Coronavirus au Liban : Diab appelle à un couvre-feu "auto-proclamé"

Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a appelé samedi les Libanais à un couvre-feu "auto-proclamé" et demandé aux institutions militaires et sécuritaires de mettre en place un plan pour contraindre les gens à rester chez eux,  afin de limiter la propagation du nouveau coronavirus, alors que désormais 230 personnes sont atteintes au Liban, selon le Premier ministre, et que les mesures de confinement imposées par les autorités ne sont pas fermement respectées par la population.

"Chers Libanais, il y a un mois, le premier cas de coronavirus se déclarait au Liban et le gouvernement a tout de suite pris des mesures préventives, a déclaré M. Diab dans une allocution retransmise en direct à 19h à partir du Grand Sérail. Les mesures gouvernementales ont été progressivement renforcées, proportionnellement à l'évolution de la propagation de la maladie dans le monde, ainsi qu'au Liban. Cela a permis de ralentir la diffusion de ce virus dans notre société".  "Il y a six jours, le gouvernement a annoncé la  mobilisation générale, et nous avons pris des mesures strictes à tous les niveaux, notamment la fermeture de l'aéroport, des ports et des frontières terrestres, ainsi que la fermeture des différents lieux de rassemblements, a rappelé M. Diab. Malheureusement, le respect de ces mesures a été relatif et variait d'une région à l'autre et d'un secteur à l'autre". Et de poursuivre : "Au cours des six derniers jours, le nombre de personnes contaminées a augmenté comme prévu. Cependant, la hausse notable du nombre de personnes contaminées au cours des deux derniers jours, en particulier hier, lorsque le ministère de la Santé a enregistré 67 nouveaux cas, portant le nombre de personnes contaminées à 230, soit une augmentation de 29% , laisse prévoir un danger imminent qui menace notre société et la possibilité d'atteindre le stade d'épidémie".

"Le non-respect par les citoyens des mesures dans plus d'une région montre qu'il y a une méconnaissance de l'ampleur des risques, ce qui nous pousse, après concertation avec le président Michel Aoun, à appeler le commandant de l'armée et les directions générales de la Sûreté générale et de la Sûreté de l’État, ainsi que toutes les municipalités, à être plus sévères dans la mise en œuvre des mesures en obligeant les citoyens à rester chez eux et à ne sortir qu'en cas d'extrême nécessité, en empêchant les rassemblements de toutes sortes dans les lieux publics et en poursuivant les contrevenants devant les autorités judiciaires", a encore dit M. Diab.  "Le ministère de l’Intérieur, le commandement de l’armée et tous les services de sécurité vont annoncer des plans de mise en œuvre qui protègent la santé et la vie des Libanais" a-t-il ajouté, soulignant que des patrouilles auront lieu et que des barrages seront mis en place pour obliger le respect de ces mesures.

Le Premier ministre a aussi décidé de "renforcer le contrôle sur tout ce qui concerne la fabrication, l'importation, le stockage, l'exportation et la distribution de tous les matériaux, équipements et appareils liés à la protection de la santé personnelle, à la prévention et au traitement liés à la lutte contre le coronavirus. Il a également demandé qu'un inventaire complet de tous les produits disponibles soit effectué.  M. Diab a en outre demandé à ce que soit "déterminés les besoins des établissements de santé, publics et privés, et les besoins des citoyens, en matériels, équipements et dispositifs associés à la prévention et au traitement du coronavirus et que leurs prix soient contrôlés".

"Le coronavirus est aux portes des maisons. Je vous invite aujourd'hui à observer un couvre-feu 'auto-proclamé', car l'État seul ne peut pas faire face à cette propagation épidémique", a conclu le Premier ministre, reconnaissant que "nous sommes en grand danger".

(Lire aussi : Tout ce que vous voulez savoir sur le coronavirus au Liban est sur le site du ministère de la Santé)

Pas encore au "stade 4"
L’État avait déjà décrété dimanche dernier l'état d'urgence sanitaire et demandé à la population de se confiner chez elle. Les aéroports, ports et frontières du pays ont également été fermés. 

Hassane Diab n'a toutefois pas réclamé à ce stade la mise en place de l'état d'urgence, alors que de nombreux responsables et leaders l'appellent à le faire. "L’état d’urgence suppose que le mot d’ordre reviendrait à l’armée pour ce qui est de l’application concrète des décisions prises, ce qui minimiserait systématiquement le rôle des autres services de sécurité qui se verraient alors hiérarchiquement placés sous le commandement suprême de l’institution militaire", commentait une source informée à L'Orient-Le Jour.

Pour certains juristes, l’état d’urgence est une notion qui n’est pas claire dans la Constitution et ne permet donc pas de répondre à la complexité de la situation dans laquelle se trouve le Liban, qui doit jongler entre une triple crise, sanitaire, économique et financière. Prévues à l’article 65 de la Constitution, la proclamation de l’état d’urgence et sa levée – qui font partie des questions dites fondamentales requérant l’approbation des deux tiers des membres du gouvernement – n’y sont mentionnées que de manière sommaire, sans autre détail quant à leur application.

(Lire aussi : Le nerf de la coronaguerre, l'édito de Issa GORAIEB)

Quelques minutes après l'allocution de M. Diab, le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a lui aussi lancé un appel aux Libanais. "Nous ne sommes pas encore au 'stade 4' de la propagation du coronavirus. Mais la nonchalance de ces deux derniers jours est inacceptable, a-t-il déclaré, appelant les Libanais à "respecter les directives". Selon lui, la semaine prochaine "déterminera les prochaines mesures" à entreprendre. "Le temps n'est jamais de notre côté, et les forces de sécurité seront plus strictes pour que le nombre de personnes contaminées n'augmente pas", a-t-il encore dit.

Hier, M. Hassan avait affirmé que le pays se préparait au "stade 4" de la propagation du nouveau coronavirus. "C’est l’État qui est responsable de la gestion de la crise dans le cadre du stade 4, qui signifie le stade d’alerte", avait-t-il indiqué. Contacté par L’Orient-Le Jour, le directeur général du ministère de la Santé, Walid Ammar, a expliqué que le stade 4 évoqué par le ministre "concerne la transmission communautaire du virus". "Nous sommes encore dans la transmission individuelle", a-t-il assuré. Pour sa part, un porte-parole de l’Organisation mondiale de la santé à Beyrouth a confirmé à L’OLJ que le pays est encore au stade 3 de l’épidémie. "Le stade 4 est celui des contaminations dont l’origine n’est plus déterminée. Pour l’instant, nous arrivons encore à savoir comment le virus est en train de se propager", a indiqué le porte-parole.

Samedi plus tôt dans la journée, les entrées et sorties menant à la localité de Majdel Anjar, dans la Békaa, ont été coupées à l'aide de remblais de sable pour empêcher les habitants de la localité de se déplacer, rapportait notre correspondante dans la Békaa, Sarah Abdallah. Une mesure semblable a été prise à Kfaraabida, au Liban-Nord, où les routes ont été coupées à l'aide de blocs de béton, rapportait de son côté notre collègue Emmanuel Khoury.

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