompues. Mais quel pouvoir judiciaire réclame-t-on ? Le pouvoir judiciaire libanais était un pouvoir difficilement acceptable, comme tous les pouvoirs judiciaires du tiers-monde, dont les actions les plus importantes étaient liées aux affaires Afaf et Choucri… Il n’était ni pur ni immoral !

Si nous misons sur la troisième institution qui reste dans l’État libanais qui s’écroule, donc sur le pouvoir judiciaire, il faut alors commencer par réformer et purifier le système judiciaire. Le pouvoir judiciaire suit la même voie tracée par l’État : si l’État est corrompu, le pouvoir judiciaire le sera de même, mais si l’État ne l’est pas, le pouvoir judiciaire ne le sera pas. De tels États n’ont pas besoin d’un pouvoir judiciaire pour les sauver. C’est le cas de la France, un État démocratique dont le pouvoir judiciaire est le gardien de la justice, des États-Unis d’Amérique, de l’Angleterre, de l’Espagne, etc. Le Liban, par contre, en a besoin car la corruption a atteint un niveau record affectant le budget de l’État et les banques.

L’armée, la Banque centrale et le pouvoir judiciaire sont le salut des États dans un tel cas, mais seul le pouvoir judiciaire est le salut du Liban qui pousse son dernier soupir. Mais la justice qu’il nous faut et qui peut nous sauver n’est pas celle d’Afaf, d’Omar Fakhoury, de Suzanne el-Hajj, de Fayez Karam, de Michel Samaha, de Peter Germanos, de Ghada Aoun… Elle n’est pas une justice vindicative saisissant les fonds du député Hadi Hobeich. C’est une justice qui doit commencer par une autoréforme et une autopurification pour qu’elle cesse d’être vindicative et pour qu’elle condamne la classe politique composée de voleurs !

La justice qu’il nous faut est celle de Souhail Abboud mais avec le soutien du bâtonnier Melhem Khalaf, le héros de la révolution qui a baissé la voix de la révolution ces jours-ci ! C’est aussi la justice d’Émile Tyan, d’Abdel Baset al-Ghandour et autres. Ce qu’il nous faut, c’est le rôle historique attendu de la justice pour sauver le Liban et c’est le premier défi requis qui doit être à la hauteur des défis posés par la classe politique composée de voleurs qui sont au pouvoir. Qu’en est-il de la ministre de la Justice ? Nous avons cru qu’elle serait un Émile Tyan, mais la voilà une conseillère travaillant pour Gebran Bassil, anéantissant ainsi tout espoir pour la femme de gérer une position-clé.

Ce dont le Liban et sa justice ont besoin, c’est une Safiyya Zaghloul, une Jamilé Bou Haydar, une Bint Chate’, une Alia al-Solh et non une ministre qui s’est retournée contre la révolution en bloquant pendant longtemps les nominations judicaires.

La justice est donc la seule issue à l’effondrement qui menace le Liban. La justice a en fait été à la base du salut d’autres pays. Donnons quelques exemples. En Italie, un juge audacieux et noble du nom de Giovanni Falcone, qui était le président du Club des magistrats, fut assassiné, ainsi que sa femme Francesca Morvillo et trois gardes du corps, en 1992, dans un attentat à la voiture piégée perpétré par la Mafia en Sicile. En Italie, la justice s’est battue contre la corruption, les politiciens et les mafias. Et la lutte que ces dernières ont engagée était armée, tout comme le cas actuellement au Liban, assassinant les juges et leurs familles, ces juges audacieux et compétents qui ont poursuivi les mafiosi en justice émettant des mandats d’arrêt contre eux et les condamnant à des peines de prison de plusieurs années.

Ce combat acharné avait suscité l’intérêt du monde entier et fut un modèle à suivre dans la réforme, par une justice audacieuse et intègre, d’un système corrompu ! Une dizaine de juges italiens nobles qui n’ont jamais cessé leur offensive contre les mafias furent la victime de ce combat. Leur assassinat a poussé le peuple italien à descendre dans les rues pour soutenir le pouvoir judiciaire, contraignant ainsi le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif à promulguer les lois que ces juges réclamaient. Le système fut réformé grâce à la justice, et les fonds pillés furent restitués au peuple italien, qui a recouvré ainsi sa dignité et sa liberté.

Donnez-nous un pouvoir judiciaire comme le pouvoir judiciaire italien. Les nominations judiciaires sur lesquelles Souhail Abboud travaillait étaient déjà à mi-chemin mais furent, pendant un certain temps, gelées par la ministre Marie-Claude Najem pour que Michel Aoun ne soit pas totalement responsable de toute la corruption endémique ! Nous nous attendions à ce que Melhem Khalaf, le héros de la révolution, poursuive ce chemin.

Donnons un autre exemple. Une des conditions qui avaient été imposées à la Grèce par le Fonds monétaire international afin de lui accorder des prêts suite à la crise financière qui avait ravagé le pays était la réforme du pouvoir judiciaire, ce que la Grèce a fait. Les mafiosi grecs ainsi que toutes les personnes corrompues, y compris ministres, directeurs, entrepreneurs, etc. furent alors condamnés à des peines de prison. Une fois la corruption déracinée, la vie avait repris son cours normal. Les fonds pillés furent restitués et les investissements avaient repris dans un État moderne jouissant de la prospérité.

Si le pouvoir judiciaire réussit à déraciner la corruption qui le ravage, la réforme pourra alors être entamée car seul le pouvoir judiciaire sera capable de sortir le Liban de la situation critique et catastrophique dans laquelle il se trouve !

Lee Kuan Yew, qui fut le premier chef de gouvernement de la République de Singapour de 1959 à 1990, transforma Singapour d’un pays sous-développé du tiers-monde en un pays avec une des économies les plus florissantes du monde. Il est considéré comme le père fondateur de Singapour, un pays fondé sur un système éducatif de valeur, sur les recherches scientifiques, sur un système de taxes aux taux réduits et sur le tourisme. Lee Kuan Yew disait : « Je n’ai pas fait de miracle à Singapour, j’ai juste accompli mon devoir envers ma patrie. J’ai consacré les ressources de l’État à l’éducation en élevant les enseignants du bas de l’échelle sociale au sommet de la pyramide sociétale à Singapour. Ce sont les enseignants qui ont fait ce miracle et ce sont eux qui ont produit une génération humble qui aime la culture et l’éthique alors que nous étions auparavant un pays dont les citoyens s’insultaient dans les rues. »

C’est exactement le secret du changement : l’éducation ! L’éducation forme un nouvel être humain, change sa vision de la vie et de lui-même et l’aide à trouver sa mission. L’éducation n’est pas uniquement un bourrage intellectuel et la connaissance ne forme pas à elle seule un être humain. Les grands hommes et le pouvoir judiciaire libre sont ceux qui sauvent et libèrent leur patrie !

En l’absence de Fouad Chéhab et Raymond Eddé, il ne nous reste que le pouvoir judiciaire. Nous soutenons tous le pouvoir judiciaire qui sait comment se purifier de la corruption et des personnes corrompues comme c’était le cas en Grèce, en Italie et au Singapour qui ont été sauvés d’un effondrement effroyable.

Depuis l’accord de Taëf, nous sommes malheureusement devenus le peuple mû par les hasards : nous aimons par hasard, nous haïssons par hasard, nous nous unissons par hasard, nous nous séparons par hasard, nous entamons des guerres par hasard et nous y mettons fin par hasard, nous naissons par hasard et nous mourons par hasard.

Seul le pouvoir judiciaire est capable de mettre un terme au régime des pachas et des entrepreneurs, à la corruption et au despotisme, à la légende des lèche-bottes brisant ainsi leur pouvoir et dissipant la peur qui sépare les gens de la loi.

Juges du Liban, cinq millions de Libanais vous soutiennent. Alors venez partager avec eux leur pain, leur café, leur chagrin, leur bonheur et leur liberté perdue afin que les larmes de désespoir du peuple libanais se transforment en des larmes de bonheur.

Abdel Hamid EL-AHDAB

Avocat

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