Dans un scénario devenu tristement familier, la décharge de Jdeidé, qui dessert une partie de Beyrouth et tout le Mont-Liban nord, est arrivée à saturation et a fermé ses portes dans la nuit d’hier sans qu’une alternative ne soit assurée. Bien qu’un Conseil des ministres se soit tenu hier à Baabda, cette question urgente n’a pas figuré à l’ordre du jour. Le ministre de l’Environnement Damien Kattar, qui était injoignable hier, s’est suffi d’une déclaration à Baabda, où il a annoncé qu’il tiendrait une réunion aujourd’hui vendredi pour trancher cette affaire et préciser comment une nouvelle crise des déchets pourrait être évitée en pleine crise sanitaire.
Cette décharge, qui fait partie du site Bourj Hammoud-Jdeidé (au nord de la capitale), l’un des deux sites côtiers au cœur du plan d’urgence de 2016, dessert une partie de Beyrouth et tout le Mont-Liban nord, sachant que la décharge de Costa Brava (au sud de Beyrouth), déjà agrandie, couvre le reste de Beyrouth et du Mont-Liban. Sa saturation était prévue pour la fin de l’été 2019, mais les crises successives qui ont frappé le pays, de la contestation populaire à la lutte contre le coronavirus, ont réduit la production de déchets, d’où une extension de la durée de vie de ce site. Sa fermeture est toutefois devenue inévitable.
Pour sonder les alternatives qui s’offrent actuellement au gouvernement, il faut revenir à l’étude présentée par le Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) le 6 avril dernier, conformément à une décision du Conseil des ministres du 5 mars. Dans cette étude, dont L’Orient-Le Jour a pu consulter une copie, quatre alternatives sont étudiées : une pour l’agrandissement partiel de la décharge de Jdeidé (sans supprimer le port des pêcheurs situé entre les deux parties de Bourj Hammoud-Jdeidé) et les trois autres portant sur une réouverture de la décharge de Naamé (qui a desservi Beyrouth et le Mont-Liban durant 17 ans avant d’être fermée définitivement en 2015, ce qui avait provoqué une grave crise des déchets de neuf mois ; elle a été rouverte brièvement en 2016 afin d’y stocker les déchets amoncelés, pour être enfin close pour de bon).
Des options plus ou moins coûteuses
L’agrandissement partiel de la décharge de Jdeidé est une alternative compliquée et coûteuse, selon cette étude, puisqu’elle implique des travaux de protection marine alors que l’extension en question ne pourra servir que pour un an environ, si l’on compte les quantités de déchets produites dans la zone couverte. Selon le bureau de consultants Libancon-
sult AGM, que le CDR a chargé de cette étude, ces travaux permettront de gagner 51 000 mètres carrés sur la mer en vue d’y enfouir près de 310 000 tonnes de déchets (environ 850 par jour). Le coût de ces travaux est évalué à 27,6 millions de dollars, budget auquel il faut ajouter trois millions de dollars de travaux supplémentaires d’aménagement, dont un nouveau brise-lames de 130 mètres de longueur.
Le CDR estime que si cette option est retenue, la tonne reviendra au final à 99 dollars, prix supérieur à son coût actuel. Outre son budget élevé, cette option pose problème du fait de la durée des travaux d’aménagement qui sera de trois à quatre mois.
Les trois autres options portent sur la réouverture de la décharge de Naamé, où se trouvent des cellules qui n’étaient pas encore saturées au moment de sa fermeture. Il ressort de l’étude du CDR que cette option est non seulement moins chère, mais qu’elle est aussi plus rapide à mettre en place puisque ces cellules peuvent être remises en fonction en une semaine seulement.
Les trois options pour Naamé, explorées par le bureau Laceco pour le compte du CDR, consistent toutes à utiliser ces cellules déjà prêtes (option 1, si on se limite à ces espaces-là), mais avec des extensions plus ou moins importantes (options 2 et 3). Ces cellules existantes, à elles seules, offrent un espace de 170 000 mètres carrés, mais il faudra retirer la couverture végétale qui les recouvre du fait que la réhabilitation du site était en cours. On pourra y entreposer, le cas échéant, quelque 375 000 tonnes de déchets pour un coût global de 22 millions de dollars, auxquels il faut ajouter 4,4 millions pour le retrait de la couverture végétale. La durée de vie de ces cellules dépendra de la zone qu’elles desserviront (si ce sera seulement le Chouf et Aley, ou toute la zone actuellement couverte par Jdeidé).
La deuxième option consiste en une extension de 170 000 mètres carrés pour une capacité totale de 930 000 tonnes. Dans la troisième option, on parle d’une superficie de cellules de 306 000 mètres carrés pour une capacité maximale de 2,13 millions de tonnes environ. Il est évident, selon l’étude, que plus les extensions sont importantes et plus le prix d’enfouissement à la tonne serait économique : 60 dollars dans le cas de l’option 1, 42 pour l’option 2 et 38 pour l’option 3.
Et les paramètres politique et social ?
Le CDR ne donne pas d’option préférentielle puisque la décision revient au Conseil des ministres. Mais on comprend aisément que tous les paramètres sont en faveur d’une réouverture de Naamé face à l’urgence de la situation. Mais ce serait compter sans l’impact politique et social, sachant que cette décharge, maintes fois agrandie au cours de ses 17 années d’existence, a été fermée en raison du mécontentement populaire, avec l’appui du principal parti de la région, le Parti socialiste progressiste (présidé par le leader druze Walid Joumblatt). Sans l’assentiment de ce parti, il sera pratiquement impossible d’opter pour l’option Naamé. Le député Bilal Abdallah du PSP a d’ailleurs donné le ton dès mercredi en estimant que son parti pourrait approuver la réouverture de la décharge si elle accueillait seulement les déchets du Chouf et de Aley, mais pas du reste de Beyrouth et du Mont-Liban. En même temps, l’agrandissement de Jdeidé fait l’objet d’une opposition des partis du Metn.
Le gouvernement se retrouve aujourd’hui dans une impasse : aucune option n’est simple à adopter, et la décharge de Costa Brava ne peut accueillir l’intégralité des ordures de Beyrouth et du Mont-Liban. Dans cette situation d’urgence, le gouvernement va-t-il choisir la solution de facilité, à savoir entreposer les ordures en hauteur à Jdeidé, sachant qu’un mètre de plus lui permettrait, selon des sources proches du dossier, de gagner deux mois environ ?
commentaires (8)
on a de la chance notre pays accès direct à la mer (décharge gratuite ,) et vous voulez que la FMI vous donne de jl argent , vous revez? a quand le tri ménager le recyclage l insinérateur , .....? C EST VRAI IL Y A 30 ANS IL N Y AVAIT PAS DE CORONA
youssef barada
23 h 30, le 19 mai 2020