Depuis le début de l’année, Leila, 57 ans, et son époux participent chaque samedi à une rencontre spirituelle à la résidence des pères jésuites à Achrafieh. Samedi 22 février, ils se sont réunis avec une vingtaine de personnes dans le cadre de cette retraite. « Je suis tombée malade le lendemain, dimanche », raconte Leila à L’Orient-Le Jour. Deux semaines plus tard, elle est surprise par un premier message l’informant que la prochaine messe dominicale à l’église Saint-Joseph est annulée, deux prêtres ayant été détectés positifs au coronavirus, tandis que les autres ont été placés en quarantaine. Dans la foulée, elle reçoit un second message lui recommandant clairement, ainsi qu’à son époux, de se faire tester, d’autant qu’un couple ayant pris part au groupe de prière du samedi 22 a, lui aussi, été contaminé...Entre-temps, deux ou trois jours après que Leila eut commencé à se sentir mal, son mari et sa fille sont également tombés malades. « Nous avons tous cru souffrir de la grippe, d’autant que c’est le diagnostic qu’ont fait les médecins que nous avons consultés », explique cette mère de famille dont les deux autres enfants se trouvent à l’étranger.
Les symptômes des trois malades semblent différer en fonction de leur âge. « Alors que mon mari et moi souffrions d’une fièvre autour de 39 °C, de courbatures, de migraines, de problèmes digestifs, de nausées et d’un manque d’appétit, ma fille était un peu enrhumée. Elle avait une petite toux et un léger mal de tête. Au bout de trois jours, elle était pratiquement guérie », affirme Leila. « Aucun de nous n’a eu de troubles respiratoires, mais lorsque mes amis s’enquéraient de moi, me demandant si j’avais de tels symptômes, je me mettais à les ressentir soudain », poursuit-elle, en allusion à un trouble psychosomatique provoqué par ces questions. Quant aux symptômes réels, Leila et son mari tentent de les traiter avec « du paracétamol pour la fièvre et la migraine, et des boissons gazeuses pour les problèmes gastriques ». « Bizarrement, nous avions perdu le sens du goût », relève encore Leila. La perte du goût et ou de l’odorat est un symptôme qui revient souvent chez les personnes contaminées par le coronavirus.
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Prière pour les Chinois
Huit jours après le début de ce qu’elle pense toujours être une grippe, Leila sent qu’elle reprend du poil de la bête. Mais lorsque son beau-frère, infectiologue exerçant aux États-unis, lui suggère qu’elle a peut-être contracté une pneumonie, elle est soudain prise d’une crise d’angoisse accompagnée de frissons et d’une résurgence de la fièvre. « Quand le mot pneumonie m’a paniquée, j’étais encore loin de penser qu’on allait me diagnostiquer une infection par le coronavirus », s’amuse-t-elle aujourd’hui, relevant qu’avec ses amis, elle plaisantait alors sur le fait qu’elle pouvait souffrir du Covid-19. « Je n’aurais jamais imaginé que cela, être contaminée par le coronavirus, puisse m’arriver », assure-t-elle, révélant que depuis le début de l’épidémie en Chine, elle priait pour que Dieu vienne en aide… aux Chinois.
À partir du 2 mars, Leila finit tout de même par se sentir mieux. Samedi 7 mars, elle retourne à la résidence des pères jésuites pour prendre part à une nouvelle retraite, et assiste le lendemain à la messe, en prenant néanmoins toujours soin de se tenir à distance des gens. Le lundi suivant, elle ne rate pas non plus la rencontre spirituelle qui se tient chaque semaine en temps de carême au salon de l’église de Sahel Alma, dans le Kesrouan. Ce jour-là, elle garde aussi ses distances avec les autres participantes. Pas tant pour éviter de les contaminer, puisqu’elle est encore convaincue, à l’époque, qu’elle se remet d’une simple grippe, que pour éviter d’attraper le coronavirus alors que son système immunitaire est affaibli.
« Lorsque le 10 mars, il m’a été demandé de subir un test de détection, j’ai fait une tachycardie rien qu’à l’idée que j’allais être dépistée positive, et j’ai avalé un anxiolytique », se souvient-elle, précisant qu’un infirmier de laboratoire est venu chez elle pour effectuer la prise de sang. « Le couperet est tombé le lendemain », poursuit Leila. Elle estime toutefois, d’une certaine manière, avoir été épargnée, car le diagnostic est tombé alors qu’elle était déjà en période de récupération. « Après les résultats, j’ai contacté le prêtre de l’église de Sahel Alma et la dame en charge de la rencontre spirituelle pour les prévenir », affirme-t-elle, indiquant que son mari, sa fille et elle-même se sont mis en isolement, et que le ministère de la Santé est en contact avec eux pour s’assurer de cela. « Le prochain test, dont je prie pour qu’il soit négatif, devrait se faire en fin de semaine. »
Leçon d’humilité
De cette expérience, dans laquelle elle est toujours plongée, Leila tire une leçon d’humilité. « J’ai appris combien l’être humain est fragile », confie-t-elle, estimant qu’« il faut être humble car un jour tout peut basculer ». « À présent, j’apprécie les petits plaisirs de la vie, comme par exemple manger », sourit-elle, notant que la perte du goût et le manque d’appétit lui ont fait perdre cinq kilos en huit jours. Dans cette crise sanitaire inédite, elle conseille d’éviter tous les comportements relevant de la panique et de faire des efforts pour vaincre l’anxiété. « Il est essentiel de prendre les dispositions nécessaires pour ne pas contaminer les autres, mais il ne faut pas céder à la peur, d’une part parce qu’elle cause un repli sur soi et d’autre part parce qu’elle déshumanise », juge-t-elle. « Lorsqu’on manifeste sa sympathie aux gens qui sont exposés, on se distrait de ses angoisses en même temps qu’on leur apporte un soutien », observe-t-elle, exprimant sa vive admiration pour les médecins, la Croix-Rouge libanaise, les infirmières et tout le personnel des hôpitaux qui accompagnent les malades durant cette période.
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Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous n'avez pas publié mon commentaire? J'ai pourtant été moins sévère que certains autres lecteurs...
07 h 06, le 21 mars 2020