Alors que l’épidémie de coronavirus continue de se propager dans le pays, nombre de Libanais s’attendaient le week-end dernier à ce que le gouvernement de Hassane Diab décrète l’état d’urgence pour tenter de freiner sa progression. Le Premier ministre s’est contenté d’appeler la population à un « couvre-feu autoproclamé », invitant les Libanais à rester chez eux et à se conformer aux directives officielles dans le cadre de la mobilisation générale, décrétée le 15 mars. Sauf que le concept de mobilisation générale, qui doit en principe être concrétisé par des décrets d’application émis séparément par chaque ministère, reste jusqu’à présent vague et déroutant. Il l’est d’autant plus qu’il ne prévoit pas de décisions contraignantes et ne définit pas clairement le service d’ordre chargé d’assurer son exécution sur le terrain.
Selon des sources concordantes, le flou entourant la toute dernière décision du Premier ministre signifie que le recours à l’état d’urgence bute sur un obstacle majeur : l’absence d’un accord politique élargi entre les trois pôles du pouvoir.
C’est ce qui ressort aussi des propos tenus dimanche par le président de la Chambre, Nabih Berry. Dans un entretien accordé au site web du courant du Futur, le chef du législatif a déclaré qu’il avait contacté vendredi (soit 24 heures avant le discours de M. Diab) le chef du gouvernement pour lui demander de proclamer l’état d’urgence, « dans la mesure où la situation est grave et ne tolère pas d’atermoiements ». Dimanche, M. Berry a toutefois confié « ne pas savoir » pourquoi cette décision n’avait toujours pas été prise.
Dans certains milieux proches du Sérail, on explique que décréter l’état d’urgence requiert un consensus politique élargi, loin d’être atteint sur cette question, du moins pour le moment. Cela signifierait que le pouvoir décisionnel serait entièrement confié à l’armée, ce qui exige une entente politique, explique-t-on de source politique à L’Orient-Le Jour. Toutefois, les mesures drastiques annoncées samedi par le Premier ministre sont très proches de celles prises dans le cadre d’un état d’urgence.
(Lire aussi : Caprices interdits, l’édito de Michel TOUMA)
Le pouvoir délégué à l’armée
« Par définition, l’état d’urgence est une situation que le Conseil des ministres proclame par décret, à la majorité des deux tiers des membres du gouvernement », explique à L’Orient-Le Jour l’ancien ministre de l’Intérieur, Ziyad Baroud. Si la mobilisation générale requiert, elle aussi, une décision du Conseil des ministres prise à la majorité des deux tiers, elle diffère de l’état d’urgence, rappelle-t-il. « L’état d’urgence a une dimension sécuritaire et militaire. Dans un délai de huit jours, le Parlement devrait voter une loi approuvant ce décret », précise M. Baroud. Et de poursuivre : « Le décret législatif 52/1997 stipule que l’état d’urgence devrait être décrété quand le pays fait face à un «danger imminent» et à des événements de nature «catastrophique». »
Selon l’ex-ministre de l’Intérieur, en période d’urgence, le pouvoir décisionnel se voit entièrement délégué au commandement de l’armée, qui pourrait dès lors donner ses ordres aux autres appareils sécuritaires. « À la faveur de cette mesure, l’armée pourrait prendre des décisions allant du couvre-feu jusqu’au renvoi (des transgresseurs) devant le tribunal militaire », souligne Ziyad Baroud, qui insiste sur le fait que l’état d’urgence implique certaines restrictions sur les libertés publiques et individuelles, à commencer par la liberté de circulation.
Un analyste politique contacté par L’OLJ estime que le chef de l’État Michel Aoun et le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil seraient peu enclins à proclamer l’état d’urgence car la gestion du pays se verrait alors confiée à l’armée. Un point de vue nuancé par un proche de la présidence de la République, qui indique que le chef de l’État est favorable à la mobilisation générale qui, contrairement à l’état d’urgence, n’a pas un cachet militaire et sécuritaire.
L’opposition, elle, poursuit son forcing pour que l’état d’urgence soit proclamé dans les plus brefs délais. Le courant du Futur a exhorté hier le cabinet Diab à adopter cette mesure. Critiquant l’équipe ministérielle en place, le mouvement de Saad Hariri a estimé, dans un communiqué, que « rien n’empêche le gouvernement de déclarer l’état d’urgence, d’autant que cela figure dans la Constitution quand il s’agit de faire face à une catastrophe, comme c’est le cas aujourd’hui ». « Il est clair que la mobilisation générale n’a pas porté ses fruits. Déclarer l’état d’urgence est donc une option évidente pour faire face au coronavirus, loin de tout règlement de comptes politiques », ajoute le texte.
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commentaires (4)
LA VERITE QUELQUE SOIENT NOS DOUTES SUR CE GOUVERNEMENT ON DOIT RECONNAITRE SINCEREMNT QU'IL TRAVAILLE BEAUCOUP ET QUE LES DECISIONS PRISES APRES UN VOTE A LA MAJORITE DES MEMBRES EXCLUENT TRES SOUVENT LA POLITIQUE ON A RAREMENT VU AUTANT DE DECISIONS DIFFICILES PRISES PAR LE GOUVERNEMENT ALORS QUE LES PARTIS SONT ENCORE EN TRAIN DE SE DISPUTER TOUS LES JOURS LA VERITE JE ME DOIS D'ADMETTRE QUE CE GOUVERNEMENT AU MOINS AGIT CORRECTEMENT ET LEUR DIRE BRAVO TROIS FOIS BRAVO A CES MINISTRES MALGRE LES ERREMENT DE TEMPS EN TEMPS ( COMME A LA SANTE AVEC LES AVIONS D'IRAN ET D'ITALIE )
LA VERITE
14 h 11, le 24 mars 2020