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Société - Liban-Syrie

Fermeture des frontières face au coronavirus : qu’en est-il des voies d’accès illégales ?

De véritables réseaux mafieux continuent de sévir et sèment la peur de la contagion sur leur passage.

Un des postes-frontières entre le Liban et la Syrie. Joseph Eid/AFP

Avec la fermeture de l’aéroport de Beyrouth hier et celle des voies terrestres avec la Syrie il y a quelques jours, le Liban retient son souffle en attendant de pouvoir compter les dégâts que le coronavirus aura faits jusque-là, soit bien avant la décision du gouvernement de verrouiller les portes d’accès au pays.

Bien qu’accueillie avec soulagement, cette mesure, survenue un peu tardivement selon certains, ne rassure pas pour autant dans la mesure où elle n’affecte vraisemblablement pas les voies de passages illégales entre le Liban et la Syrie, connues pour leur porosité et la difficulté de les bloquer devant le trafic illégal et la contrebande en tout genre.

Face à une crise économique et financière dont pâtissent le Liban autant que la Syrie, le risque de voir ces voies de passage « vitales » pour les contrebandiers réactivées est grand.

Mercredi, les Forces de sécurité intérieure (FSI) ont publié un communiqué faisant état de l’arrestation à Aramoun d’un camion transportant onze tonnes de beurre en provenance de Syrie illégalement introduites au Liban. Le véhicule, au bord duquel se trouvaient un Syrien et un Libanais, a été intercepté et les deux individus, le propriétaire de la marchandise et le chauffeur, arrêtés.

On ne saura pas toutefois à quelle date le camion de marchandise est arrivé au Liban, mais « il a certainement emprunté une voie illégale », indique une source de sécurité à L’Orient-Le Jour. « Le véhicule était destiné à un Libanais du Hermel, ce qui laisse croire que c’est par cette région qu’il a transité », poursuit la source.


(Lire aussi : Ça baigne..., le billet de Gaby NASR)



Mesure tardive ?

C’est la réitération de ce type de scénario que craignent désormais les Libanais qui ont les yeux rivés sur ces voies poreuses que l’État n’a jamais réussi à ce jour à totalement contrôler. La situation inquiète d’autant plus que le régime syrien reste muet sur l’existence du virus sur son territoire alors que des informations non officielles évoquent des dizaines d’atteintes, voire plus. Plusieurs sources médicales à Damas, Homs, Lattaquié et Tartous auraient confirmé à l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) que 113 nouveaux cas ont été mis en quarantaine afin d’empêcher la propagation éventuelle de l’infection à d’autres, comme souligné hier dans nos colonnes. Toutefois, les mesures de précaution drastiques prises par le régime depuis quelques jours, sous prétexte d’éviter que le virus « n’atteigne le pays », en disent long sur la situation en Syrie : fermeture des clubs de sport, écoles, jardins publics, bâtiments administratifs, restaurants et autres lieux de rencontre. Autant d’initiatives qui laissent croire que le virus redouté s’est bel et bien infiltré dans ce pays.

L’interdiction officielle de la circulation des personnes entre le Liban et la Syrie ne rassure pas pour autant, surtout que le Liban a tardé à fermer ses frontières terrestres officielles avec le pays voisin, soit seulement depuis dimanche dernier.

Entre-temps, le va-et-vient entre les deux pays, même s’il s’est ralenti depuis quelques semaines, était incessant, dans un sens plus que dans l’autre.

« La Syrie a fermé ses frontières terrestres bien avant nous, une semaine avant que les nouvelles de la propagation du virus au Liban se soient répandues », témoigne l’analyste Mohammad Obeid, proche de milieux du Hezbollah et en contact avec plusieurs connaissances en Syrie.

Il cite l’expérience de certains de ces amis qui sollicitaient des personnes tierces au Liban pour leur demander de leur envoyer certains produits et provisions de la Békaa par taxi. « Ces derniers n’ont pas été autorisés à entrer en Syrie », dit-il. Sauf que le mouvement en sens inverse, c’est-à-dire vers le Liban, s’était poursuivi jusqu’à récemment. Le seul contrôle effectué aux frontières par les autorités libanaises était celui de la température du corps, une mesure qui n’est pas suffisante pour un virus qui reste terré sans donner signe de vie durant la période d’incubation, laquelle peut aller jusqu’à deux semaines.


(Lire aussi : Coronapolitik, le commentaire de Anthony SAMRANI)


Nouveau défi

Maintenant que les frontières officielles sont scellées, l’autre défi que doivent affronter les autorités libanaises est celui des passages illégaux qui s’étendent tout au long d’une frontière faisant près de 360 km. « Les accès clandestins vers le Liban sont nombreux. Il est difficile de tout contrôler, surtout durant l’hiver avec la neige aux sommets et un relief géographique des plus durs à certains endroits », confie à L’OLJ un ancien officier de l’armée qui exprime l’espoir qu’avec l’approche du printemps, la mission des soldats sera facilitée.

« À plusieurs reprises, l’armée avait fermé plusieurs de ces voies de passage en les remblayant pour revenir quelques jours plus tard et les retrouver accessibles de nouveau. C’est un travail de titan », dit-il.

Un avis que ne partage pas nécessairement M. Obeid, convaincu que l’institution militaire, qui avait bénéficié d’une aide britannique pour l’installation d’une série de miradors il y a quelques années pour surveiller la frontière du côté de Ersal notamment, devrait être capable de contrôler plus strictement les voies illégales.

« À part celles dont se sert le Hezbollah exclusivement pour les besoins de la résistance (notamment le passage de ses combattants) et qui sont sous strict contrôle du parti, toutes les autres voies d’accès illégales devraient être interdites par les militaires et les forces de l’ordre », dit Mohammad Obeid.

Une mission d’autant plus difficile que, de l’avis de plusieurs observateurs, ces voies de passage profitent à de véritables réseaux mafieux comprenant des Syriens et des Libanais qui bénéficient de la protection et de la couverture de « personnes haut placées ».

« Qu’il y ait coronavirus ou pas, ces réseaux de contrebande qui gèrent un trafic de marchandises, de pétrole, mais aussi de personnes, doivent être démantelés. Raison de plus aujourd’hui avec la propagation du virus », commente Ziad Sayegh, expert en politiques publiques et réfugiés. Il préconise ainsi un redoublement d’efforts de manière exceptionnelle pour pouvoir juguler la menace du nouveau virus. Selon lui, ce n’est pas à l’armée seule qu’incombe la responsabilité de surveiller ces voies perméables ou même aux forces de l’ordre réunies, comme la Sûreté générale ou les FSI. Cette mission, dit-il, doit être partagée avec les autorités locales, c’est-à-dire les municipalités, pour plus d’efficacité.

« Devant un tel fléau et des défis de cette taille, il faut mobiliser toutes les ressources financières et humaines pour mener à bien cette tâche. Il est temps de passer à une approche décentralisée », dit-il, préconisant un renforcement des moyens à octroyer aux municipalités, notamment les fonds qui leur reviennent de droit et qui « sont toujours bloqués au ministère des Finances ».


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commentaires (6)

Parlons du virus les libanais ne peuvent pas entrer en Syrie mais les syriens peuvent rentrer au Liban?

Eleni Caridopoulou

18 h 38, le 20 mars 2020

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Commentaires (6)

  • Parlons du virus les libanais ne peuvent pas entrer en Syrie mais les syriens peuvent rentrer au Liban?

    Eleni Caridopoulou

    18 h 38, le 20 mars 2020

  • FINALEMENT ! L'ON RAPPELLE LES VOIES D'ACCES ILLEGALES SYRIE-LIBAN! DES ANNEES DURANT SURTOUT DEPUIS LA CRISE DES REFUGIES SYRIENS L'ON OMETTAIT DE DONNER DE L'IMPORTANCE A CE PHENOMENE SAUF QUAND IL A FALLUT PARLER DE SOUS....

    Gaby SIOUFI

    12 h 17, le 20 mars 2020

  • Tant qu’il y a des énergumènes qui se croient tout permis et transgressent les lois comme bon leur semble le Liban ne sera pas en sécurité à tout point de vue. La preuve les avions iraniens qui continués d’atterrir en déversant les passagers infectés ainsi que ceux en provenance d’Italie pour faire écran. Ils ont propagé le virus et crient à la catastrophe alors qu’ils l’ont fait en connaissance de cause et pour des raisons politiques sans prendre en compte le risque encouru pour la population. Nous n’avons pas de président ni d’autorité, ni de gouvernement ne de lois qui vaillent c’est la loi de la jungle et ce sont les plus faibles qui paient comme d’habitude.

    Sissi zayyat

    11 h 32, le 20 mars 2020

  • FAITES COMME LA GRECE. REPANDEZ L,ARMEE SUR LES FRONTIERES AVEC LA SYRIE D,OU PASSE LE PREMIER ENNEMI AUJOURD,HUI, LE COVID19.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 09, le 20 mars 2020

  • "À part celles dont se sert le Hezbollah exclusivement pour les besoins de la résistance (notamment le passage de ses combattants) et qui sont sous strict contrôle du parti, toutes les autres voies d’accès illégales devraient être interdites par les militaires et les forces de l’ordre ". Et pourquoi donc cette exception? Quels "besoins" la résistance contre Israël peut-elle avoir d'aller en Syrie? Ce qui est illégal est illégal! La véritable formule devrait être : "Y compris celles dont se sert le Hezbollah, toutes les voies d’accès illégales devraient être interdites par les militaires et les forces de l’ordre". Point final!

    Yves Prevost

    07 h 39, le 20 mars 2020

  • Sans vouloir les confondre ou les dissocier, le Hezb et autres spécialistes des frontières doivent prendre responsabilité et faire un choix. Ils soumettent la population à de très gros risques (l'économie aussi). On voudrait croire que "ce n'est pas intentionnel" mais nous ne pouvons pas dire que "ce n'est pas en connaissance de cause".

    Zovighian Michel

    02 h 15, le 20 mars 2020

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