La crise que traverse le monde depuis la propagation spectaculaire du coronavirus a été souvent qualifiée de « sans précédent ». Au Liban et ailleurs, des millions de gens se conforment à un confinement volontaire pour tenter d’enrayer la propagation du virus. Un peu partout, l’évolution de l’épidémie et les mesures exceptionnelles annoncées par les autorités ont engendré une certaine panique dont les scènes de ruée dans les supermarchés sont une des illustrations.
« La panique survient quand on est face à quelque chose que l’on ne maîtrise pas, explique Chawki Azouri, psychologue et psychanalyste. Généralement, quand on a un problème de santé, on attend une réponse du médecin, de l’hôpital. Dans ce cas, il n’y a pas de réponse, on nous dit de rester chez nous pour nous protéger et protéger les autres. C’est cela qui est paniquant. »
Le psychologue reconnaît que la situation est « inédite ». « Même en temps de guerre, il existe des codes. Mais là, il n’y a plus de codes. Les gens sont confinés chez eux, partout dans le monde, ils communiquent entre eux par téléphone, mais ne peuvent plus se voir. Ils cherchent à subvenir à leurs besoins primaires, comme celui de manger, ce qui explique qu’ils se ruent vers les supermarchés, dans une peur irrationnelle de la famine. »
Y a-t-il moyen d’échapper à la panique ? « Par essence, une personne paniquée n’entend pas raison, affirme Chawki Azouri. En tant que psychanalyste, si j’ai une personne paniquée face à moi, je me dois de garder mon calme. À un niveau national, peut-être qu’il faudrait utiliser les médias pour diffuser des messages rassurants. Le problème, c’est que le pouvoir en place peut se retrouver désemparé. »
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Comportements atypiques
Si la panique a gagné une si grande part de la population, qu’en est-il des personnes qui peuvent présenter une fragilité psychologique ? « Des personnes plus fragiles peuvent faire preuve de comportements atypiques, comme pousser l’isolement à l’extrême, explique-t-il. D’autant plus que les premiers appels à l’isolement volontaire sont venus de références tierces comme les médias, avant le pouvoir politique, ce qui a été un facteur d’angoisse parce qu’ils ont été interprétés par certains comme la preuve du fait que ces responsables n’en sont pas en fait. »
Rester confiné chez soi pour se protéger des autres, car la contamination peut venir de n’importe qui, et pour éviter la culpabilité de contaminer soi-même les autres : tous les ingrédients d’une psychose collective sont réunis, selon le psychologue. « Il est vital de lutter contre le virus, notamment en mettant en avant les cas de guérisons et autres bonnes nouvelles, dit-il. Ma crainte, c’est que la psychose collective devienne plus incontrôlable que le virus lui-même et ne finisse par mener à des actes collectifs insensés. » Le cumul des crises au Liban – incendies, inondations, fermeture des banques, crise économique – n’arrange pas les choses, fait-il remarquer.
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L’humour, meilleure arme pour vaincre les crises
Il ne fait pas de doute que la crise du coronavirus pèse lourd sur les rapports humains. « Les relations humaines doivent être apaisantes et pas persécutives, souligne Chawki Azouri. Or, avec le risque de contamination, les rapports risquent de devenir persécutifs, sans plus apporter de réconfort. Et l’anxiété augmente, d’autant plus que la solitude et le confinement font peur. Le téléphone et les nouvelles technologies, comme WhatsApp, aident à alléger le confinement. Mais la situation reste grave. »
Le spécialiste donne l’exemple du nourrisson qui, une fois qu’il reconnaît sa mère et son père, leur fait un sourire. « Le sourire abolit les cloisons dans les relations humaines, mais où est-il actuellement ? » se demande-t-il. Ne peut-on pas déceler ce sourire dans les blagues à profusion qui circulent sur les réseaux sociaux ? « L’humour est une arme puissante pour dépasser les crises, cela a déjà été le cas durant la guerre, dit-il. Il faut espérer qu’il va perdurer dans sa forme actuelle. »
En l’absence de toute information sur la durée de cette crise sanitaire, le psychologue reconnaît « être plus inquiet concernant les risques du confinement que du virus ». « Il faut parler souvent aux personnes seules, garder le contact et maintenir la communication, c’est ce qui fait de nous des êtres humains, conclut-il. La solidarité sociale dont nous sommes témoins est très importante, nous n’avons pas d’autre choix. »
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17 h 24, le 18 mars 2020