Le gouvernement libanais a paraphé vendredi une requête officielle qui sera envoyée au Fonds monétaire international (FMI) pour réclamer une aide financière, dans l'espoir de relancer l'économie au bord du naufrage dans un pays secoué par un violent regain de contestation sociale. La demande a été signée par le Premier ministre libanais, Hassane Diab, et le ministre des Finances, Ghazi Wazni. Les autorités ne se sont pas exprimées sur le montant attendu du FMI ni sur les modalités de cette aide.
Le gouvernement a adopté jeudi un plan de relance pour tenter de sortir le Liban d'une grave crise marquée par une inflation galopante et une forte dépréciation de la livre libanaise par rapport au dollar. La crise économique avait été l'un des déclencheurs en octobre 2019 d'un soulèvement inédit contre la classe politique, inchangée depuis des décennies et accusée de corruption et d'incompétence.
Prenant brièvement la parole à cette occasion, M. Diab a affirmé qu'il s'agissait "d'un moment crucial dans l'histoire du Liban". "Il s'agit de la première étape d'un réel chantier visant à sauver le Liban du profond fossé économique dans lequel il se trouve, et dont il serait difficile de sortir sans une aide efficace et décisive", a-t-il déclaré. Il a espéré que cette procédure "marquera un tournant dans la crise économique et financière du Liban".
Le gouvernement espère que son plan de relance sera jugé suffisamment crédible par la communauté internationale pour obtenir des aides. De manière générale, le Liban attend "un soutien financier externe dépassant les 10 milliards de dollars", outre 11 milliards promis en 2018 lors d'une conférence internationale à Paris, mais jamais débloqués faute de réformes.
Malgré toutes les assurances des autorités ces derniers mois, le plan de relance entérine un flottement à venir du taux de change de la livre libanaise, indexée depuis 1997 sur le dollar. Ces dernières semaines dans les bureaux de change, la livre libanaise a poursuivi sa dégringolade, franchissant le seuil des 4.000 livres pour un dollar. Le taux officiel de 1.507 livres est resté inchangé.
"Le plan du gouvernement est basé sur une estimation du taux (de change) de 3.500 livres pour un dollar", selon la feuille de route, qui reconnaît un "ajustement de la livre libanaise au taux du marché dans un futur proche". "L'indexation sur le dollar américain qui a été maintenue pendant des décennies est maintenant impossible à restaurer et doit être revue", est-il ajouté. "Le gouvernement envisage de se diriger vers un taux de change plus flexible."
Les critiques de l'ABL
Vendredi, l'Association des banques du Liban (ABL) a critiqué le plan, qualifiant le texte d'"unilatéral" et affirmant qu'elle "ne peut en aucun cas l'accepter". "L'ABL a des obligations vis-à-vis de près de 3 millions de déposants et ne peut en aucun cas accepter ce plan unilatéral", a déclaré l'Association dans un communiqué, regrettant de ne pas avoir été "consultée ni d'avoir pu participer dans le processus d'élaboration de ce plan, alors qu'elle représente une partie essentielle de toute solution" trouvée pour remettre le Liban sur les rails.
L'Association, qui souligne que des éléments nécessaires à un renforcement de la confiance des investisseurs dans le pays ont bien été envisagés, regrette toutefois qu'aucun détail ne soit fourni, notamment en ce qui concerne la stratégie de lutte contre la corruption à prendre en compte. "Cela suscite des interrogations concernant les délais de mise en application" d'une telle stratégie, indique-t-elle. "Ce plan risque d'handicaper les investissements dans l'économie du Liban et donc ses possibilités de reprise et la confiance dans le pays", ajoute-t-elle. Elle a encore souligné que "le plan n'est pas financé et impose un soutien financier international, notamment via le FMI et la CEDRE", qui ne sont ni l'un ni l'autre assurés. Et les procédures liées aux recettes et aux dépenses financières, "qui conditionnent tout soutien du FMI, sont obscures et ne sont pas liées à un calendrier clair", a-t-elle encore soulevé.
L'ABL a encore estimé que le plan "ne résout pas la question de l'inflation, qui pourrait atteindre des niveaux très élevés". Elle a regretté que les questions liées à l'insertion sociale, nécessitent également des explications supplémentaires, notamment en ce qui concerne l'emploi, la pauvreté et l'égalité. Elle a par ailleurs regretté le "parti pris" des responsables politiques qui veulent faire porter aux banques le chapeau de la crise économique et financière. "De nombreux aspects du plan du gouvernement portent atteinte au concept de la propriété individuelle qui est pourtant garanti par la Constitution libanaise et qui fait partie des particularités essentielles de la société libanaise", a en outre estimé l'ABL.
Dans ce contexte, l'Association a appelé le gouvernement à coopérer afin de parvenir à "une solution consensuelle, qui sert les intérêts de tous les Libanais". "Il existe des alternatives crédibles à ce plan", a-t-elle affirmé, annonçant qu'elle fera bientôt parvenir à l'exécutif et au peuple libanais une version de son propre plan, qui devrait permettre de "ralentir la récession et paver la voie à une croissance durable".
Le Liban, qui a annoncé en mars être en défaut de paiement, croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du PIB, l'un des taux les plus élevés au monde. Selon des estimations officielles, 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces derniers mois, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi ou vu leur salaire réduit.
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It Is indeed a historic day for Lebanon. The Lebanese Government has invited the IMF to take control of the Lebanese economy. Looking forward to even more taxes, higher fuel prices, higher electricity charges, hyperinflation, official Lebanese pound devaluation, lower purchasing power. Egypt 2016. = Lebanon 2020.
John Thornton
18 h 37, le 02 mai 2020