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À La Une - Séance législative

Poursuites contre les ministres, Bisri, élections anticipées : le Parlement renvoie plusieurs dossiers en commissions

Contrairement à ce qui était prévu, les députés ne se réuniront ni ce soir ni jeudi. 

Le président de la Chambre, Nabih Berry, présidant une séance législative au palais de l'Unesco, à Beyrouth, le 22 avril 2020. Photo Ali Fawwaz / Parlement libanais

Le Parlement libanais, réuni pour la deuxième journée consécutive dans le cadre de sa première séance législative depuis des mois, a ajourné mercredi les débats et le vote de plusieurs grands dossiers de son ordre du jour, notamment plusieurs lois concernant les poursuites judiciaires éventuelles contre les présidents et ministres, l'arrêt des travaux de construction du barrage de Bisri et d'éventuelles élections législatives anticipées. Les différentes propositions de loi à ce sujet ont toutes perdu le caractère de double urgence qui leur avait été assigné et ont été renvoyées en commission parlementaire, pour une étude approfondie.

Les députés ont par ailleurs adopté plusieurs textes encadrant les répercussions de la crise du coronavirus au Liban, notamment une loi proposée par le député Ibrahim Kanaan, permettant à l'Etat de rembourser une partie de sa dette, via l'ouverture d'une ligne de crédit de 450 milliards de livres, aux hôpitaux privés. Une passe d'armes a opposé, au moment du vote, M. Kanaan au député du Parti socialiste progressiste Bilal Abdallah. Ce dernier a accusé le député aouniste de "populisme", et d'outrepasser les prérogatives du ministre de la Santé, Hamad Hassan. Depuis 2012, l'Etat a accumulé une dette évaluée à 2 000 milliards de livres à l'égard du secteur hospitalier privé, dont un certain nombre ont investi des fonds importants pour adapter leurs services ou leurs étages à la lutte contre la pandémie. Autre loi votée, celle proposée par Alain Aoun (CPL) permettant aux Libanais de bénéficier d'un report de six mois de tous les remboursements de dettes et prestations financières dues auprès des banques et sociétés de crédit. 

Comme lors de la séance de la veille, le mouvement de contestation s'est mobilisé en parallèle de la séance, des convois de voitures ayant sillonné les rues de Beyrouth et des différentes régions du pays dans le courant de la journée.

Le quorum ayant été perdu peu avant la fin de la réunion matinale prévue jusque 15h, le président de la Chambre, Nabih Berry, a levé la séance. Le Parlement ne se réunira ni en soirée ni demain, comme cela était initialement prévu. 



Poursuites contre les présidents et ministres
Dès l'arrivée des députés à la séance de ce mercredi, l'un des points de l'ordre du jour relatif à un amendement de la loi établissant la Haute Cour de justice, une juridiction d’exception chargée de juger les présidents et les ministres, a provoqué des remous. La proposition, déposée par les députés du Hezbollah Hani Kobeissi et Hassan Fadlallah, envisage que les responsables politiques soient jugés devant des tribunaux réguliers. Pour appuyer ce texte, le député Ali Ammar (Hezbollah) a déposé sa démission en tant que membre de cette Cour. Le président de la Chambre, Nabih Berry, a demandé à M. Ammar de revenir sur sa décision.

Réagissant à cette proposition d'amendement, le député Alain Aoun (CPL) a estimé qu'il faut "soit amender la Constitution à ce propos, soit reconnaître que nous ne pouvons pas approcher ceux qui ont enfreint la loi". Le député Mohammad Hajjar, du Courant du Futur, a de son côté estimé que la modification proposée par le Hezbollah doit être liée à "la présence d'une justice indépendante" dans le pays.

Hassan Fadlallah a de son côté exprimé sa détermination à "parvenir à des résultats sur cette question, notamment parce que nous n'avons jamais réussi à traduire en justice un seul ministre". "Nous sommes prêts à amender les lois ou la Constitution à cet effet, parce que le pays entier nous attend au tournant en ce qui concerne la lutte contre la corruption", a-t-il ajouté, estimant qu'"une des façons de récupérer les fonds pillés, c'est de permettre que les ministres témoignent devant la justice régulière". "La majorité des députés ont voté contre le fait que notre proposition doive être revêtue du caractère de double urgence, alors que tous parlent sans arrêt de la lutte contre la corruption", a-t-il encore ironisé.


(Lire aussi : La lutte contre la corruption doit être appréhendée de façon globale)


Face aux débats provoqués par cette question, le Parlement a retiré à la proposition de loi son caractère de double urgence et l'a renvoyée avec d'autres textes sur le même sujet, comme celui concernant la levée de l'immunité des ministres, devant la commission parlementaire afférente. Le député Jamil Sayyed a en outre annoncé avoir présenté une proposition de loi à ce sujet.

La Haute Cour de justice est composée de sept parlementaires des principales formations politiques, élus par le Parlement, et huit des plus hauts magistrats pris par ordre hiérarchique, ou à rang égal, par ordre d’ancienneté. A ce jour, la Haute Cour de justice n’a pas encore exercé ses fonctions, puisque depuis sa création dans les années 1920, aucun président ni ministre n'a été poursuivi.

A la fin de la réunion de mardi, Nabih Berry avait déjà renvoyé la proposition de loi de Paula Yacoubian prévoyant des amendements de la loi relative à l'enrichissement illégal devant la sous-commission en charge des textes encadrant la lutte contre la corruption.



Bisri et élections anticipées 
La proposition de loi présentée par la députée Paula Yacoubian (issue de la société civile) concernant un arrêt total des travaux de construction du barrage polémique de Bisri, financé par la Banque mondiale, a également perdu son caractère de double urgence et les débats à ce sujet ont été reportés sine die.


(Lire aussi : Barrage de Bisri : coût réel et alternatives)



Le texte des députés Kataëb Samy Gemayel, Nadim Gemayel et Elias Hankache concernant une réduction du mandat de la Chambre et l'organisation d'élections législatives anticipées a, lui aussi, été départi de son caractère de double urgence. Ce texte a provoqué un échange acerbe entre M. Gemayel et le vice-président de la Chambre, Elie Ferzli. Ce dernier a estimé que la demande du chef des Kataëb de réduire le mandat des députés actuels vise seulement à "apaiser l'opinion publique" et porte atteinte à la dignité de la Chambre.
Samy Gemayel a réagi, dans une déclaration à la presse prononcée à l'extérieur de l'hémicycle, en estimant que "le peuple ne peut plus compter sur les institutions de l'Etat pour assurer un changement". "Le Parlement veut continuer à utiliser les mêmes pratiques et, face à cela, le Liban a besoin d'une révolution populaire", a-t-il affirmé. Depuis le début du mouvement de contestation du 17 octobre, M. Gemayel appelle régulièrement à la tenue d'élections anticipées. 

Les députés n'ont par ailleurs pas adopté la loi présentée par Michel Daher sur la suppression du secret bancaire. La proposition de Chamel Roukoz, qui voulait obliger "les personnes physiques ou morales" de nationalité libanaise qui ont cédé des eurobonds "de manière directe ou indirecte" à des contreparties "étrangères" à les récupérer, en les remboursant intégralement avec les intérêts, sous peine de se voir infliger une amende équivalente à deux fois les montants concernés, n'a pas non plus été retenue. La création d'un fonds de soutien pour les citoyens ayant perdu leur emploi en raison du confinement a également été rejetée par les députés. La proposition de loi de la députée Paula Yacoubian concernant le retrait des portraits de responsables politiques dans les lieux politiques a, elle, été renvoyée en commission.  


(Lire aussi : Plus de double urgence à la loi d'amnistie : un revers pour le tandem chiite)



Discussions sur le plan de relance
Par ailleurs, des discussions ont également tourné autour du plan de relance étudié par le gouvernement de Hassane Diab pour faire face à la crise économique et financière. Nabih Berry a ainsi lancé, en début de séance, détenir "des informations selon lesquelles le plan est prêt et va être présenté au Parlement". Ce à quoi le président du Conseil a répondu que le texte en question "aurait dû être discuté cette semaine, mais les débats ont été reportés à la semaine prochaine en raison de la séance parlementaire".

Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a pour sa part exhorté l'exécutif à finaliser ce plan "le plus rapidement possible, face à la dégradation de la situation" dans le pays. Il a encore regretté que les fonds "continuent d'être détournés du Liban vers l'étranger sans que personne ne fasse rien pour mettre un terme à cette situation". Le député Ibrahim Kanaan (CPL), qui préside la commission des Finances et du Budget, a renchéri, en estimant qu'il fallait "donner la priorité aux questions traitant de la situation socio-économique", le pays se trouvant "au bord de l'effondrement".

La polémique sur l'amnistie générale, qui avait déjà fait débat la veille et dont les différentes propositions de loi avaient été à nouveau renvoyées en commission parlementaire, a encore fait parler d'elle lors de la séance de ce mercredi. A ce sujet, le député Jamil Sayyed a annoncé avoir "présenté une nouvelle version de la loi, se basant sur la durée de la peine appliquée et sans mentionner les différents types de crimes, à l'exception de ceux qui touchent à la sécurité nationale". Le député Elias Bou Saab a déclaré s'opposer à toute amnistie pour les personnes ayant mené des attaques contre l'armée et les forces de sécurité. "Je réclame qu'aucune réduction de peine ne soit permise dans le cadre des jugements concernant les crimes terroristes", a-t-il ajouté en marge de la séance. Pour sa part, l'ancien Premier ministre Nagib Mikati a estimé que l'amnistie générale est "une question humanitaire, qui permettrait de libérer les détenus ayant passé plus de 10 ans en prison sans avoir été jugés". Il a rappelé que son bloc parlementaire avait présenté un texte de loi à ce sujet.



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commentaires (5)

DES POURSUITES QUI RESTERONT DES PAROLES ET DE L,ENCRE COMME TOUJOURS.

LA LIBRE EXPRESSION

22 h 11, le 22 avril 2020

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Commentaires (5)

  • DES POURSUITES QUI RESTERONT DES PAROLES ET DE L,ENCRE COMME TOUJOURS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    22 h 11, le 22 avril 2020

  • Au fait...chez nous ça sert à quoi les réunions du Parlement, mis à part des renvoyer en commissions et sous-commissions les dossiers importants...après les chamailleries classiques des seigneurs momentanés du Palais de l'UNESCO ? Irène Saïd

    Irene Said

    18 h 01, le 22 avril 2020

  • Toujours le Palais de l'UNESCO construit en 1948., l'organisation qui protège 14 de nos sites dont le principal se trouve sur la rive gauche de Nahr el-Kalb. Mais la mégalomanie des nains de jardin de construire leur GQG, risque, à coup sûr, de détruire des stèles vieilles de plusieurs siècles avant notre ère. Le lion ne cherche pas à grandir, déjà il est grand. Mais, une grenouille cherche à le devenir jusqu'à en crever.

    Un Libanais

    16 h 34, le 22 avril 2020

  • En bref Sami Gemayel a raison. Le Liban a besoin d'une révolution populaire et un changement total pour éliminer cette caste politique super pourrie .

    Antoine Sabbagha

    16 h 25, le 22 avril 2020

  • Ils ont donc décidé de ne rien décider, bravo les incapables !

    TrucMuche

    15 h 59, le 22 avril 2020

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