Les banques doivent se préparer à la mise en œuvre des circulaires n°148 et n°149 publiées vendredi dernier. Photo P.H.B.
Les banques n’ont pas encore commencé à appliquer le dispositif prévu par la Banque du Liban (BDL) pour permettre aux petits déposants de retirer leurs économies en livres ou en dollars au taux du marché plutôt qu’à celui de 1507,5 livres, en vigueur jusqu’à présent, donc à des conditions en principe plus avantageuses pour eux mais pour une durée de trois mois seulement.
C’est ce qu’ont confirmé à L’Orient-Le Jour plusieurs sources bancaires, qui ont toutes assuré que le secteur aurait besoin « de quelques jours » pour mettre en place les procédures nécessaires même si le texte est d’ores et déjà entré en vigueur d’un point de vue normatif. Si la première circulaire (n°148) publiée vendredi dernier – et qui s’adresse aux déposants concernés dont le total cumulé de l’ensemble des comptes dans une même banque ne dépasserait pas 5 millions de livres ou 3 000 dollars au taux officiel, détaille la procédure prévue, la seconde (n° 149) se focalise sur la mise en place d’une unité devant fixer le taux applicable pour les opérations en question.
« Faux départ »
Selon les sources contactées, ni la BDL ni les banques ne sont encore prêtes à mettre en œuvre le texte. « La BDL doit se préparer de son côté pour mettre en place l’unité formée avec les changeurs pour fixer le taux de change applicable pour les opérations prévues dans le cadre de ce mécanisme. Les banques doivent, elles, faire le nécessaire pour monter la plate-forme électronique dédiée et les procédures internes liées aux opérations qui seront prévues. Tout cela va prendre un peu de temps », détaille l’une d’entre elles.
Une autre source estime qu’il faudra peut-être attendre la fin des restrictions imposées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire décrété le 15 mars pour contrer la propagation du Covid-19 pour que les banques commencent effectivement à appliquer ce mécanisme. « Pour l’instant, la majorité des établissements n’ouvrent qu’une infime portion de leurs agences et demandent généralement à leurs clients de prendre rendez-vous pour les opérations autres qui font partie de la palette de services assurés pendant le confinement », estime une autre.
Ce « faux départ » serait lié, selon une autre source bancaire, au fait que les circulaires ont été publiées dans un calendrier précis de mise en œuvre ainsi qu’à l’annonce de la BDL hier fixant unilatéralement le taux applicable cette semaine pour les opérations prévues dans le cadre du mécanisme mis en place à 2 600 livres pour un dollar. « L’annonce de ce taux est une façon pour la BDL de montrer que les choses avancent. Maintenant, rien n’interdit à une banque qui aurait déjà achevé tous les préparatifs de réaliser l’opération prévue par la circulaire n°148 si un petit déposant le demande », souligne une troisième source, sans toutefois trop sembler croire à cette hypothèse. Sur le site lebaneselira.org, ce taux a d’ailleurs remplacé celui de 2 000 qui faisait office de taux officiel pour les bureaux de change, un plafond imposé par une autre circulaire de la BDL (n°456) qui n’a cependant jamais été réellement appliqué. Ces deux taux – celui officiel de 1 507,5 livres maintenu par la BDL et celui du marché des changeurs agréés, coexistent avec un troisième taux, celui du marché noir, qui s’est stabilisé au-dessus de 2 800 livres.
Une quatrième source estime enfin que la BDL doit impérativement préciser certains points qui ne sont « pas clairs », notamment concernant les modalités de financement de l’opération entre les banques et elle.
Une « décision positive » pour Morgan Stanley
La BDL a fait la une de l’actualité vendredi en publiant ces deux circulaires qui mettent en place les bases d’un nouveau régime de change tout en permettant aux petits déposants de comptes en livres ou en dollars de réaliser une plus-value équivalente à la différence entre le taux officiel et le taux pratiqué par les changeurs autorisés. Une mesure prise pour amorcer la transition d’une politique de stabilisation du taux de change maintenue depuis 1997 mais désormais en fin de course tout en augmentant temporairement le pouvoir d’achat des déposants les plus modestes en plein contexte de crise économique et financière, marquée par l’assèchement des liquidités en devises dans le pays.
L’Association des banques du Liban, qui avait été consultée en amont, a salué la publication de ces circulaires dans un communiqué publié dimanche soir. Même son de cloche du côté des changeurs qui ont réagi hier, renouvelant au passage leur appel adressé aux autorités à mettre les changeurs illégaux au pas. Enfin le dispositif mis en place par la BDL a déjà été commenté par la banque américaine d’investissement Morgan Stanley dans une note adressée aux investisseurs que L’Orient-Le Jour a pu consulter. Les analystes de la banque ont salué une décision « positive » qui constitue un premier pas vers « une dé-dollarisation de l’économie libanaise » en commençant par « les petits comptes ». La banque reconnaît néanmoins les limites du dispositif en termes d’impact, dans la mesure où les dépôts en dollars visés pèsent « moins de 1 % » de ceux en devises enregistrés dans les banques libanaises.
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17 h 12, le 07 avril 2020