À Aïn el-Héloué (90 000 habitants), le plus grand camp palestinien du Liban, la guerre au coronavirus est déclarée. L’ordre de bataille contre « l’ennemi invisible », comme l’appelle Fouad Osman, responsable du Front démocratique pour la libération de la Palestine (FDLP) au sein du camp, a été décidé au cours des multiples réunions de coordination entre comités populaires et comités médicaux à l’intérieur de cette agglomération densément peuplée, de seulement un kilomètre carré de surface.
S’activent ainsi dans le camp les équipes de la Défense civile palestinienne ainsi que des comités militaires et sécuritaires relevant des divers groupes et organisations militaro-politiques présents sur place.
Dans un camp d’habitude grouillant de vie, mais aujourd’hui quasiment désert, on peut voir désormais les équipes de la Défense civile en combinaison protectrice désinfectant les rues et ruelles. Les agents de sécurité de leur côté pressent les individus de circuler et mettent de l’ordre dans les rassemblements, enjoignant aux commerces et clubs de respecter le mot d’ordre de fermeture.
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Des minarets élèvent par intervalle des invocations et des prières destinées à écarter le fléau. Les voix des prédicateurs se mêlent aux exhortations venant des haut-parleurs montés sur des voitures qui circulent dans le camp, offrant des conseils de prévention aux habitants et les invitant à ne pas sortir de chez eux sans nécessité.
Résultat de toutes ces injonctions insistantes, le camp était désert hier matin. Institutions et clubs divers, commerces et cafés, pourtant chers à une population dont ils sont le seul horizon, son restés fermés. À la bonne odeur du pain frais et aux quelques regroupements de personnes, on se rendait compte que les boulangeries, les pharmacies, les centres médico-sociaux et les épiceries ont été exemptés du mot d’ordre de fermeture.
Le travail de désinfection et la coordination des diverses activités du camp sont assurés par un comité d’urgence sanitaire chargé de mettre au point un plan d’action exhaustif et de limiter la circulation aux déplacements nécessaires et aux camionnettes de livraison.
Hélas, les structures sanitaires sont rudimentaires. Les habitants de ce camp surpeuplé sont desservis par seulement deux hôpitaux et deux dispensaires, soit quelques dizaines de lits, une capacité largement insuffisante en cas d’épidémie, sans compter que les hôpitaux sont largement sous-équipés. Des bénévoles de Terre des hommes-Italie se trouvent aux côtés des médecins du camp pour assister la population.
Pour compenser la pauvreté des moyens et écarter tout danger, tout le monde s’y met. Des banderoles comprenant des injonctions sanitaires préventives sont tendues dans les rues. Par ailleurs, les réseaux sociaux s’y sont mis et transmettent aux habitants les directives et mesures de prévention de base, que des affiches relaient dans les dispensaires et au coin des rues et ruelles.
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Comme partout au Liban, les écoles du camp sont désormais fermées. L’Unrwa tente d’aménager certaines de ses salles pour y accueillir et isoler les malades en cas d’urgence. Grâce à certaines ONG, les contacts sont maintenus avec les enfants, histoire de les aider dans leurs devoirs et de leur organiser quelques activités et jeux qui les aideront à limiter leur présence dans la rue.
Prenant les devants, Fouad Osman insiste sur le fait que l’Unrwa, représentée dans le comité de coordination qui gère le camp, « n’a pas à prendre prétexte du manque de fonds pour se dérober à ses devoirs ».
Les équipes de désinfection du Hezbollah
Signalons par ailleurs que des équipes du Conseil sanitaire islamique relevant du Hezbollah ont participé hier à des campagnes de désinfection dans les villages aux alentours de Saïda. La campagne a englobé la désinfection d’églises, de centres sociaux et de clubs dans le caza de Saïda, un travail accompli en coordination avec les municipalités locales. Les églises de Dar el-Sim, Aïn el-Delb, Aktanit, Maamariyé et Jenjlaya ont ainsi été visitées par les équipes de désinfection en présence des édiles des municipalités de ces villages. Les équipes ont également travaillé dans le quartier de Taamir, à Saïda.
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