Le Liban a annoncé le 7 mars sa volonté de restructurer sa dette. La période de grâce de sept jours concernant le paiement des 1,2 milliard d’eurobonds s’est terminée lundi. Les négociations ont-elles commencé ?
Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de contacts sérieux avec les créanciers. Bien sûr, le Liban pourrait être assigné à tout instant en justice devant un tribunal de New York, conformément à ce que prévoient les modalités de souscription des eurobonds. À mon avis, il est toutefois plus probable et plus avantageux pour toutes les parties que des négociations aient lieu, et ce dans la mesure où le gouvernement libanais tend la main aux créanciers. Mais, pour ce faire, il est nécessaire que 75 % des détenteurs de chacune des 27 séries d’eurobonds (pour un total d’un peu plus de 30 milliards de dollars) soient prêts à opter pour cette voie.
Je pense donc que tout le monde a intérêt à négocier dans le respect des standards internationaux afin d’atteindre une situation de « win-win » (gagnant-gagnant, NDLR), les créanciers pouvant alors espérer préserver autant que possible leurs intérêts en tenant compte de la capacité de l’État à rembourser. Il y a plusieurs voies pour y parvenir, qu’il s’agisse d’une baisse du principal, d’une réduction des taux d’intérêt, d’une augmentation de la durée (rééchelonnement de la dette, NDLR) ou d’une combinaison des trois (restructuration, NDLR).
Combien de temps vont durer les négociations ?
Ces négociations devraient durer six à neuf mois, si on se base sur les cas similaires qui se sont produits ailleurs dans le monde. Le pays sera donc a priori fixé d’ici au quatrième trimestre. Le plan final (annoncé lors de la déclaration ministérielle du samedi 7 mars, NDLR) sera, lui, prêt à la mi-mai, et d’ici à quelques semaines, une première mouture devrait être disponible. Nous prendrons d’autres mesures lorsque nous aurons une meilleure visibilité de la situation. Personnellement, je suis absolument convaincu que le Liban va s’en sortir.
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Le fait que le Liban en soit arrivé à ce stade signifie que ses dirigeants ne peuvent plus retarder le lancement des réformes nécessaires pour que le pays devienne compétitif et solvable. Quels sont les chantiers prioritaires du gouvernement ?
Les chantiers prioritaires sont énumérés dans la déclaration ministérielle (du gouvernement qui s’engage à introduire une série de réformes dans des délais allant de cent jours à trois ans, NDLR). Les trois objectifs les plus urgents sont de réduire le ratio dette/PIB, entre 60 et 80 % (il devrait être inférieur à 90 % selon le ministre, alors qu’il s’élève à près de 170 % actuellement, NDLR), de rééquilibrer le budget de l’État et de gommer le déficit de la balance des paiements.
Une des premières actions à entreprendre consiste à réduire les dépenses publiques et à augmenter les revenus. Le but des négociations sur la dette est justement de diminuer les paiements aux créanciers, ce qui va se répercuter positivement sur les dépenses publiques (en diminuant le service de la dette) et la balance des paiements (en réduisant les flux d’argent qui sortent du pays). La réforme du secteur de l’électricité ou la fermeture de certains organismes publics figurent également au programme.
La mise en place d’une politique d’austérité globale semble aussi inévitable à ce stade, mais nous devons tirer les leçons des autres pays, comme la Grèce, en mettant la priorité sur la protection des personnes les plus vulnérables, qui sont les plus exposées. La Banque mondiale prédit que 40 % de la population libanaise risque de se retrouver sous le seuil de pauvreté, contrainte de vivre avec moins de 5 à 8 dollars par jour par personne.
Il reste la question du déficit commercial qui doit être réduit en rationalisant nos importations tout en dopant, dans le même temps, notre capacité à exporter. Pour ce deuxième volet, il faudra particulièrement se focaliser sur la mise aux normes de nos produits qui sont globalement de bonne qualité, mais se font souvent rejeter par les douanes de certains pays – nos fruits sont excellents, mais le fait que les agriculteurs utilisent parfois certains pesticides et produits chimiques hors normes pour les faire pousser est un problème. Il faut aussi miser sur les produits à haute valeur ajoutée, et favoriser ceux qui ont besoin de moins d’eau et de pesticides. Le ministère de l’Agriculture planche déjà sur ce dossier.
Vous avez évoqué, à l’issue de votre premier mois à la tête du ministère, la préparation d’un projet de loi visant à renforcer les moyens des autorités pour protéger les consommateurs libanais, notamment des hausses de prix abusives pratiquées par certains commerçants. Où en est ce dossier ?
Une version complète du projet de loi m’a été soumise lundi dernier et mon objectif est désormais de le revoir, puis de le publier sur le site du ministère pour collecter les commentaires de tout un chacun, avant de le faire passer au plus vite devant le Conseil des ministres, pour pouvoir le faire voter ensuite au Parlement. Pour faire court, le but du texte est de nous permettre d’être moins « gentils » avec les contrevenants et de couvrir l’ensemble des secteurs de l’économie.
La réalité aujourd’hui, c’est que la loi et les moyens alloués au ministère ne nous permettent pas de protéger aussi efficacement que nous le souhaiterions les consommateurs. Actuellement, le ministère vérifie uniquement les marges entre le commerçant et le consommateur, et non pas en amont entre l’industriel ou l’importateur et le grossiste, et entre ce dernier et le magasin. Donc si une personne de cette chaîne augmente ses marges, le prix final du consommateur va augmenter alors que la marge du commerçant reste la même. La loi vise déjà à étendre la compétence de la Direction de la protection du consommateur (DPC), rattachée au ministère à ce niveau.
Un autre objectif est d’accélérer les procédures. Aujourd’hui, la DPC surveille les marges et, suivant le cas, envoie le dossier à la justice ou avertit le commerçant qui est en infraction et qui s’engage dans un premier temps à régler le problème. Si une nouvelle infraction est constatée chez le même commerçant lors d’une seconde visite (que nous programmons de façon aléatoire), la DPC le verbalise et renvoie le dossier à la justice. Avec la loi actuelle, ce processus pouvait prendre jusqu’à trois ans, avec le nouveau texte, il ne durerait plus qu’une ou deux semaines.
Le texte modifiera aussi le mode de fixation des amendes prévues, pour que le juge puisse l’ajuster en fonction notamment de la taille du commerce. Le but étant de protéger les consommateurs, sans pour autant condamner les commerçants. Nous envisageons par ailleurs de publier les noms des contrevenants, mais il faut encore que ce soit validé par la haute instance du département de la législation et des consultations au sein du ministère de la Justice. D’ores et déjà, le directeur de l’Inspection judiciaire, Bourkan Saad, a recommandé aux juges d’être plus rapides et plus stricts dans ce domaine.
Nous préparons enfin une nouvelle loi sur la concurrence, qui contribuera indirectement à influer sur la politique de prix des commerçants, parfois faussée à cause de la présence de cartels.
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Certaines voix se sont élevées pour demander une restructuration du secteur bancaire. En tant qu’ancien cadre dirigeant d’une banque, pensez-vous que cette perspective soit inéluctable ?
Lorsque les négociations seront en bonne voie, il faudra voir quelle est la situation des banques – qui sont très exposées à la dette publique – pour aviser. Ce que je peux vous assurer, c’est que la priorité de toute intervention sur le secteur bancaire sera de protéger les déposants et, en particulier, les petits déposants. Dans d’autres pays, suivant leurs situations respectives, les dépôts ont pu être protégés ou comme, par exemple, à Chypre il y a eu ce qu’on appelle un « bail-in », ce qui veut dire qu’une partie des dépôts des grands déposants a été transformée en actions dans les banques, etc. En revanche, le « haircut » dans le sens où l’argent des déposants serait ponctionné sans contrepartie aucune me semble exclu.
La priorité est que le Liban puisse à nouveau compter sur un secteur bancaire solide capable de financer et d’accompagner la croissance de l’économie. Ceci passera nécessairement par une recapitalisation des banques, pour qu’elles puissent mobiliser plus de liquidités et qu’elles soient plus rentables. L’ensemble de ces facteurs ne peut se réaliser que via une restructuration de ce secteur.
Ce sont les actionnaires qui vont recapitaliser les banques, et il se peut que la Banque du Liban (BDL) demande au final plus que les 20 % imposés actuellement (circulaire n° 532 de la BDL publiée en novembre, NDLR). Certaines fusions pourraient aussi être nécessaires, et, dans ce cas, ce sont les lois du marché qui vont s’appliquer. La Banque centrale va certainement intervenir pour encadrer ces transactions.
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POURQUOI DONC C'EST LE MINISTRE DE L'ECONOMIE QUI SE POSE EN FINANCIER ET NOUS ASSOMMENT DE SES THEORIES -FONDEES OU PAS-ALORS QUE CELUI RESPONSABLE DE CE CHAPITRE DE NOTRE ENFER EST MR. WAZNI, MINISTRE DES FINANCES QUE L'ON N'ENTEND D'AILLEURS PLUS DU TOUT ?
16 h 15, le 20 mars 2020