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Société - Protestation

Dans le centre-ville de Beyrouth, le printemps retrouve des couleurs de la révolte d’octobre

Des casseurs, parmi les manifestants, ont saccagé les devantures de magasins entre la place des Martyrs et le Ring.

Un jeune s’acharnant contre la devanture d’un magasin, hier, dans le centre-ville de Beyrouth. Photo João Sousa

Dans le centre-ville de Beyrouth, Malak, grande et jeune fille de 26 ans, se tient bien droite, un morceau de parpaing dans la main. « Non, je ne veux pas le jeter sur les forces de l’ordre, je veux juste les effrayer, ce qui n’est pas très difficile en fait », explique, dans un français parfait, la jeune activiste qui soudain se penche comme un lanceur de disque. À quelques mètres d’elle sont déployés des agents de la brigade antiémeute. Malak n’en est pas encore à crier famine. Mais dans ce Liban en proie à une crise économique et financière grave, et tandis que l’inflation s’envole et que la valeur de la livre s’effondre, la jeune femme est profondément inquiète. En colère aussi.

« Nous n’avons plus les moyens de faire quoi que ce soit. J’ai fait des études de cinéma dans une université privée, en payant mes frais universitaires à crédit. Il me faut cinq ans pour les rembourser. Et aujourd’hui, il me semble fort possible que je ne trouve jamais de travail dans ce pays », lâche-t-elle. Dans le centre-ville de Beyrouth, hier après-midi, il y avait de nouveau foule. Et en ce mardi printanier, soufflait comme un air de l’automne 2019, celui de la révolte populaire contre la classe politique libanaise, jugée incompétente et corrompue. Entre les deux saisons, la crise économique s’est aggravée, le Liban est en défaut de paiement et le coronavirus a débarqué.

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La mort du jeune Fawaz Samman suscite questions et enquête

Hier, de nombreux jeunes étaient de nouveau rassemblés place des Martyrs scandant des slogans hostiles au pouvoir et criant leur ras-le-bol face à une situation dont ils font assumer la responsabilité à la classe politique libanaise. Une colère exacerbée par la mort, mardi à l’aube, d’un jeune manifestant à Tripoli, Fawaz Samman, grièvement blessé par balle la veille. « Tout est cher dans le pays, sauf le sang du peuple. Il ne vaut rien », peut-on lire sur une des pancartes brandies. « Fawaz Samman n’était pas un terroriste, mais un affamé », est-il écrit sur une autre. « Le peuple a faim, alors la rue va devenir de plus en plus violente », estime Ayman, 30 ans, dont le visage est caché par son masque anticoronavirus. Si l’heure est à la colère, il veut encore rêver tout haut « d’un Liban où les citoyens seront égaux devant la loi et où les droits de tous seront respectés ». À côté de lui, un homme dont le visage est presque entièrement caché par un keffieh et qui veut préserver l’anonymat déclame, dans un anglais parfait, une citation de Martin Luther King : « Les émeutes sont le langage de ceux qu’on n’écoute pas. » Un peu plus loin, Lola, la trentaine, esthéticienne originaire de Baalbeck, harangue les militaires déployés, sur un ton qui n’est pas sans rappeler les pièces des frères Rahbani : « Vous êtes censés nous protéger, or à Tripoli, vous tuez vos frères. Nous manifestons pour vous. Vous aussi, vos salaires ne valent plus rien. Honte à vous ! »


« Tout est cher dans le pays, sauf le sang du peuple. Il ne vaut rien », peut-on lire sur une pancarte. Photo João Sousa


Récupération politique

Dans le centre-ville de Beyrouth hier, il y avait aussi des casseurs parmi les manifestants, qui ont arraché les échafaudages des chantiers pour bloquer les routes et cassé les vitrines de nombreux magasins. En très peu de temps, les devantures d’une dizaine de boutiques de Saïfi ont volé en éclats.

Hier, l’on était loin, dans le centre-ville de Beyrouth, des heures pacifiques du mouvement populaire, à l’automne dernier. Quand les Libanais croyaient encore à la possibilité d’un changement. « Les choses ont bien changé en six mois. De nombreux Libanais ont désormais faim et sont au chômage sans l’espoir de trouver un emploi. La révolution se poursuivra sans aucun doute », souligne Tarek Ammar du collectif Beyrouth Madinati. Bachir Asmar, réalisateur ayant créé l’un des sites de la révolution du 17 octobre, « Fawra », acquiesce : « Si les manifestations deviennent de plus en plus violentes, c’est parce que désormais le peuple a faim. »

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La violence est-elle devenue le dernier recours de la rue à Tripoli ?

Les manifestants qui s’étaient rassemblés place des Martyrs prennent la route de Saïfi pour se diriger ensuite vers le Ring, bloquant la voie qui mène vers le quartier de Hamra. Les agents de la brigade antiémeute essayent de les en empêcher, et c’est alors que de violents affrontements éclatent entre un groupe de jeunes et les policiers.

Ayant battu en retraite car ne se reconnaissant pas dans l’éruption de violence, certains mettent en garde contre le chaos, craignant des temps difficiles qui pourraient rappeler la guerre du Liban ou une récupération par les partis politiques. « Je crains que les personnes ayant faim ne restent chez elles, car elles auront peur de la violence dans la rue, en présence de manifestants qui seraient des supporters de partis politiques et alors qu’il y a six mois nous rêvions d’autre chose », lance ainsi un homme qui a requis l’anonymat.

Zeina Karam, la soixantaine, était venue avec son chien et avait accompagné les manifestants du centre-ville jusqu’à Saïfi. Elle souligne : « Toute ma vie, je me suis battue pour l’instauration d’un État laïc. Le 17 octobre dernier j’y ai cru. J’ai vécu des moments intenses dans la rue. Je ne veux pas que l’on me vole ma révolution. »

L'éditorial de Issa Goraieb

Des poubelles à la carte ?

Les échauffourées se poursuivent un moment, mais la route reste bloquée. Les agents de l’ordre cessent d’intervenir et le calme se rétablit progressivement. Les deux voies sont alors rouvertes à la circulation. Les manifestations de protestation se déplacent vers d’autres quartiers, dans la partie ouest de la capitale.

Dans le centre-ville de Beyrouth, Malak, grande et jeune fille de 26 ans, se tient bien droite, un morceau de parpaing dans la main. « Non, je ne veux pas le jeter sur les forces de l’ordre, je veux juste les effrayer, ce qui n’est pas très difficile en fait », explique, dans un français parfait, la jeune activiste qui soudain se penche comme un lanceur de disque. À quelques...

commentaires (1)

C'est vrai nos politiciens sont incompétants ,mais est ce que nos soit disant révolutionnaires sont compétants ??? Par exemple QUI ?? Un nom , un comité , 7 mois toujours RIEN !!??

aliosha

12 h 00, le 29 avril 2020

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Commentaires (1)

  • C'est vrai nos politiciens sont incompétants ,mais est ce que nos soit disant révolutionnaires sont compétants ??? Par exemple QUI ?? Un nom , un comité , 7 mois toujours RIEN !!??

    aliosha

    12 h 00, le 29 avril 2020

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